À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec la Professeure Vered Abitbol, gastroentérologue à Cochin.
DR MALLET : Professeure Abitbol, pouvez-vous nous expliquer comment cette crise exceptionnelle a modifié l’activité du service de gastroentérologie de Cochin ?
PRE VERED ABITBOL : Depuis le début de l’épidémie, nous avons dû décommander tous les actes non urgents, c’est à dire toutes les endoscopies programmées et les hospitalisations non urgentes, pour faire de la place aux malades atteints de COVID.
Nous leur avons dédié une salle entière de 18 lits où les médecins gastroentérologues du service se relaient pour s’occuper d’eux.
DR MALLET : Vous avez donc sanctuarisé des patients COVID mais continuez-vous à avoir vos patients avec des cancers, des maladies inflammatoires, des complications infectieuses qui ne sont pas infectés par le coronavirus ?
PRE VERED ABITBOL : Exactement. Nous avons gardé un secteur non-COVID pour s’occuper de nos malades gastroentérologiques urgents qui ne peuvent pas éviter l’hospitalisation.
DR MALLET : Vous dites que l’activité a diminué mais vous êtes quand même dans un grand centre d’endoscopie. Est-ce que vous prenez encore en charge des hémorragies digestives sur le site ?
PRE VERED ABITBOL : Elle a complètement diminué ! Nous avons tout décommandé, des centaines d’endoscopies. En même temps, nous maintenons une garde pour les endoscopies urgentes et nous continuons à gérer les hémorragies digestives.
DR MALLET : D’accord. Donc vous gérez encore les urgences sur site, comme on l’a toujours fait.
PRE VERED ABITBOL : Absolument, en se protégeant. Puisque vous savez que les actes d’endoscopies exposent particulièrement les endoscopistes aux risques de transmission du COVID.
DR MALLET : D’accord. Il s’agit donc bien d’une adaptation complète du service.
Et vous-même, Professeure Abitbol, étant spécialisée dans la prise en charge des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques des intestins, vous avez monté une unité de biothérapie dédiée à leur prise en charge.
Vos patients viennent donc toujours régulièrement.
Comment vous êtes-vous organisée avec ce problème de pandémie de COVID ?
PRE VERED ABITBOL : Absolument. La majorité des patients atteints de MICI – ceux dont je m’occupe – sont traitables par biothérapie. Certaines d’entre elles comme les anti-TNF alpha et l’Infliximab sont administrées par voie intraveineuse, donc ces patients viennent régulièrement faire leurs perfusions.
L’hôpital de jour des MICI dédié aux biothérapies fonctionne avec l’aide d’une infirmière coordinatrice qui appelle les patients quelques jours avant pour vérifier l’absence de contre-indication à la perfusion de biothérapie.
Nous avons dû adapter nos questionnaires pour les biothérapies en y ajoutant des questions au sujet du COVID. Nous demandons aux patients s’ils ont récemment eu de la fièvre, des signes du COVID comme l’anosmie, l’agnosie, des douleurs musculaires ou de la toux.
Nous posons aussi et surtout des questions sur les membres de leur famille avec lesquels ils sont confinés parce qu’ils oublient parfois de nous signaler qu’ils vivent avec un patient atteint de COVID. Dans ce cas-là, nous devons décaler leurs perfusions.
Par ailleurs, nous avons complètement adapté nos procédures qui sont désormais écrites et affichées :
Tout patient qui a eu de la fièvre – plus de 37,8 – au cours des trois derniers jours doit voir sa biothérapie annulée ou reportée. Ce patient doit être suivi et recontacté pour savoir s’il a développé des signes et/ou pour reprogrammer sa biothérapie.
Tout patient qui arrive en hôpital de jour pour une biothérapie le jour-même doit se laver les mains à l’arrivée. Nous lui donnons un masque chirurgical avant de l’installer dans le box de perfusion.
DR MALLET : Selon votre expérience, les biothérapies sont-elles des facteurs de progression du COVID vers une forme sévère ?
PRE VERED ABITBOL : Nous n’en avons pas la preuve. Cependant, il est classiquement dit que les patients immunodéprimés sont à risque de faire des infections. C’est connu et ancien.
Cela dit, chez nos patients (MICI) actuellement traités par biothérapie, il n’y a pas de signal de gravité particulière ou supplémentaire. C’est notre impression sur les patients que nous suivons actuellement et nous participons à des registres internationaux pour essayer de démontrer cela.
DR MALLET : Il y a des cas de COVID chez des patients en cours de traitement ou sous traitement sans signal de danger, à votre connaissance ?
