À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Florence Tenenbaum, médecin nucléaire à Cochin et spécialisée dans les traitements par radioactivité.
DR MALLET : Docteur Tenenbaum, merci de parler sur Radio Cochin. Je sais que vous êtes très impliquée dans la prise en charge des patients COVID à Cochin.
Pouvez-vous nous expliquer comment un médecin nucléaire peut participer à la gestion d'une crise comme celle du COVID ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Dans un premier temps, comme tous les médecins nucléaires du service, nous avons été amenés à faire des examens, en particulier des tests pour les malades, y compris les malades COVID+. J’ai donc assuré cette activité comme tous mes collègues.
Dans un deuxième temps, en tant que médecin et j'ai voulu aider donc je me suis mobilisée sur COVIDOM. Cela dit, j’étais très préoccupée par cette situation inédite et j’avais le souhait d'aider mes collègues en première ligne sur Cochin, même sans en avoir les compétences.
En premier lieu, j'ai donc parlé avec mon collègue de médecine interne du service du Professeur Mouthon pour avoir une idée de leur travail et surtout de l'état de leurs malades.
Dans ce service, il y avait des malades souvent âgés, isolés, très fatigués et des soignants très très occupés. J'ai donc proposé de relier les malades à leurs proches et leurs familles par le biais d'une tablette, plus grande qu'un téléphone.
J'ai proposé de le faire moi-même, c'est-à-dire d'appeler la famille, vérifier si chacun avait installé l'application pour parler et voir son proche. Je devais également m'habiller.
DR MALLET : Vous avez donc appris à vous habiller, vous avez rencontré les personnels et êtes véritablement rentrée dans le service mais vous avez également appris à identifier les familles.
DR FLORENCE TENENBAUM : Tout à fait. Le professeur Mouthon a accepté ma proposition, d'autant qu'il voyait que les malades étaient très fatigués, au point de n'avoir pas la force de tenir un téléphone. Les malades étaient très tristes ar les familles n'étaient pas autorisées à venir et ils ne voyaient que les soignants ou du moins leurs yeux.
DR MALLET : Les yeux des soignants, c’est cela. Car avec les masques FFP2, on ne voit que les yeux, et encore il y a les lunettes...
DR FLORENCE TENENBAUM : Voilà. Très simplement, je suis donc allée acheter une tablette que j'ai configurée. J'ai installé l'application WhatsApp, la plus couramment utilisée par les familles.
Bien sûr, j'étais en contact avec les services techniques de l'hôpital, mais les tablettes de l'AP-HP n'étaient pas encore disponibles à ce moment.
Alors, dans ma proposition au Professeur Mouthon, j'ai réfléchi au système de la tablette afin que le malade soit au centre de son utilisation et qu'elle lui soit présentée comme une possibilité et non comme une obligation. Pour qu’ils se disent : “Si je veux, je peux” ou encore “Ça existe, je peux essayer”.
Le patient, quand il est très malade, comme avec le COVID, a surtout besoin de force pour aller vers sa guérison et il ne lui faut pas de pression supplémentaire de sa famille ou des soignants pour essayer de communiquer. Il faut que cela vienne de lui.
Les médecins et les infirmiers le proposent donc aux malades, le laissent réfléchir et nous voyons ensuite. C'est le malade qui décide.
La famille est bien évidemment en contact avec les soignants qui la tiennent au courant des nouvelles de son proche, mais est souvent très heureuse lorsqu’elle apprend cette nouvelle possibilité de contact.
Par ailleurs, ma proposition a permis aux soignants de déléguer ce temps de contact avec la famille à une personne tierce en qui ils avaient confiance. Je pense que c’est important pour eux pendant cette situation tout à fait inhabituelle.
En effet, leur charge de travail est très élevée quel que soit leur poste. Sans parler de la charge psychologique et émotionnelle. Par ailleurs, ils n'ont pas à rentrer dans l'intimité du malade. Donc quand je tiens la tablette, je n’agis bien sûr plus comme médecin.
