👉 Voir tous les cas cliniques

Patient de 64 ans avec insuffisance cardiaque sous IEC, ARA2 et bêtabloquants

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Denis Duboc, Chef du Service de Cardiologie à Cochin.

Retour d'expérience

DR MALLET : Professeur Duboc, comment cela se passe dans votre service ? Êtes-vous passé à 100% COVID ou vous arrivez encore à prendre en charge les patients de cardiologie parisiens ?

PR DENIS DUBOC : Nous arrivons toujours à prendre des patients pour des motifs cardiologiques. Il faut remarquer simplement qu’il y a beaucoup moins d’urgences cardiologiques à Paris et sur l’ensemble du territoire, probablement car les gens restent chez eux. 

C’est un peu moins vrai à Cochin car nous sommes un site COVID-free et que nous travaillons beaucoup avec l’HEGP qui reçoit des patients COVID +. Toute leur population habituelle COVID négative est donc dirigée chez nous. 

Cela fait que nous avons toujours une activité relativement soutenue car nous travaillons pour deux centres et sur des patients COVID négatifs. Clairement, la tendance est d’observer beaucoup moins d’infarctus qu’en période habituelle.

DR MALLET : Les gens respectent le confinement donc, en tout cas à Paris, et il y a moins d'événements cardiovasculaires. Et vous vous êtes organisés avec les collègues de l’HEGP pour faire un service de cardiologie COVID + et un autre COVID -.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Nous avons beaucoup de retours pour Radio Cochin et beaucoup de cas cliniques. Voici notamment la question d’un médecin généraliste à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine.

Je vois un patient de 64 ans avec une insuffisance cardiaque stade 3 NYHA. Ce monsieur est traité avec un traitement à base d’IEC, d'ARA 2 et de bêtabloquants. Je le suis régulièrement conjointement avec le service de cardiologie du CHU proche de chez moi. 

Ce monsieur tousse et a de la fièvre depuis une semaine. Il continue à sortir de chez lui avec de la fièvre et un syndrome respiratoire assez typique en cette période de pandémie.

Insuffisance cardiaque et COVID, que dois-je faire ?

Réponse et discussion

PR DENIS DUBOC : Surtout, n’arrêtez pas le traitement de fond de l’insuffisance cardiaque. Et ce même si le COVID a été incriminé comme passant par le récepteur à l’angiotensine 2 et que certains inhibiteurs de l’enzyme de conversion pourraient favoriser le passage de ce virus dans les poumons.

L’inverse est aussi vrai car le blocage par les ARA2 peut diminuer le passage du virus. Dans tous les cas, ce sont des données théoriques. Nous n’avons actuellement pas de preuves de ce lien négatif du COVID+ avec le traitement IEC et anti-angiotensine 2. 

En revanche, nous savons parfaitement que l’arrêt d’un traitement d’insuffisance cardiaque chez un patient qui est en période de fragilité par ailleurs, va être délétère au bout de quelques jours.

Il faut donc continuer ce traitement et prendre des mesures nécessaires au traitement de de la pneumopathie probablement COVID+. Notamment si ce patient devient hypoxique, ce qui pourrait aggraver son insuffisance cardiaque.

DR MALLET : Ce que je comprends c’est qu’il y a donc une interaction entre l’infection par le coronavirus et le système rénine-angiotensine.

PR DENIS DUBOC : L’hypertension est un facteur de risque de COVID+ sévère. D’autre part, le virus du COVID est censé pénétrer dans les poumons par l’intermédiaire de ce récepteur à l’angiotensine 2. C’est de là qu’est née l’hypothèse que ces médicaments pourraient être délétères dans le cas d’une infection à COVID. Mais rien n’est réellement prouvé. 

Tout ce que nous savons est que l’arrêt de ces traitements va déstabiliser le patient sur le plan hémodynamique et va compliquer la gestion de la prise en charge de sa maladie COVID.

DR MALLET : Selon vous, les patients avec des insuffisances cardiaques sont donc plus à risque d’une forme d’infection sévère par le COVID ? Sans mettre en cause leurs traitements.

PR DENIS DUBOC : Oui, de toute façon. Ils sont en général plus sévères à toutes infections car c’est un facteur de risque. La pneumopathie, COVID+ ou non, décompense facilement les insuffisances cardiaques. 

Dans notre cas COVID, la pneumopathie va seulement et malheureusement durer encore plus longtemps et va être un facteur de décompensation de l’insuffisance cardiaque.

DR MALLET : Il ne faut donc surtout pas rajouter un facteur supplémentaire qui pourrait favoriser la décompensation, par exemple arrêter l’inhibiteur du système rénine-angiotensine.

PR DENIS DUBOC : Absolument.

DR MALLET : D’accord. Je surveille donc mon insuffisant cardiaque, avec son poids, en introduisant si besoin des diurétiques.

PR DENIS DUBOC : Exactement. Il faut gérer cela comme une décompensation d’une insuffisance cardiaque par une pneumopathie X. Il faut essayer de traiter au mieux cette pneumopathie et de gérer par des diurétiques les nouveaux symptômes qui apparaissent, notamment l’œdème pulmonaire.

DR MALLET : Selon vous, quand faut-il hospitaliser ce patient ? 

PR DENIS DUBOC : Dès qu’il a une dyspnée de repos ou une dyspnée nocturne.

DR MALLET : Ce sont les deux signaux d’alerte.

PR DENIS DUBOC : Absolument.

Message de fin

DR MALLET : Un message pour ce cas clinique ?

PR DENIS DUBOC : Ne pas arrêter les traitements de l’insuffisance cardiaque chez un patient suspect de COVID+ et envisager son hospitalisation dès que des symptômes de repos apparaissent.

