Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.
Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Jean-Paul Mira, Chef du Service de Réanimation de Cochin.
DR MALLET : Professeur Mira, vous êtes en première ligne. Pouvez-vous nous décrire la situation dans votre service ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Nous avons habituellement un service de 24 lits dédiés essentiellement à des patients de réanimation médicale. Aujourd’hui, la montée en puissance de notre structure et l’avancée de l’épidémie a fait que nous sommes progressivement passé de 6 lits dédiés pour les patients COVID+ à 12 puis 18.
Aujourd’hui, c’est désormais tout notre service qui est dédié uniquement à ce type de patients. Sur ces 24 lits de réanimation dédiés, nous avons actuellement 20 patients.
DR MALLET : Cela progresse donc. Comment voyez-vous la situation dans les jours à venir ? Allez-vous disposer de plus d’unités qui pourront faire de la ventilation mécanique pour ces patients ?
PR JEAN-PAUL MIRA : À Cochin comme sur l’ensemble de l’AP et de l’Île-de-France, des efforts considérables ont été faits par l’administration et les soignants pour augmenter la capacité de lits critiques et essentiellement de lits de réanimation.
À Cochin, nous avons par ailleurs équipé deux nouvelles unités de respirateurs.
Nous avons transféré nos patients de réanimation médicale en réanimation chirurgicale. L’ensemble des interventions nécessitant potentiellement de la réanimation pour les patients ont été décalées, donc nous avons pour le moment une réserve en lits.
Nous espérons que cette réserve sera suffisante, mais tout dépendra du nombre de patients qui va arriver, ce que personne ne peut exactement savoir à ce jour.
DR MALLET : À Cochin, nous disposons par ailleurs d’un grand nombre de lits de médecine car les services de médecine sont grandement mobilisés pour les patients qui ne relèvent pas de ventilations mécaniques.
PR JEAN-PAUL MIRA : Bien sûr, nous avons commencé par réserver des lits pour les patients en médecine interne et en pneumologie. Dès demain, trois autres services vont prendre ce type de patients pour une offre dédiée en médecine de plus de 120 lits.
DR MALLET : D’accord. Toute l’AP et Cochin sont donc mobilisés, et les réanimateurs et les médecins sont à disposition pour les patients. Toutefois, il faut que ces patients parfois fragiles restent le plus à domicile pour éviter d’engorger les services et éviter qu’ils attrapent l’infection.
DR MALLET : Voici maintenant la question d’un médecin traitant dans le 6ème arrondissement de Paris.
Je suis au chevet d’un homme de 48 ans avec une hypertension artérielle et un surpoids. Il prend des bêtabloquants et de l’aspirine à faible dose en prophylaxie primaire.
Comme tout le monde, j’ai entendu parler des possibles interactions entre les infections à COVID-19 et l’aspirine.
Me conseillez-vous d’arrêter ce traitement ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Certainement pas. Il est fortement déconseillé d’arrêter les antiagrégants plaquettaires type aspirine à faibles doses comme ils sont donnés habituellement à ce type de patients. Et ce surtout s’ils sont infectés.
Nous savons que le virus créé une situation pro-coagulante. Il a déjà été rapporté, chez des patients pour qui nous avions arrêté par peur ce type de traitements antiagrégants, des thromboses aiguës et des névroses, et ce même chez des patients jeunes.
Votre patient a plusieurs facteurs de risque de sévérité, même s’il est jeune. Car nous savons que des patients très jeunes peuvent être en réanimation.
Dans son cas, il a un surpoids et une hypertension. Globalement, il lui manque le diabète pour avoir l’ensemble des critères de sévérité.
Je surveillerais donc son état respiratoire, pour vérifier qu’il ne fait pas de détresse respiratoire et j’irais le voir régulièrement si possible. Dans tous les cas, je lui donnerais des consignes pour m’appeler si jamais il avait du mal à respirer et je n’arrêterais absolument pas l’aspirine.
DR MALLET : C’est un message très important. Quand elle est donnée à dose antiagrégante, l’aspirine ne doit pas être pris comme un anti-inflammatoire – pas à des doses anti-inflammatoires (1gx3).
Quand elle est prise à doses antiagrégantes, parce que le COVID est potentiellement thrombogène, elle ne doit jamais être arrêtée.
Si aujourd’hui ce patient n’a pas de signe de détresse respiratoire, il doit quand même être surveillé et nous devons le réévaluer.
