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Patient de 54 ans avec suspicion de rechute du coronavirus

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Luc Mouthon, Chef du Service de Médecine Interne de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Mouthon, je suis médecin généraliste à Hendaye dans le Pays Basque. 

Je vois un homme de 54 ans qui a fait un COVID-19 il y a un mois avec une PCR positive dans le nez. Je suis embêté car les choses ne rentrent pas dans l’ordre. Il est venu me voir il y a 10 jours pour une angine, il y a 5 jours pour une toux qui persiste. Il a du mal à respirer, il est passé me voir ce matin et il est épuisé. Je soupçonne très clairement un COVID chronique.

Avez-vous déjà vu cela ? Pensez-vous qu’il faut refaire une PCR pour le prouver ? Si oui, comment dois-je interpréter cette PCR ? Et finalement, que dois-je faire pour ce pauvre patient ?

Réponse et discussion

PR LUC MOUTHON : Le cas de ce patient est très intéressant et instructif. Tout d’abord car cette situation n’est pas rare et même fréquente. Je ne sais pas quels étaient les premiers symptômes de ce patient mais nous sommes sûrs que c’était le COVID car l’écouvillonnage nasopharyngé l’a prouvé. 

Cependant, il développe de signes après J20. La question qui se pose est donc de savoir si c’est encore le COVID ou si cela peut être autre chose.

Pour cela, il est important de connaître les comorbidités de ce patient. A-t-il eu une cardiopathie, une hypertension artérielle, un diabète ou d‘autres pathologies qui pourraient décompenser à distance de l’infection par COVID-19 ?

Par exemple, nous avons vu qu’un sujet insuffisant cardiaque pouvait développer une dyspnée à J20-J25. Dans ce cas, il faudrait finalement plutôt évoquer l’insuffisance cardiaque que l’évolutivité de la pneumopathie à COVID. Il est donc important de voir s’il y a des éléments dans les antécédents. 

Nous savons que les surinfections sont rares mais nous pouvons tout à fait concevoir qu’au décours le patient fasse une authentique angine bactérienne. Cependant, je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas parce que le malade a encore un peu de fièvre et surtout une asthénie très prolongée et très marquée, qu’il faut multiplier les examens complémentaires. 

En fait, cette infection à COVID comme d‘autres infections virales – infections à Epstein-Barr virus avec la mononucléose infectieuse ou infections à cytomégalovirus – peut s’accompagner dans un certain nombre de cas d’une asthénie très marquée et prolongée. 

Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire de faire un écouvillonnage nasopharyngé, qui est par ailleurs un peu douloureux et peut se compliquer d’épistaxis. Car quand bien même nous trouvons une PCR positive à J30, cela ne changerait pas la prise en charge du patient et cela ne voudrait pas forcément dire qu’il est contagieux.

Si nous avons éliminé une complication d’une comorbidité ou d’une surinfection, nous allons alors avant tout demander au patient de se reposer. Nous allons prolonger son arrêt de travail et s’assurer qu’il reprend tout de même un peu d’activité physique et qu’il sort de cette sensation d’épuisement. 

Il faudra bien vérifier aussi des potentiels antécédents psychiatriques ou difficultés de fatigues chroniques ou autres qui puissent faire le lit de complications évolutives par la suite.

Il est probable que dans quelques mois ou dans l’année qui vient, nous commencerons à parler de syndrome post-COVID pour des gens très asthéniques qui ont du mal à reprendre leur activité antérieure, leur travail, ou à retrouver l’élan qu’ils avaient auparavant.

DR MALLET : En l’occurrence, je connais ce patient depuis très longtemps et je sais qu’il est extrêmement dynamique ! Ce n’est pas du tout le profil neurasthénique. C’est pour cela que je soupçonne cette forme d’infection chronique. 

Si vous avez déjà vu cette fatigue et cet épuisement post-COVID, est-ce donc un pronostic possible ?

PR LUC MOUTHON : Ce qui m’interpelle un peu est l’appellation que vous faites. Une infection chronique à COVID voudrait dire que le COVID est toujours là, que le patient est toujours contagieux et que le COVID est toujours évolutif. 

Or dans ce cas, je n’ai pas ce sentiment. Je pense plutôt à une infection aiguë. Certes, l’expression virale peut être retardée, en particulier chez les malades de réanimation qui sont ventilés de façon prolongée, mais chez la plupart des sujets nous ne répétons pas l’écouvillon parce qu’il n’y a pas de conséquences pratiques.

Si le patient est encore positif à 15 jours ou plus, cela ne va en rien modifier l’attitude thérapeutique. Par ailleurs, je ne crois pas que nous puissions parler d’infection chronique. Habituellement le mot chronique est réservé à plus de 3 mois. 