DR MALLET : Mais vous êtes là pour eux. Nous sommes tous là parce que nous voulons aider les gens et c’est important. Avez-vous un retour d’expérience ? Votre démarche a-t-elle permis d’aider ou d’améliorer les choses ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Tout à fait. En respectant bien sûr la disponibilité du malade lorsque nous lui proposons la tablette, son intimité, son image et sa pudeur. À partir de là, la mise en place est progressive et sans obligation. Nous faisons du sur mesure.
En pratique, j'ai vu un malade deux à quatre fois pendant son hospitalisation. Plutôt l’après-midi, pour ne pas gêner les soins du matin et en moyenne 3 à 4 malades par après-midi, ce qui prenait globalement plus de deux heures. Nous ne sommes donc pas dans la rentabilité avec ces possibilités de communication.
DR MALLET : Oui, et puis il faut se changer à chaque fois…
DR FLORENCE TENENBAUM : Oui, exactement. Il fallait se changer, contacter les familles, voir si tout le monde était disponible et si le malade était toujours d’accord. À ma connaissance, la plupart des malades sont sortis d'hospitalisation et deux sont décédés.
J'ai une histoire que je souhaite vous partager d'une patiente d'environ 70 ans, seule à Paris, isolée, aveugle, d'origine asiatique, ne supportant pas l'oxygène alors qu'elle avait des gros besoins en oxygène.
Son frère était joignable par téléphone à l'étranger donc nous avons utilisé le téléphone. Je suis rentrée une première fois en contact avec lui, la conversation a pu avoir lieu dans la langue maternelle de cette personne.
Je suis revenue plusieurs jours de suite et lors de la deuxième conversation téléphonique, la malade, à ma grande surprise, s'est endormie au bout de quelques minutes au téléphone avec la voix de son frère, comme un petit enfant s'endort dans les bras.
Par la suite, j’ai appris par les infirmières qu'elle était plus calme et qu'elle supportait mieux l'oxygène. Nous l’avons vu se réalimenter et aller au fauteuil et elle est finalement sortie dans une maison de repos.
Je sais très bien que ce n'est pas le téléphone qui l'a soigné, ce sont les soins, l'oxygène et les médicaments, mais je suis certaine que la voix de son frère a été pour beaucoup dans son lien à la vie.
DR MALLET : Il est vrai que dans cet écosystème extrêmement violent, de masse et sans contact, le fil que vous leur apportez fait obligatoirement du bien. Il est certain que cela contribue à leur guérison et à recréer une confiance.
DR FLORENCE TENENBAUM : Tout à fait et je pense que les médecins et les infirmières du service l'ont bien compris parce qu’ils m'ont appelée régulièrement pour que je vois ou revois les malades.
DR MALLET : Vous avez donc l'impression d’un bénéfice pour eux. C'est très intéressant ce retour d'expérience.
DR MALLET : Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Paris dans le 20ème arrondissement.
Je suis depuis très longtemps un couple de personnes âgées extrêmement attachants. Je les vois régulièrement pour renouveler leurs traitements mais malheureusement le mari est maintenant hospitalisé avec un COVID et un AVC.
Je suis très régulièrement appelé par son épouse et ses enfants qui vivent très mal la séparation et ont du mal à comprendre pourquoi ils ne peuvent pas le voir.
Que me conseillez-vous ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Je comprends tout à fait leurs interrogations. Bien évidemment les familles sont en contact avec les médecins et les infirmières qui leur donnent des nouvelles régulièrement.
Comme vous le savez, les familles ne sont pas amenées à venir à l'hôpital pour voir leurs proches. Mais avec les techniques modernes de communication comme les tablettes, nous pouvons imaginer pallier ce genre de situations.
Même si le patient a un AVC, s'il peut exprimer son accord pour voir sa famille, nous pourrions tout à fait imaginer le mettre en contact avec sa femme ou ses enfants, soit un par un, soit à plusieurs - car cette option est possible sur WhatsApp. Ses enfants et sa femme pourraient donc le voir.
En revanche, ce ne serait pas pour des conversations très longues car les familles doivent comprendre que le malade est très fatigué. Si cela se trouve, votre patient ne peut même pas parler ou bouger.