PRE VERED ABITBOL : Pour l’instant non. De toute façon, la recommandation internationale est qu’un patient qui a des signes d’infection ou une infection COVID prouvée doit stopper temporairement son traitement.
Mais nous n’avons pas noté pour l’instant de signal de gravité particulière chez ces patients qui ont eu jusqu’à leur infection un traitement par biothérapie. Nous attendons les publications et les résultats des grands registres.
DR MALLET : D’accord. Parce que l’on imagine que les patients qui déclarent une infection au nouveau coronavirus, et qui arrêtent ainsi leur traitement, en sont en fait encore imprégnés.
PRE VERED ABITBOL : Absolument. Pour l’Imurel cela se compte en mois, et en semaines pour les anti-TNF comme l’Infliximab. Les patients en sont encore imprégnés.
DR MALLET : Je discutais justement il y a quelques jours avec la Professeure Miceli qui pratique beaucoup de biothérapies également. De nombreux essais avec des biothérapies ont débuté pour essayer de contrôler l’orage cytokinique associé à l’infection par le nouveau coronavirus.
Ce que nous retenons et ce qui confirme ce que disait la Professeure Miceli, c’est donc qu’il n’y a pas de signal de danger.
PRE VERED ABITBOL : Tout à fait. Par exemple, une dizaine de mes patients malades du COVID traités par immunosuppresseurs ont évolué favorablement et sans hospitalisation. Cependant, il faut continuer de participer aux registres pour rentrer nos cas et pour en être certains.
DR MALLET : C’est plutôt rassurant. Par ailleurs, ce qui remonte aussi beaucoup actuellement, c’est la diarrhée. Il y a une proportion non négligeable de patients qui se présentent avec une diarrhée et souvent des personnes âgées.
Que peut-on dire sur diarrhée et coronavirus ?
PRE VERED ABITBOL : La présentation d’infection au COVID peut être atypique avec, comme vous le mentionnez, des signes digestifs comme les diarrhées, nausées, vomissements qui peuvent précéder les autres signes comme la fièvre, les signes ORL ou respiratoires.
Cela peut malheureusement induire des errances de diagnostics et des sources de contamination si ces patients se rendent aux urgences par exemple. C’est ce qu’il s’est passé au début de l’épidémie en Italie du Nord : les patients qui avaient des manifestations atypiques ont contaminé les hôpitaux en créant de véritables clusters.
Les données de la littérature, notamment chinoise, ont par ailleurs montré la présence du virus dans les selles de patients qui étaient infectés par le COVID. Il a même été montré que l’expression du récepteur viral de l’enzyme de conversion de l’angiotensine avait été retrouvée dans des cellules digestives.
Il semble y avoir un véritable tropisme de ce virus vers le tube digestif. Ces données suggèrent que le virus peut se répliquer dans le tube digestif. Ceci a d’importantes implications pour la prise en charge et le contrôle de l’infection.
DR MALLET : Je suis médecin à Saint-Denis et je suis une patiente de 45 ans avec une maladie de Crohn iléocolique traitée depuis de nombreuses années par Adalimumab.
Elle m’appelle et me dit qu’elle a peur et qu’elle veut arrêter son traitement, bien qu’elle soit confinée.
Que me conseillez-vous ?
PRE VERED ABITBOL : Nous avons eu beaucoup de patients qui se sont adressés à nous dans les mêmes circonstances. Une MICI contrôlée par biothérapie et des patients qui ont peur et qui demandent à arrêter. En général, quand ils nous le demandent c’est qu’ils ont déjà espacé ou commencé à arrêter leur traitement.
Là-dessus, les recommandations internationales sont fermes : une MICI contrôlée par son traitement implique la poursuite absolue de ce traitement car nous n’avons pas besoin d’avoir des patients qui récidivent, des poussées de MICI et des patients qui arrivent aux urgences dans ce contexte épidémique.
Une MICI stabilisée par un traitement sous biothérapie doit continuer son traitement.
DR MALLET : C’est très clair. Ce n’est pas parce qu’il y a une pandémie que l’on doit arrêter son traitement. Le risque de faire une grosse poussée parce que l’on a arrêté le traitement, puis potentiellement de se faire contaminer dans la salle d’attente des urgences, est plus grave !
PRE VERED ABITBOL : Absolument.
DR MALLET : Si jamais cette patiente était sous Imurel au lieu de prendre une biothérapie, la recommandation serait la même ?
PRE VERED ABITBOL : C’est une très bonne question. Il avait été montré que sous azathioprine les patients étaient plus à risque d’infections virales. Mais ma réponse sera la même : une MICI contrôlée doit continuer son traitement. Il s’agit des recommandations internationales.
