À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Nicolas Dupin, dermatologue à Cochin.
DR MALLET : Professeur Dupin, pouvez-vous nous expliquer en quoi cette situation de crise a modifié votre activité et l'activité du service de dermatologie de Cochin ?
PR DUPIN : Tout d'abord, bonjour. Cette situation a énormément transformé notre activité puisque nous, les dermatologues, avons une activité très clinique. Avec le confinement et la réduction des allées et venues des patients, nous avons complètement modifié notre façon de faire et beaucoup de consultations ont été décalées.
Nous avons bien sûr conservé les patients les plus graves, par exemple les patients atteints de cancers cutanés qui ne pouvaient pas attendre d'être opérés. Pour la plupart des patients, nous avons pu organiser des consultations téléphoniques, voire des téléconsultations, grâce à des systèmes qui permettent de s'entretenir avec eux.
Chaque médecin du service a pu décaler ses consultations mais nous sommes un peu inquiets de savoir comment nous pourrons reprendre cette activité puisque certains des patients nécessitent d'être vus.
Bien entendu, nous restons à la disposition de tous les patients mais aussi de tous les collègues de ville qui continuent de consulter – généralistes ou dermatologues – afin de pouvoir répondre à leurs besoins lorsqu'ils ont des patients difficiles.
Nous avons également une salle d'hospitalisation qui a beaucoup réduit son activité. Nous sommes dans un secteur qui est COVID-free, mais beaucoup de mes médecins, de mes chefs de clinique et de mes internes ont été appelés à renforcer les unités COVID positives afin de pouvoir diminuer la charge qui incombe aux médecins responsables de ces unités.
Depuis le début de cette épidémie, nous sommes appelés pour voir des patients COVID positifs dans différents secteurs, que ce soit en réanimation ou dans les services de médecine qui se sont redéployés pour cette activité.
DR MALLET : La prise en charge du cancer est donc modifiée dans vos unités ? L’avez-vous maintenue ? Les RCP sont-ils maintenus ?
PR DUPIN : Nous maintenons bien sûr toutes nos réunions, soit par Skype, soit par téléphone. Nous avons une activité de RCP qui a bien diminué, mais qui est maintenue. Nous maintenons nos activités anatomo-cliniques, c'est-à-dire que nous avons encore des patients pour lesquels nous faisons des biopsies. Nous avons une réunion hebdomadaire qui se fait sur Skype avec notre référent en anatomo-pathologie.
Concernant les cancers, il faut savoir qu’il y a trois types de cancers cutanés principaux. Les plus fréquents sont les carcinomes basocellulaires qui peuvent être décalés dans le temps, sauf véritablement en localisations difficiles. Sinon, ces carcinomes peuvent être décalés de 6 semaines ou 2 mois sans poser trop de problèmes.
En ce qui concerne les mélanomes, c'est beaucoup plus compliqué. Cela nécessite d'être au moins retiré dans le mois. Ces patients-là ne peuvent donc pas être repoussés. Cela correspond à quelques patients seulement.
Mais malheureusement, il peut y avoir d’autres types de carcinomes, comme le carcinome épidermoïde. Ces derniers ne peuvent pas tellement attendre.
Et puis, nous avons bien sûr des terrains fragilisés avec des patients immunodéprimés que nous n’aimons pas trop faire venir à l'hôpital actuellement.
Nous avons donc gardé une activité de chirurgie ambulatoire dans le service de nos collègues ophtalmologues qui nous ont offert des plages opératoires. Cela nous permet de programmer des exérèses qui ne peuvent pas être décalées.
DR MALLET : Il y a donc une consultation libre de dermatologie à l'hôpital Tarnier qui est ouverte sur la ville où n'importe qui peut consulter ?
PR DUPIN : Exactement, nous avons maintenu les consultations sans rendez-vous. Elles ont cependant nettement diminué puisque les gens sont quand même frileux de venir à l'hôpital. Mais nous avons quand même une permanence de soins car la peau, ça ne prévient pas.
Nous gérons les patients par le biais du téléphone mais ils peuvent venir à Tarnier s’ils le souhaitent. Nous sommes présents. Les urgences sont maintenues et il n'y a absolument aucun problème.
Les avis sur le reste du GH sont maintenus dans les différents secteurs et nos internes, nos chefs et nous-mêmes sommes là pour répondre à nos collègues.