Il faut donc que la famille parle avec des mots simples pour le retenir du côté de la vie. Ils peuvent par exemple montrer aussi ses petits-enfants. En tout cas, je pense que ce moyen très simple de la tablette pourrait aider ce patient et sa famille à rester en contact, certes très simplifié, mais en contact quand même.
DR MALLET : Avez-vous déjà eu ce genre d'expérience avec des patients âgés dans un état aphasique après avoir fait un AVC ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Oui, j'ai eu l'expérience d'un patient aphasique qui a souhaité utiliser la tablette pour voir ses trois enfants.
La première fois que je suis rentrée, nous avons parlé tranquillement. Il n'a finalement pas souhaité l’utiliser ce jour-là. Je suis revenue et la deuxième fois nous avons pu faire ce contact avec ses trois filles qui ont été très coopératives dans le sens où elles ont parlé chacune leur tour.
À la fin de ces quelques minutes de visualisation, le patient avait un alphabet que lui avait remis l'équipe soignante et il m'a montré les lettres M.E.R.C.I. - Merci.
DR MALLET : C’est important.
DR FLORENCE TENENBAUM : Très important, d'autant que quelques temps plus tard, le médecin spécialiste de Cochin qui suivait ce patient pour une autre pathologie m'a fait savoir que cette famille avait été très heureuse que ce contact ait pu se faire visuellement, vu l’état du malade.
DR MALLET : Ça leur a fait du bien.
DR FLORENCE TENENBAUM : Très probablement.
DR MALLET : C’est très intéressant. Quel est votre message pour ce cas clinique concernant le maintien du lien ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Le lien est très important dans ces moments très particuliers et ces circonstances exceptionnelles de soins où beaucoup de monde est très sérieusement occupé.
Le lien est très important pour le malade, pour la famille et pour les soignants, mais chacun à sa place. Il faut vraiment que le malade soit demandeur pour éviter toute intrusion.
En tout cas, je pense que la vue est très importante, mais la voix également. C’est probablement un très bon médicament.
DR MALLET : Très bien, restons donc là-dessus. Merci beaucoup, nous vous souhaitons bon courage et bonne chance. Nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour d’autres retours d'expérience.
À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Florence Tenenbaum, médecin nucléaire à Cochin et spécialisée dans les traitements par radioactivité.
DR MALLET : Docteur Tenenbaum, merci de parler sur Radio Cochin. Je sais que vous êtes très impliquée dans la prise en charge des patients COVID à Cochin.
Pouvez-vous nous expliquer comment un médecin nucléaire peut participer à la gestion d'une crise comme celle du COVID ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Dans un premier temps, comme tous les médecins nucléaires du service, nous avons été amenés à faire des examens, en particulier des tests pour les malades, y compris les malades COVID+. J’ai donc assuré cette activité comme tous mes collègues.
Dans un deuxième temps, en tant que médecin et j'ai voulu aider donc je me suis mobilisée sur COVIDOM. Cela dit, j’étais très préoccupée par cette situation inédite et j’avais le souhait d'aider mes collègues en première ligne sur Cochin, même sans en avoir les compétences.
En premier lieu, j'ai donc parlé avec mon collègue de médecine interne du service du Professeur Mouthon pour avoir une idée de leur travail et surtout de l'état de leurs malades.
Dans ce service, il y avait des malades souvent âgés, isolés, très fatigués et des soignants très très occupés. J'ai donc proposé de relier les malades à leurs proches et leurs familles par le biais d'une tablette, plus grande qu'un téléphone.
J'ai proposé de le faire moi-même, c'est-à-dire d'appeler la famille, vérifier si chacun avait installé l'application pour parler et voir son proche. Je devais également m'habiller.
DR MALLET : Vous avez donc appris à vous habiller, vous avez rencontré les personnels et êtes véritablement rentrée dans le service mais vous avez également appris à identifier les familles.
DR FLORENCE TENENBAUM : Tout à fait. Le professeur Mouthon a accepté ma proposition, d'autant qu'il voyait que les malades étaient très fatigués, au point de n'avoir pas la force de tenir un téléphone. Les malades étaient très tristes ar les familles n'étaient pas autorisées à venir et ils ne voyaient que les soignants ou du moins leurs yeux.