D’après votre expérience, quels sont les critères de gravité ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Ce sont des signes de détresse respiratoire.
Chez un patient qui est extrêmement sportif, des réserves physiologiques très importantes peuvent cacher la détresse respiratoire.
Cependant, chez un patient comme le vôtre, il faut s’inquiéter dès qu’il va commencer à se sentir essoufflé pour des gestes de la vie courante. Dans ce cas, je lui conseillerais de se rendre aux urgences. S’il ne peut pas, il appelle le 15.
DR MALLET : Je parlais hier avec une collègue qui a été appelée au chevet d’un patient avec le SAMU. Il avait environ 60 ans, parlait bien, n’avait pas de dyspnée et une fréquence respiratoire à 18.
Ils ont quand même décidé de le prendre pour l’emmener au SAU de Pompidou. Le patient s’est levé et le seul fait d’aller chercher sa veste l’a essoufflé et rendu très dyspnéique. Ils lui ont tout de suite mis de l’oxygène et le patient a été intubé à son arrivée aux urgences.
PR JEAN-PAUL MIRA : C’est ce que nous avons effectivement appris avec ce type de malades : même les patients sans antécédents respiratoires ont une capacité à se dégrader extrêmement rapidement.
Les patients vus par des collègues généralistes de façon normalement sévères peuvent arrivés asphyxiques et nécessitent une prise en charge avec ventilation mécanique dans l’heure qui suit leur hospitalisation, soit aux urgences, soit dans notre service de réanimation. C’est très spécifique de ce type d’atteinte du COVID.
DR MALLET : Nous allons donc être très prudents. Voulez-vous insister sur un point particulier pour ce cas clinique ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Il ne faut pas arrêter l’aspirine donnée de façon appropriée, à dose antiagrégante. Le patient doit continuer à la prendre car les risques et les conséquences d’un arrêt sont supérieurs aux risques de continuer ce genre de traitement.
DR MALLET : C’est très clair. Nous n’arrêterons pas les antiagrégants. Nous vous souhaitons bon courage et nous vous rappellerons pour d’autres questions. Bonne chance !
PR JEAN-PAUL MIRA : Merci beaucoup.
Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.
Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Jean-Paul Mira, Chef du Service de Réanimation de Cochin.
DR MALLET : Professeur Mira, vous êtes en première ligne. Pouvez-vous nous décrire la situation dans votre service ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Nous avons habituellement un service de 24 lits dédiés essentiellement à des patients de réanimation médicale. Aujourd’hui, la montée en puissance de notre structure et l’avancée de l’épidémie a fait que nous sommes progressivement passé de 6 lits dédiés pour les patients COVID+ à 12 puis 18.
Aujourd’hui, c’est désormais tout notre service qui est dédié uniquement à ce type de patients. Sur ces 24 lits de réanimation dédiés, nous avons actuellement 20 patients.
DR MALLET : Cela progresse donc. Comment voyez-vous la situation dans les jours à venir ? Allez-vous disposer de plus d’unités qui pourront faire de la ventilation mécanique pour ces patients ?
PR JEAN-PAUL MIRA : À Cochin comme sur l’ensemble de l’AP et de l’Île-de-France, des efforts considérables ont été faits par l’administration et les soignants pour augmenter la capacité de lits critiques et essentiellement de lits de réanimation.
À Cochin, nous avons par ailleurs équipé deux nouvelles unités de respirateurs.
Nous avons transféré nos patients de réanimation médicale en réanimation chirurgicale. L’ensemble des interventions nécessitant potentiellement de la réanimation pour les patients ont été décalées, donc nous avons pour le moment une réserve en lits.
Nous espérons que cette réserve sera suffisante, mais tout dépendra du nombre de patients qui va arriver, ce que personne ne peut exactement savoir à ce jour.
DR MALLET : À Cochin, nous disposons par ailleurs d’un grand nombre de lits de médecine car les services de médecine sont grandement mobilisés pour les patients qui ne relèvent pas de ventilations mécaniques.
PR JEAN-PAUL MIRA : Bien sûr, nous avons commencé par réserver des lits pour les patients en médecine interne et en pneumologie. Dès demain, trois autres services vont prendre ce type de patients pour une offre dédiée en médecine de plus de 120 lits.