Je pense que nous sommes dans un syndrome de post-infection virale qui comporte un certain nombre de signes et notamment une asthénie très prolongée dont il faudra déterminer la cause et les mécanismes encore mal perçus à ce jour. 

De la même manière, certains patients ont des troubles cognitifs ou anxieux et je pense que nous allons progresser dans les mois qui viennent dans l’identification et la compréhension des mécanismes de ces manifestations.

DR MALLET : C’est très clair. Il y a donc en fait des patraqueries avec le COVID, comme pour la brucellose.

PR LUC MOUTHON : Exactement. Je comprends que ces symptômes vous interpellent dans le cas d’un patient très actif auparavant, et il faut le prendre en compte. 

Mais il faut aussi savoir rassurer ce patient, lui faire un arrêt de travail et progressivement l’encourager à reprendre une activité physique, sans forcer évidemment. 

Dans notre propre équipe, des personnes du personnel médical ou paramédical sont restées vraiment fatiguées après plus d’un mois. Ce n’est pas rare, et vous voyez, nous ne le constatons pas que chez nos patients.

Message de fin

DR MALLET : D’accord. Voulez-vous conclure avec un dernier message ?

PR LUC MOUTHON : Il ne faut pas hésiter à dépister les personnes qui auraient de la fièvre et des signes respiratoires ou qui seraient contact de quelqu’un identifié avec le COVID dans les jours précédents. 

Cependant, nous ne pourrons pas tester tout le monde. Si quelqu’un a déjà été diagnostiqué COVID, je ne pense donc pas nécessaire de répéter le test. 

Il faut savoir que les signes cliniques peuvent être prolongés et en particulier l’asthénie ou la fièvre qui peuvent persister après 18, 20 voire 22 jours. Une fois que nous avons éliminé raisonnablement une surinfection, il faut donc laisser le patient un peu tranquille et encourager l’amélioration.

DR MALLET : C’est très clair, merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage et si nous avons des questions qui remontent à Radio Cochin, nous vous rappellerons pour informer nos collègues.

PR LUC MOUTHON : Merci à vous. Je vous félicite car Radio Cochin commence à être très connue et reconnue, donc merci pour cette initiative.

DR MALLET : C’est grâce à vous !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Luc Mouthon, Chef du Service de Médecine Interne de Cochin. 

DR MALLET : Professeur Mouthon, je suis médecin généraliste à Hendaye dans le Pays Basque. 

Je vois un homme de 54 ans qui a fait un COVID-19 il y a un mois avec une PCR positive dans le nez. Je suis embêté car les choses ne rentrent pas dans l’ordre. Il est venu me voir il y a 10 jours pour une angine, il y a 5 jours pour une toux qui persiste. Il a du mal à respirer, il est passé me voir ce matin et il est épuisé. Je soupçonne très clairement un COVID chronique.

Avez-vous déjà vu cela ? Pensez-vous qu’il faut refaire une PCR pour le prouver ? Si oui, comment dois-je interpréter cette PCR ? Et finalement, que dois-je faire pour ce pauvre patient ? 

PR LUC MOUTHON : Le cas de ce patient est très intéressant et instructif. Tout d’abord car cette situation n’est pas rare et même fréquente. Je ne sais pas quels étaient les premiers symptômes de ce patient mais nous sommes sûrs que c’était le COVID car l’écouvillonnage nasopharyngé l’a prouvé. 

Cependant, il développe de signes après J20. La question qui se pose est donc de savoir si c’est encore le COVID ou si cela peut être autre chose.

Pour cela, il est important de connaître les comorbidités de ce patient. A-t-il eu une cardiopathie, une hypertension artérielle, un diabète ou d‘autres pathologies qui pourraient décompenser à distance de l’infection par COVID-19 ?

Par exemple, nous avons vu qu’un sujet insuffisant cardiaque pouvait développer une dyspnée à J20-J25. Dans ce cas, il faudrait finalement plutôt évoquer l’insuffisance cardiaque que l’évolutivité de la pneumopathie à COVID. Il est donc important de voir s’il y a des éléments dans les antécédents. 

Nous savons que les surinfections sont rares mais nous pouvons tout à fait concevoir qu’au décours le patient fasse une authentique angine bactérienne. Cependant, je voudrais insister sur le fait que ce n’est pas parce que le malade a encore un peu de fièvre et surtout une asthénie très prolongée et très marquée, qu’il faut multiplier les examens complémentaires. 