DR MALLET : Les yeux des soignants, c’est cela. Car avec les masques FFP2, on ne voit que les yeux, et encore il y a les lunettes...
DR FLORENCE TENENBAUM : Voilà. Très simplement, je suis donc allée acheter une tablette que j'ai configurée. J'ai installé l'application WhatsApp, la plus couramment utilisée par les familles.
Bien sûr, j'étais en contact avec les services techniques de l'hôpital, mais les tablettes de l'AP-HP n'étaient pas encore disponibles à ce moment.
Alors, dans ma proposition au Professeur Mouthon, j'ai réfléchi au système de la tablette afin que le malade soit au centre de son utilisation et qu'elle lui soit présentée comme une possibilité et non comme une obligation. Pour qu’ils se disent : “Si je veux, je peux” ou encore “Ça existe, je peux essayer”.
Le patient, quand il est très malade, comme avec le COVID, a surtout besoin de force pour aller vers sa guérison et il ne lui faut pas de pression supplémentaire de sa famille ou des soignants pour essayer de communiquer. Il faut que cela vienne de lui.
Les médecins et les infirmiers le proposent donc aux malades, le laissent réfléchir et nous voyons ensuite. C'est le malade qui décide.
La famille est bien évidemment en contact avec les soignants qui la tiennent au courant des nouvelles de son proche, mais est souvent très heureuse lorsqu’elle apprend cette nouvelle possibilité de contact.
Par ailleurs, ma proposition a permis aux soignants de déléguer ce temps de contact avec la famille à une personne tierce en qui ils avaient confiance. Je pense que c’est important pour eux pendant cette situation tout à fait inhabituelle.
En effet, leur charge de travail est très élevée quel que soit leur poste. Sans parler de la charge psychologique et émotionnelle. Par ailleurs, ils n'ont pas à rentrer dans l'intimité du malade. Donc quand je tiens la tablette, je n’agis bien sûr plus comme médecin.
DR MALLET : Mais vous êtes là pour eux. Nous sommes tous là parce que nous voulons aider les gens et c’est important. Avez-vous un retour d’expérience ? Votre démarche a-t-elle permis d’aider ou d’améliorer les choses ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Tout à fait. En respectant bien sûr la disponibilité du malade lorsque nous lui proposons la tablette, son intimité, son image et sa pudeur. À partir de là, la mise en place est progressive et sans obligation. Nous faisons du sur mesure.
En pratique, j'ai vu un malade deux à quatre fois pendant son hospitalisation. Plutôt l’après-midi, pour ne pas gêner les soins du matin et en moyenne 3 à 4 malades par après-midi, ce qui prenait globalement plus de deux heures. Nous ne sommes donc pas dans la rentabilité avec ces possibilités de communication.
DR MALLET : Oui, et puis il faut se changer à chaque fois…
DR FLORENCE TENENBAUM : Oui, exactement. Il fallait se changer, contacter les familles, voir si tout le monde était disponible et si le malade était toujours d’accord. À ma connaissance, la plupart des malades sont sortis d'hospitalisation et deux sont décédés.
J'ai une histoire que je souhaite vous partager d'une patiente d'environ 70 ans, seule à Paris, isolée, aveugle, d'origine asiatique, ne supportant pas l'oxygène alors qu'elle avait des gros besoins en oxygène.
Son frère était joignable par téléphone à l'étranger donc nous avons utilisé le téléphone. Je suis rentrée une première fois en contact avec lui, la conversation a pu avoir lieu dans la langue maternelle de cette personne.
Je suis revenue plusieurs jours de suite et lors de la deuxième conversation téléphonique, la malade, à ma grande surprise, s'est endormie au bout de quelques minutes au téléphone avec la voix de son frère, comme un petit enfant s'endort dans les bras.
Par la suite, j’ai appris par les infirmières qu'elle était plus calme et qu'elle supportait mieux l'oxygène. Nous l’avons vu se réalimenter et aller au fauteuil et elle est finalement sortie dans une maison de repos.
Je sais très bien que ce n'est pas le téléphone qui l'a soigné, ce sont les soins, l'oxygène et les médicaments, mais je suis certaine que la voix de son frère a été pour beaucoup dans son lien à la vie.