En téléconsultation, j’ai tout de même récemment suivi une patiente qui m’a envoyé sa biologie sur laquelle sa numération montrait une lymphopénie qui était à moins de 500. J’avoue lui avoir demandé de faire une pause dans son traitement car avec cette lymphopénie je trouve qu’elle était plus à risque. Mais en l’absence de lymphopénie importante il faut continuer le traitement.
DR MALLET : On sait que l’infection du COVID sévère est associé à des grandes lymphopénies, il faut donc bien regarder la numération et se méfier. Vous avez donc baissé un peu l’Imurel, mais vous ne l’arrêtez pas.
PRE VERED ABITBOL : Absolument. Je lui ai demandé de l’arrêter quelques jours, puis de reprendre à plus petites doses et j’ai demandé un contrôle de la numération.
DR MALLET : Vigilance donc. Et si son mari a de la fièvre et des signes respiratoires ?
PRE VERED ABITBOL : Dans ce cas nous suspecterons un contage. Je lui demanderais que son mari aille se faire tester, en sachant quand même que les tests ont une sensibilité de 60%, donc 40% de faux négatifs.
Mais devant un syndrome infectieux chez le mari, je vais demander au patient la date de sa dernière injection. Cela va dépendre du type de traitement qu’il a. Par exemple la patiente sous Adalimumab a ses injections tous les 14 jours. Je l’interrogerais donc sur la date de sa dernière injection et suivrais son évolution ainsi que celle de son mari.
Dans certains cas je pourrais suspendre le traitement mais il s’agit vraiment d’une discussion au cas par cas. Je lui demanderais de prendre sa température matin et soir et de suivre son évolution clinique. Si elle ne développe pas de symptômes dans les 14 jours, je lui demanderais de reprendre son traitement.
DR MALLET : Merci beaucoup Professeure Abitbol pour ce message très clair. Votre message pour ce cas clinique ?
PRE VERED ABITBOL : Le message : un patient qui a sa MICI qui est bien contrôlée par son traitement immunosuppresseur ou biothérapique doit continuer son traitement. S’il y a un contage ou des signes d’infection, on adapte.
DR MALLET : Merci beaucoup et bon courage à vous et vos équipes !
À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec la Professeure Vered Abitbol, gastroentérologue à Cochin.
DR MALLET : Professeure Abitbol, pouvez-vous nous expliquer comment cette crise exceptionnelle a modifié l’activité du service de gastroentérologie de Cochin ?
PRE VERED ABITBOL : Depuis le début de l’épidémie, nous avons dû décommander tous les actes non urgents, c’est à dire toutes les endoscopies programmées et les hospitalisations non urgentes, pour faire de la place aux malades atteints de COVID.
Nous leur avons dédié une salle entière de 18 lits où les médecins gastroentérologues du service se relaient pour s’occuper d’eux.
DR MALLET : Vous avez donc sanctuarisé des patients COVID mais continuez-vous à avoir vos patients avec des cancers, des maladies inflammatoires, des complications infectieuses qui ne sont pas infectés par le coronavirus ?
PRE VERED ABITBOL : Exactement. Nous avons gardé un secteur non-COVID pour s’occuper de nos malades gastroentérologiques urgents qui ne peuvent pas éviter l’hospitalisation.
DR MALLET : Vous dites que l’activité a diminué mais vous êtes quand même dans un grand centre d’endoscopie. Est-ce que vous prenez encore en charge des hémorragies digestives sur le site ?
PRE VERED ABITBOL : Elle a complètement diminué ! Nous avons tout décommandé, des centaines d’endoscopies. En même temps, nous maintenons une garde pour les endoscopies urgentes et nous continuons à gérer les hémorragies digestives.
DR MALLET : D’accord. Donc vous gérez encore les urgences sur site, comme on l’a toujours fait.
PRE VERED ABITBOL : Absolument, en se protégeant. Puisque vous savez que les actes d’endoscopies exposent particulièrement les endoscopistes aux risques de transmission du COVID.
DR MALLET : D’accord. Il s’agit donc bien d’une adaptation complète du service.
Et vous-même, Professeure Abitbol, étant spécialisée dans la prise en charge des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques des intestins, vous avez monté une unité de biothérapie dédiée à leur prise en charge.
Vos patients viennent donc toujours régulièrement.
Comment vous êtes-vous organisée avec ce problème de pandémie de COVID ?