DR MALLET : D'accord, c'est très clair merci beaucoup. Maintenant, voici la question d’un médecin généraliste dans les Yvelines qui écoute Radio Cochin :
Je vois un homme de 80 ans qui a fait un syndrome respiratoire il y a une dizaine de jours, que j'avais mis à l'époque sous Augmentin.
Aujourd’hui, il vient me voir à mon cabinet de consultation pour des plaques rouges sur l'ensemble du corps qui sont légèrement prurigineuses. Il dit que cela s’étend.
Des collègues m’ont parlé de vascularites au COVID et je me demande si ça peut être le cas. Y a-t-il alors une indication à démarrer un traitement par une corticothérapie ?
Qu'est-ce que vous en pensez ? Que me conseillez-vous ?
PR DUPIN : Je pense qu'il faut avoir du bon sens. Il ne faut pas oublier que, COVID ou pas, des gens peuvent être allergiques à la pénicilline, dont potentiellement ce patient qui a été mis sous Augmentin pour un syndrome respiratoire – peut être lié au COVID d’ailleurs même si le médecin généraliste ne le précise pas.
En tout cas, lorsqu'on met quelqu'un sous Augmentin et qu’il a des plaques sur le corps huit jours plus tard, la première chose qu'il faut évoquer c’est une toxidermie. Elles sont bien plus fréquentes que ces vascularites dont on entend parler mais qui – pour l'instant en tout cas – ne sont pas si bien documentées.
Je rappelle que le coronavirus n'est pas un virus cutanéotrope et que nous ne sommes pas actuellement débordés par des manifestations cutanées. Si elles existent peut-être, elles ne sont en tout cas pas classiquement reportées.
Je crois que le bon sens est de faire attention à l'allergie à la pénicilline. Si l’on peut arrêter son antibiotique à ce monsieur de 80 ans, c'est ce que je ferais en première chose.
DR MALLET : D’accord. Donc vous n’avez jamais vu des plaques rouges érythémateuses de ce type chez une personne au niveau de l'ensemble du corps dans un contexte d'infection par le nouveau coronavirus ?
PR DUPIN : On ne peut jamais dire jamais en médecine. Nous avons été amenés à voir des patients dans des contextes réanimatoires avec des éruptions cutanées qui, a priori, étaient plutôt secondaires aux multiples antibiotiques et autres traitements qu’ils pouvaient recevoir plutôt que des manifestations spécifiques du COVID.
Nous avons vu des patients qui avaient effectivement des plaques et nous nous posons la question du rôle du COVID mais pour l'instant, il n'a jamais été démontré que le coronavirus était présent dans ces lésions. Cela a été confirmé par toutes les biopsies que nous avons pu faire. Il s’agit soit d’autre chose, soit de ce que nous appelons phénomènes paraviraux ou exanthèmes paraviraux.
Pour l'instant nous n’avons donc pas assez de recul pour pouvoir répondre à cela. Et nous comptons seulement sur les doigts d’une main nos patients à Cochin pour qui cela se passe mal.
DR MALLET : C'est très intéressant. Vous êtes en plein milieu de la crise et comme vous dites, il y a beaucoup de patients à l'hôpital Cochin. On ne vous appelle pas tous les jours pour des problèmes dermatologiques et la plupart des appels vous les avez potentiellement imputés aux traitements concomitants.
PR DUPIN : Voilà. Exactement.
DR MALLET : Je vais donc arrêter l'Augmentin chez ce patient et le rassurer. Sinon, l'indication d'une corticothérapie pour une potentielle toxidermie, qu’en pensez-vous ?
PR DUPIN : Il ne faut pas. Surtout pas. Quand vous avez une toxidermie, il faut revenir aux bons principes : essayer de voir si le médicament est plus important que la toxidermie elle-même.
Dans cette situation, il faut d'abord savoir si c'est grave ou non. Dans un deuxième temps, on se pose la question de savoir s’il faut continuer le traitement ou non.
Ici, il me semble qu'il n'y a pas de signe de gravité (de la fièvre, des fluides muqueux, des bulles, un décollement) ni de signes de Nikolsky ou de Lyell.
Si ce n’est pas grave, l'indication du médicament n'est pas fondamentale et donc il faut l’arrêter. Il faut garder une attitude simple et pragmatique.