En fait, cette infection à COVID comme d‘autres infections virales – infections à Epstein-Barr virus avec la mononucléose infectieuse ou infections à cytomégalovirus – peut s’accompagner dans un certain nombre de cas d’une asthénie très marquée et prolongée. 

Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire de faire un écouvillonnage nasopharyngé, qui est par ailleurs un peu douloureux et peut se compliquer d’épistaxis. Car quand bien même nous trouvons une PCR positive à J30, cela ne changerait pas la prise en charge du patient et cela ne voudrait pas forcément dire qu’il est contagieux.

Si nous avons éliminé une complication d’une comorbidité ou d’une surinfection, nous allons alors avant tout demander au patient de se reposer. Nous allons prolonger son arrêt de travail et s’assurer qu’il reprend tout de même un peu d’activité physique et qu’il sort de cette sensation d’épuisement. 

Il faudra bien vérifier aussi des potentiels antécédents psychiatriques ou difficultés de fatigues chroniques ou autres qui puissent faire le lit de complications évolutives par la suite.

Il est probable que dans quelques mois ou dans l’année qui vient, nous commencerons à parler de syndrome post-COVID pour des gens très asthéniques qui ont du mal à reprendre leur activité antérieure, leur travail, ou à retrouver l’élan qu’ils avaient auparavant.

DR MALLET : En l’occurrence, je connais ce patient depuis très longtemps et je sais qu’il est extrêmement dynamique ! Ce n’est pas du tout le profil neurasthénique. C’est pour cela que je soupçonne cette forme d’infection chronique. 

Si vous avez déjà vu cette fatigue et cet épuisement post-COVID, est-ce donc un pronostic possible ?

PR LUC MOUTHON : Ce qui m’interpelle un peu est l’appellation que vous faites. Une infection chronique à COVID voudrait dire que le COVID est toujours là, que le patient est toujours contagieux et que le COVID est toujours évolutif. 

Or dans ce cas, je n’ai pas ce sentiment. Je pense plutôt à une infection aiguë. Certes, l’expression virale peut être retardée, en particulier chez les malades de réanimation qui sont ventilés de façon prolongée, mais chez la plupart des sujets nous ne répétons pas l’écouvillon parce qu’il n’y a pas de conséquences pratiques.

Si le patient est encore positif à 15 jours ou plus, cela ne va en rien modifier l’attitude thérapeutique. Par ailleurs, je ne crois pas que nous puissions parler d’infection chronique. Habituellement le mot chronique est réservé à plus de 3 mois. 

Je pense que nous sommes dans un syndrome de post-infection virale qui comporte un certain nombre de signes et notamment une asthénie très prolongée dont il faudra déterminer la cause et les mécanismes encore mal perçus à ce jour. 

De la même manière, certains patients ont des troubles cognitifs ou anxieux et je pense que nous allons progresser dans les mois qui viennent dans l’identification et la compréhension des mécanismes de ces manifestations.

DR MALLET : C’est très clair. Il y a donc en fait des patraqueries avec le COVID, comme pour la brucellose.

PR LUC MOUTHON : Exactement. Je comprends que ces symptômes vous interpellent dans le cas d’un patient très actif auparavant, et il faut le prendre en compte. 

Mais il faut aussi savoir rassurer ce patient, lui faire un arrêt de travail et progressivement l’encourager à reprendre une activité physique, sans forcer évidemment. 

Dans notre propre équipe, des personnes du personnel médical ou paramédical sont restées vraiment fatiguées après plus d’un mois. Ce n’est pas rare, et vous voyez, nous ne le constatons pas que chez nos patients.

DR MALLET : D’accord. Voulez-vous conclure avec un dernier message ?

PR LUC MOUTHON : Il ne faut pas hésiter à dépister les personnes qui auraient de la fièvre et des signes respiratoires ou qui seraient contact de quelqu’un identifié avec le COVID dans les jours précédents. 

Cependant, nous ne pourrons pas tester tout le monde. Si quelqu’un a déjà été diagnostiqué COVID, je ne pense donc pas nécessaire de répéter le test. 

Il faut savoir que les signes cliniques peuvent être prolongés et en particulier l’asthénie ou la fièvre qui peuvent persister après 18, 20 voire 22 jours. Une fois que nous avons éliminé raisonnablement une surinfection, il faut donc laisser le patient un peu tranquille et encourager l’amélioration.

DR MALLET : C’est très clair, merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage et si nous avons des questions qui remontent à Radio Cochin, nous vous rappellerons pour informer nos collègues.

PR LUC MOUTHON : Merci à vous. Je vous félicite car Radio Cochin commence à être très connue et reconnue, donc merci pour cette initiative.

DR MALLET : C’est grâce à vous !

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