PRE VERED ABITBOL : Absolument. La majorité des patients atteints de MICI – ceux dont je m’occupe – sont traitables par biothérapie. Certaines d’entre elles comme les anti-TNF alpha et l’Infliximab sont administrées par voie intraveineuse, donc ces patients viennent régulièrement faire leurs perfusions.
L’hôpital de jour des MICI dédié aux biothérapies fonctionne avec l’aide d’une infirmière coordinatrice qui appelle les patients quelques jours avant pour vérifier l’absence de contre-indication à la perfusion de biothérapie.
Nous avons dû adapter nos questionnaires pour les biothérapies en y ajoutant des questions au sujet du COVID. Nous demandons aux patients s’ils ont récemment eu de la fièvre, des signes du COVID comme l’anosmie, l’agnosie, des douleurs musculaires ou de la toux.
Nous posons aussi et surtout des questions sur les membres de leur famille avec lesquels ils sont confinés parce qu’ils oublient parfois de nous signaler qu’ils vivent avec un patient atteint de COVID. Dans ce cas-là, nous devons décaler leurs perfusions.
Par ailleurs, nous avons complètement adapté nos procédures qui sont désormais écrites et affichées :
Tout patient qui a eu de la fièvre – plus de 37,8 – au cours des trois derniers jours doit voir sa biothérapie annulée ou reportée. Ce patient doit être suivi et recontacté pour savoir s’il a développé des signes et/ou pour reprogrammer sa biothérapie.
Tout patient qui arrive en hôpital de jour pour une biothérapie le jour-même doit se laver les mains à l’arrivée. Nous lui donnons un masque chirurgical avant de l’installer dans le box de perfusion.
DR MALLET : Selon votre expérience, les biothérapies sont-elles des facteurs de progression du COVID vers une forme sévère ?
PRE VERED ABITBOL : Nous n’en avons pas la preuve. Cependant, il est classiquement dit que les patients immunodéprimés sont à risque de faire des infections. C’est connu et ancien.
Cela dit, chez nos patients (MICI) actuellement traités par biothérapie, il n’y a pas de signal de gravité particulière ou supplémentaire. C’est notre impression sur les patients que nous suivons actuellement et nous participons à des registres internationaux pour essayer de démontrer cela.
DR MALLET : Il y a des cas de COVID chez des patients en cours de traitement ou sous traitement sans signal de danger, à votre connaissance ?
PRE VERED ABITBOL : Pour l’instant non. De toute façon, la recommandation internationale est qu’un patient qui a des signes d’infection ou une infection COVID prouvée doit stopper temporairement son traitement.
Mais nous n’avons pas noté pour l’instant de signal de gravité particulière chez ces patients qui ont eu jusqu’à leur infection un traitement par biothérapie. Nous attendons les publications et les résultats des grands registres.
DR MALLET : D’accord. Parce que l’on imagine que les patients qui déclarent une infection au nouveau coronavirus, et qui arrêtent ainsi leur traitement, en sont en fait encore imprégnés.
PRE VERED ABITBOL : Absolument. Pour l’Imurel cela se compte en mois, et en semaines pour les anti-TNF comme l’Infliximab. Les patients en sont encore imprégnés.
DR MALLET : Je discutais justement il y a quelques jours avec la Professeure Miceli qui pratique beaucoup de biothérapies également. De nombreux essais avec des biothérapies ont débuté pour essayer de contrôler l’orage cytokinique associé à l’infection par le nouveau coronavirus.
Ce que nous retenons et ce qui confirme ce que disait la Professeure Miceli, c’est donc qu’il n’y a pas de signal de danger.
PRE VERED ABITBOL : Tout à fait. Par exemple, une dizaine de mes patients malades du COVID traités par immunosuppresseurs ont évolué favorablement et sans hospitalisation. Cependant, il faut continuer de participer aux registres pour rentrer nos cas et pour en être certains.
DR MALLET : C’est plutôt rassurant. Par ailleurs, ce qui remonte aussi beaucoup actuellement, c’est la diarrhée. Il y a une proportion non négligeable de patients qui se présentent avec une diarrhée et souvent des personnes âgées.
Que peut-on dire sur diarrhée et coronavirus ?
PRE VERED ABITBOL : La présentation d’infection au COVID peut être atypique avec, comme vous le mentionnez, des signes digestifs comme les diarrhées, nausées, vomissements qui peuvent précéder les autres signes comme la fièvre, les signes ORL ou respiratoires.
Cela peut malheureusement induire des errances de diagnostics et des sources de contamination si ces patients se rendent aux urgences par exemple. C’est ce qu’il s’est passé au début de l’épidémie en Italie du Nord : les patients qui avaient des manifestations atypiques ont contaminé les hôpitaux en créant de véritables clusters.