DR MALLET : Pragmatique. Merci beaucoup pour ces conseils. Votre message pour ce cas clinique ?
PR DUPIN : Mon message : ce n'est pas parce qu'on est en période de COVID que tout est COVID. Il faut quand même garder les bons réflexes et se souvenir que les allergies aux antibiotiques sont bien plus fréquentes que les vascularites au COVID.
DR MALLET :Très bien, merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage et nous vous recontacterons si besoin !
À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Nicolas Dupin, dermatologue à Cochin.
DR MALLET : Professeur Dupin, pouvez-vous nous expliquer en quoi cette situation de crise a modifié votre activité et l'activité du service de dermatologie de Cochin ?
PR DUPIN : Tout d'abord, bonjour. Cette situation a énormément transformé notre activité puisque nous, les dermatologues, avons une activité très clinique. Avec le confinement et la réduction des allées et venues des patients, nous avons complètement modifié notre façon de faire et beaucoup de consultations ont été décalées.
Nous avons bien sûr conservé les patients les plus graves, par exemple les patients atteints de cancers cutanés qui ne pouvaient pas attendre d'être opérés. Pour la plupart des patients, nous avons pu organiser des consultations téléphoniques, voire des téléconsultations, grâce à des systèmes qui permettent de s'entretenir avec eux.
Chaque médecin du service a pu décaler ses consultations mais nous sommes un peu inquiets de savoir comment nous pourrons reprendre cette activité puisque certains des patients nécessitent d'être vus.
Bien entendu, nous restons à la disposition de tous les patients mais aussi de tous les collègues de ville qui continuent de consulter – généralistes ou dermatologues – afin de pouvoir répondre à leurs besoins lorsqu'ils ont des patients difficiles.
Nous avons également une salle d'hospitalisation qui a beaucoup réduit son activité. Nous sommes dans un secteur qui est COVID-free, mais beaucoup de mes médecins, de mes chefs de clinique et de mes internes ont été appelés à renforcer les unités COVID positives afin de pouvoir diminuer la charge qui incombe aux médecins responsables de ces unités.
Depuis le début de cette épidémie, nous sommes appelés pour voir des patients COVID positifs dans différents secteurs, que ce soit en réanimation ou dans les services de médecine qui se sont redéployés pour cette activité.
DR MALLET : La prise en charge du cancer est donc modifiée dans vos unités ? L’avez-vous maintenue ? Les RCP sont-ils maintenus ?
PR DUPIN : Nous maintenons bien sûr toutes nos réunions, soit par Skype, soit par téléphone. Nous avons une activité de RCP qui a bien diminué, mais qui est maintenue. Nous maintenons nos activités anatomo-cliniques, c'est-à-dire que nous avons encore des patients pour lesquels nous faisons des biopsies. Nous avons une réunion hebdomadaire qui se fait sur Skype avec notre référent en anatomo-pathologie.
Concernant les cancers, il faut savoir qu’il y a trois types de cancers cutanés principaux. Les plus fréquents sont les carcinomes basocellulaires qui peuvent être décalés dans le temps, sauf véritablement en localisations difficiles. Sinon, ces carcinomes peuvent être décalés de 6 semaines ou 2 mois sans poser trop de problèmes.
En ce qui concerne les mélanomes, c'est beaucoup plus compliqué. Cela nécessite d'être au moins retiré dans le mois. Ces patients-là ne peuvent donc pas être repoussés. Cela correspond à quelques patients seulement.
Mais malheureusement, il peut y avoir d’autres types de carcinomes, comme le carcinome épidermoïde. Ces derniers ne peuvent pas tellement attendre.
Et puis, nous avons bien sûr des terrains fragilisés avec des patients immunodéprimés que nous n’aimons pas trop faire venir à l'hôpital actuellement.
Nous avons donc gardé une activité de chirurgie ambulatoire dans le service de nos collègues ophtalmologues qui nous ont offert des plages opératoires. Cela nous permet de programmer des exérèses qui ne peuvent pas être décalées.
DR MALLET : Il y a donc une consultation libre de dermatologie à l'hôpital Tarnier qui est ouverte sur la ville où n'importe qui peut consulter ?
PR DUPIN : Exactement, nous avons maintenu les consultations sans rendez-vous. Elles ont cependant nettement diminué puisque les gens sont quand même frileux de venir à l'hôpital. Mais nous avons quand même une permanence de soins car la peau, ça ne prévient pas.