DR MALLET : Merci beaucoup pour ce message très clair et bon courage !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Denis Duboc, Chef du Service de Cardiologie à Cochin.

DR MALLET : Professeur Duboc, comment cela se passe dans votre service ? Êtes-vous passé à 100% COVID ou vous arrivez encore à prendre en charge les patients de cardiologie parisiens ?

PR DENIS DUBOC : Nous arrivons toujours à prendre des patients pour des motifs cardiologiques. Il faut remarquer simplement qu’il y a beaucoup moins d’urgences cardiologiques à Paris et sur l’ensemble du territoire, probablement car les gens restent chez eux. 

C’est un peu moins vrai à Cochin car nous sommes un site COVID-free et que nous travaillons beaucoup avec l’HEGP qui reçoit des patients COVID +. Toute leur population habituelle COVID négative est donc dirigée chez nous. 

Cela fait que nous avons toujours une activité relativement soutenue car nous travaillons pour deux centres et sur des patients COVID négatifs. Clairement, la tendance est d’observer beaucoup moins d’infarctus qu’en période habituelle. 

DR MALLET : Les gens respectent le confinement donc, en tout cas à Paris, et il y a moins d'événements cardiovasculaires. Et vous vous êtes organisés avec les collègues de l’HEGP pour faire un service de cardiologie COVID + et un autre COVID -.

Nous avons beaucoup de retours pour Radio Cochin et beaucoup de cas cliniques. Voici notamment la question d’un médecin généraliste à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine.

Je vois un patient de 64 ans avec une insuffisance cardiaque stade 3 NYHA. Ce monsieur est traité avec un traitement à base d’IEC, d'ARA 2 et de bêtabloquants. Je le suis régulièrement conjointement avec le service de cardiologie du CHU proche de chez moi. 

Ce monsieur tousse et a de la fièvre depuis une semaine. Il continue à sortir de chez lui avec de la fièvre et un syndrome respiratoire assez typique en cette période de pandémie.

Insuffisance cardiaque et COVID, que dois-je faire ?

PR DENIS DUBOC : Surtout, n’arrêtez pas le traitement de fond de l’insuffisance cardiaque. Et ce même si le COVID a été incriminé comme passant par le récepteur à l’angiotensine 2 et que certains inhibiteurs de l’enzyme de conversion pourraient favoriser le passage de ce virus dans les poumons.

L’inverse est aussi vrai car le blocage par les ARA2 peut diminuer le passage du virus. Dans tous les cas, ce sont des données théoriques. Nous n’avons actuellement pas de preuves de ce lien négatif du COVID+ avec le traitement IEC et anti-angiotensine 2. 

En revanche, nous savons parfaitement que l’arrêt d’un traitement d’insuffisance cardiaque chez un patient qui est en période de fragilité par ailleurs, va être délétère au bout de quelques jours.

Il faut donc continuer ce traitement et prendre des mesures nécessaires au traitement de de la pneumopathie probablement COVID+. Notamment si ce patient devient hypoxique, ce qui pourrait aggraver son insuffisance cardiaque.

DR MALLET : Ce que je comprends c’est qu’il y a donc une interaction entre l’infection par le coronavirus et le système rénine-angiotensine.

PR DENIS DUBOC : L’hypertension est un facteur de risque de COVID+ sévère. D’autre part, le virus du COVID est censé pénétrer dans les poumons par l’intermédiaire de ce récepteur à l’angiotensine 2. C’est de là qu’est née l’hypothèse que ces médicaments pourraient être délétères dans le cas d’une infection à COVID. Mais rien n’est réellement prouvé. 

Tout ce que nous savons est que l’arrêt de ces traitements va déstabiliser le patient sur le plan hémodynamique et va compliquer la gestion de la prise en charge de sa maladie COVID.

DR MALLET : Selon vous, les patients avec des insuffisances cardiaques sont donc plus à risque d’une forme d’infection sévère par le COVID ? Sans mettre en cause leurs traitements.

PR DENIS DUBOC : Oui, de toute façon. Ils sont en général plus sévères à toutes infections car c’est un facteur de risque. La pneumopathie, COVID+ ou non, décompense facilement les insuffisances cardiaques. 

Dans notre cas COVID, la pneumopathie va seulement et malheureusement durer encore plus longtemps et va être un facteur de décompensation de l’insuffisance cardiaque.

DR MALLET : Il ne faut donc surtout pas rajouter un facteur supplémentaire qui pourrait favoriser la décompensation, par exemple arrêter l’inhibiteur du système rénine-angiotensine.

PR DENIS DUBOC : Absolument.

DR MALLET : D’accord. Je surveille donc mon insuffisant cardiaque, avec son poids, en introduisant si besoin des diurétiques.

PR DENIS DUBOC : Exactement. Il faut gérer cela comme une décompensation d’une insuffisance cardiaque par une pneumopathie X. Il faut essayer de traiter au mieux cette pneumopathie et de gérer par des diurétiques les nouveaux symptômes qui apparaissent, notamment l’œdème pulmonaire.

DR MALLET : Selon vous, quand faut-il hospitaliser ce patient ? 

PR DENIS DUBOC : Dès qu’il a une dyspnée de repos ou une dyspnée nocturne.

DR MALLET : Ce sont les deux signaux d’alerte.

PR DENIS DUBOC : Absolument.

DR MALLET : Un message pour ce cas clinique ?

PR DENIS DUBOC : Ne pas arrêter les traitements de l’insuffisance cardiaque chez un patient suspect de COVID+ et envisager son hospitalisation dès que des symptômes de repos apparaissent.

DR MALLET : Merci beaucoup pour ce message très clair et bon courage !

Radio Cochin

Cas cliniques sur le Covid-19

Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.

Recevez les nouveaux cas en exclusivité

Retrouvez-nous sur votre plateforme