Les données de la littérature, notamment chinoise, ont par ailleurs montré la présence du virus dans les selles de patients qui étaient infectés par le COVID. Il a même été montré que l’expression du récepteur viral de l’enzyme de conversion de l’angiotensine avait été retrouvée dans des cellules digestives.
Il semble y avoir un véritable tropisme de ce virus vers le tube digestif. Ces données suggèrent que le virus peut se répliquer dans le tube digestif. Ceci a d’importantes implications pour la prise en charge et le contrôle de l’infection.
DR MALLET : Je suis médecin à Saint-Denis et je suis une patiente de 45 ans avec une maladie de Crohn iléocolique traitée depuis de nombreuses années par Adalimumab.
Elle m’appelle et me dit qu’elle a peur et qu’elle veut arrêter son traitement, bien qu’elle soit confinée.
Que me conseillez-vous ?
PRE VERED ABITBOL : Nous avons eu beaucoup de patients qui se sont adressés à nous dans les mêmes circonstances. Une MICI contrôlée par biothérapie et des patients qui ont peur et qui demandent à arrêter. En général, quand ils nous le demandent c’est qu’ils ont déjà espacé ou commencé à arrêter leur traitement.
Là-dessus, les recommandations internationales sont fermes : une MICI contrôlée par son traitement implique la poursuite absolue de ce traitement car nous n’avons pas besoin d’avoir des patients qui récidivent, des poussées de MICI et des patients qui arrivent aux urgences dans ce contexte épidémique.
Une MICI stabilisée par un traitement sous biothérapie doit continuer son traitement.
DR MALLET : C’est très clair. Ce n’est pas parce qu’il y a une pandémie que l’on doit arrêter son traitement. Le risque de faire une grosse poussée parce que l’on a arrêté le traitement, puis potentiellement de se faire contaminer dans la salle d’attente des urgences, est plus grave !
PRE VERED ABITBOL : Absolument.
DR MALLET : Si jamais cette patiente était sous Imurel au lieu de prendre une biothérapie, la recommandation serait la même ?
PRE VERED ABITBOL : C’est une très bonne question. Il avait été montré que sous azathioprine les patients étaient plus à risque d’infections virales. Mais ma réponse sera la même : une MICI contrôlée doit continuer son traitement. Il s’agit des recommandations internationales.
En téléconsultation, j’ai tout de même récemment suivi une patiente qui m’a envoyé sa biologie sur laquelle sa numération montrait une lymphopénie qui était à moins de 500. J’avoue lui avoir demandé de faire une pause dans son traitement car avec cette lymphopénie je trouve qu’elle était plus à risque. Mais en l’absence de lymphopénie importante il faut continuer le traitement.
DR MALLET : On sait que l’infection du COVID sévère est associé à des grandes lymphopénies, il faut donc bien regarder la numération et se méfier. Vous avez donc baissé un peu l’Imurel, mais vous ne l’arrêtez pas.
PRE VERED ABITBOL : Absolument. Je lui ai demandé de l’arrêter quelques jours, puis de reprendre à plus petites doses et j’ai demandé un contrôle de la numération.
DR MALLET : Vigilance donc. Et si son mari a de la fièvre et des signes respiratoires ?
PRE VERED ABITBOL : Dans ce cas nous suspecterons un contage. Je lui demanderais que son mari aille se faire tester, en sachant quand même que les tests ont une sensibilité de 60%, donc 40% de faux négatifs.
Mais devant un syndrome infectieux chez le mari, je vais demander au patient la date de sa dernière injection. Cela va dépendre du type de traitement qu’il a. Par exemple la patiente sous Adalimumab a ses injections tous les 14 jours. Je l’interrogerais donc sur la date de sa dernière injection et suivrais son évolution ainsi que celle de son mari.
Dans certains cas je pourrais suspendre le traitement mais il s’agit vraiment d’une discussion au cas par cas. Je lui demanderais de prendre sa température matin et soir et de suivre son évolution clinique. Si elle ne développe pas de symptômes dans les 14 jours, je lui demanderais de reprendre son traitement.
DR MALLET : Merci beaucoup Professeure Abitbol pour ce message très clair. Votre message pour ce cas clinique ?
PRE VERED ABITBOL : Le message : un patient qui a sa MICI qui est bien contrôlée par son traitement immunosuppresseur ou biothérapique doit continuer son traitement. S’il y a un contage ou des signes d’infection, on adapte.
DR MALLET : Merci beaucoup et bon courage à vous et vos équipes !
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.