DR MALLET : D’accord. Toute l’AP et Cochin sont donc mobilisés, et les réanimateurs et les médecins sont à disposition pour les patients. Toutefois, il faut que ces patients parfois fragiles restent le plus à domicile pour éviter d’engorger les services et éviter qu’ils attrapent l’infection.
Voici maintenant la question d’un médecin traitant dans le 6ème arrondissement de Paris. Je suis au chevet d’un homme de 48 ans avec une hypertension artérielle et un surpoids. Il prend des bêtabloquants et de l’aspirine à faible dose en prophylaxie primaire.
Comme tout le monde, j’ai entendu parler des possibles interactions entre les infections à COVID-19 et l’aspirine.
Me conseillez-vous d’arrêter ce traitement ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Certainement pas. Il est fortement déconseillé d’arrêter les antiagrégants plaquettaires type aspirine à faibles doses comme ils sont donnés habituellement à ce type de patients. Et ce surtout s’ils sont infectés.
Nous savons que le virus créé une situation pro-coagulante. Il a déjà été rapporté, chez des patients pour qui nous avions arrêté par peur ce type de traitements antiagrégants, des thromboses aiguës et des névroses, et ce même chez des patients jeunes.
Votre patient a plusieurs facteurs de risque de sévérité, même s’il est jeune. Car nous savons que des patients très jeunes peuvent être en réanimation.
Dans son cas, il a un surpoids et une hypertension. Globalement, il lui manque le diabète pour avoir l’ensemble des critères de sévérité.
Je surveillerais donc son état respiratoire, pour vérifier qu’il ne fait pas de détresse respiratoire et j’irais le voir régulièrement si possible. Dans tous les cas, je lui donnerais des consignes pour m’appeler si jamais il avait du mal à respirer et je n’arrêterais absolument pas l’aspirine.
DR MALLET : C’est un message très important. Quand elle est donnée à dose antiagrégante, l’aspirine ne doit pas être pris comme un anti-inflammatoire – pas à des doses anti-inflammatoires (1gx3).
Quand elle est prise à doses antiagrégantes, parce que le COVID est potentiellement thrombogène, elle ne doit jamais être arrêtée.
Si aujourd’hui ce patient n’a pas de signe de détresse respiratoire, il doit quand même être surveillé et nous devons le réévaluer.
D’après votre expérience, quels sont les critères de gravité ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Ce sont des signes de détresse respiratoire.
Chez un patient qui est extrêmement sportif, des réserves physiologiques très importantes peuvent cacher la détresse respiratoire.
Cependant, chez un patient comme le vôtre, il faut s’inquiéter dès qu’il va commencer à se sentir essoufflé pour des gestes de la vie courante. Dans ce cas, je lui conseillerais de se rendre aux urgences. S’il ne peut pas, il appelle le 15.
DR MALLET : Je parlais hier avec une collègue qui a été appelée au chevet d’un patient avec le SAMU. Il avait environ 60 ans, parlait bien, n’avait pas de dyspnée et une fréquence respiratoire à 18.
Ils ont quand même décidé de le prendre pour l’emmener au SAU de Pompidou. Le patient s’est levé et le seul fait d’aller chercher sa veste l’a essoufflé et rendu très dyspnéique. Ils lui ont tout de suite mis de l’oxygène et le patient a été intubé à son arrivée aux urgences.
PR JEAN-PAUL MIRA : C’est ce que nous avons effectivement appris avec ce type de malades : même les patients sans antécédents respiratoires ont une capacité à se dégrader extrêmement rapidement.
Les patients vus par des collègues généralistes de façon normalement sévères peuvent arrivés asphyxiques et nécessitent une prise en charge avec ventilation mécanique dans l’heure qui suit leur hospitalisation, soit aux urgences, soit dans notre service de réanimation. C’est très spécifique de ce type d’atteinte du COVID.
DR MALLET : Nous allons donc être très prudents. Voulez-vous insister sur un point particulier pour ce cas clinique ?
PR JEAN-PAUL MIRA : Il ne faut pas arrêter l’aspirine donnée de façon appropriée, à dose antiagrégante. Le patient doit continuer à la prendre car les risques et les conséquences d’un arrêt sont supérieurs aux risques de continuer ce genre de traitement.
DR MALLET : C’est très clair. Nous n’arrêterons pas les antiagrégants. Nous vous souhaitons bon courage et nous vous rappellerons pour d’autres questions. Bonne chance !
PR JEAN-PAUL MIRA : Merci beaucoup.
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.