DR MALLET : Il est vrai que dans cet écosystème extrêmement violent, de masse et sans contact, le fil que vous leur apportez fait obligatoirement du bien. Il est certain que cela contribue à leur guérison et à recréer une confiance.
DR FLORENCE TENENBAUM : Tout à fait et je pense que les médecins et les infirmières du service l'ont bien compris parce qu’ils m'ont appelée régulièrement pour que je vois ou revois les malades.
DR MALLET : Vous avez donc l'impression d’un bénéfice pour eux. C'est très intéressant ce retour d'expérience. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Paris dans le 20ème arrondissement.
Je suis depuis très longtemps un couple de personnes âgées extrêmement attachants. Je les vois régulièrement pour renouveler leurs traitements mais malheureusement le mari est maintenant hospitalisé avec un COVID et un AVC.
Je suis très régulièrement appelé par son épouse et ses enfants qui vivent très mal la séparation et ont du mal à comprendre pourquoi ils ne peuvent pas le voir. Que me conseillez-vous ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Je comprends tout à fait leurs interrogations. Bien évidemment les familles sont en contact avec les médecins et les infirmières qui leur donnent des nouvelles régulièrement.
Comme vous le savez, les familles ne sont pas amenées à venir à l'hôpital pour voir leurs proches. Mais avec les techniques modernes de communication comme les tablettes, nous pouvons imaginer pallier ce genre de situations.
Même si le patient a un AVC, s'il peut exprimer son accord pour voir sa famille, nous pourrions tout à fait imaginer le mettre en contact avec sa femme ou ses enfants, soit un par un, soit à plusieurs - car cette option est possible sur WhatsApp. Ses enfants et sa femme pourraient donc le voir.
En revanche, ce ne serait pas pour des conversations très longues car les familles doivent comprendre que le malade est très fatigué. Si cela se trouve, votre patient ne peut même pas parler ou bouger.
Il faut donc que la famille parle avec des mots simples pour le retenir du côté de la vie. Ils peuvent par exemple montrer aussi ses petits-enfants. En tout cas, je pense que ce moyen très simple de la tablette pourrait aider ce patient et sa famille à rester en contact, certes très simplifié, mais en contact quand même.
DR MALLET : Avez-vous déjà eu ce genre d'expérience avec des patients âgés dans un état aphasique après avoir fait un AVC ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Oui, j'ai eu l'expérience d'un patient aphasique qui a souhaité utiliser la tablette pour voir ses trois enfants.
La première fois que je suis rentrée, nous avons parlé tranquillement. Il n'a finalement pas souhaité l’utiliser ce jour-là. Je suis revenue et la deuxième fois nous avons pu faire ce contact avec ses trois filles qui ont été très coopératives dans le sens où elles ont parlé chacune leur tour.
À la fin de ces quelques minutes de visualisation, le patient avait un alphabet que lui avait remis l'équipe soignante et il m'a montré les lettres M.E.R.C.I. Merci.
DR MALLET : C’est important.
DR FLORENCE TENENBAUM : Très important, d'autant que quelques temps plus tard, le médecin spécialiste de Cochin qui suivait ce patient pour une autre pathologie m'a fait savoir que cette famille avait été très heureuse que ce contact ait pu se faire visuellement, vu l’état du malade.
DR MALLET : Ça leur a fait du bien.
DR FLORENCE TENENBAUM : Très probablement.
DR MALLET : C’est très intéressant. Quel est votre message pour ce cas clinique concernant le maintien du lien ?
DR FLORENCE TENENBAUM : Le lien est très important dans ces moments très particuliers et ces circonstances exceptionnelles de soins où beaucoup de monde est très sérieusement occupé.
Le lien est très important pour le malade, pour la famille et pour les soignants, mais chacun à sa place. Il faut vraiment que le malade soit demandeur pour éviter toute intrusion.
En tout cas, je pense que la vue est très importante, mais la voix également. C’est probablement un très bon médicament.
DR MALLET : Très bien, restons donc là-dessus. Merci beaucoup, nous vous souhaitons bon courage et bonne chance. Nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour d’autres retours d'expérience.
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.