Nous gérons les patients par le biais du téléphone mais ils peuvent venir à Tarnier s’ils le souhaitent. Nous sommes présents. Les urgences sont maintenues et il n'y a absolument aucun problème.
Les avis sur le reste du GH sont maintenus dans les différents secteurs et nos internes, nos chefs et nous-mêmes sommes là pour répondre à nos collègues.
DR MALLET : D'accord, c'est très clair merci beaucoup. Maintenant, voici la question d’un médecin généraliste dans les Yvelines qui écoute Radio Cochin :
Je vois un homme de 80 ans qui a fait un syndrome respiratoire il y a une dizaine de jours, que j'avais mis à l'époque sous Augmentin.
Aujourd’hui, il vient me voir à mon cabinet de consultation pour des plaques rouges sur l'ensemble du corps qui sont légèrement prurigineuses. Il dit que cela s’étend.
Des collègues m’ont parlé de vascularites au COVID et je me demande si ça peut être le cas. Y a-t-il alors une indication à démarrer un traitement par une corticothérapie ?
Qu'est-ce que vous en pensez ? Que me conseillez-vous ?
PR DUPIN : Je pense qu'il faut avoir du bon sens. Il ne faut pas oublier que, COVID ou pas, des gens peuvent être allergiques à la pénicilline, dont potentiellement ce patient qui a été mis sous Augmentin pour un syndrome respiratoire – peut être lié au COVID d’ailleurs même si le médecin généraliste ne le précise pas.
En tout cas, lorsqu'on met quelqu'un sous Augmentin et qu’il a des plaques sur le corps huit jours plus tard, la première chose qu'il faut évoquer c’est une toxidermie. Elles sont bien plus fréquentes que ces vascularites dont on entend parler mais qui – pour l'instant en tout cas – ne sont pas si bien documentées.
Je rappelle que le coronavirus n'est pas un virus cutanéotrope et que nous ne sommes pas actuellement débordés par des manifestations cutanées. Si elles existent peut-être, elles ne sont en tout cas pas classiquement reportées.
Je crois que le bon sens est de faire attention à l'allergie à la pénicilline. Si l’on peut arrêter son antibiotique à ce monsieur de 80 ans, c'est ce que je ferais en première chose.
DR MALLET : D’accord. Donc vous n’avez jamais vu des plaques rouges érythémateuses de ce type chez une personne au niveau de l'ensemble du corps dans un contexte d'infection par le nouveau coronavirus ?
PR DUPIN : On ne peut jamais dire jamais en médecine. Nous avons été amenés à voir des patients dans des contextes réanimatoires avec des éruptions cutanées qui, a priori, étaient plutôt secondaires aux multiples antibiotiques et autres traitements qu’ils pouvaient recevoir plutôt que des manifestations spécifiques du COVID.
Nous avons vu des patients qui avaient effectivement des plaques et nous nous posons la question du rôle du COVID mais pour l'instant, il n'a jamais été démontré que le coronavirus était présent dans ces lésions. Cela a été confirmé par toutes les biopsies que nous avons pu faire. Il s’agit soit d’autre chose, soit de ce que nous appelons phénomènes paraviraux ou exanthèmes paraviraux.
Pour l'instant nous n’avons donc pas assez de recul pour pouvoir répondre à cela. Et nous comptons seulement sur les doigts d’une main nos patients à Cochin pour qui cela se passe mal.
DR MALLET : C'est très intéressant. Vous êtes en plein milieu de la crise et comme vous dites, il y a beaucoup de patients à l'hôpital Cochin. On ne vous appelle pas tous les jours pour des problèmes dermatologiques et la plupart des appels vous les avez potentiellement imputés aux traitements concomitants.
PR DUPIN : Voilà. Exactement.
DR MALLET : Je vais donc arrêter l'Augmentin chez ce patient et le rassurer. Sinon, l'indication d'une corticothérapie pour une potentielle toxidermie, qu’en pensez-vous ?
PR DUPIN : Il ne faut pas. Surtout pas. Quand vous avez une toxidermie, il faut revenir aux bons principes : essayer de voir si le médicament est plus important que la toxidermie elle-même.
Dans cette situation, il faut d'abord savoir si c'est grave ou non. Dans un deuxième temps, on se pose la question de savoir s’il faut continuer le traitement ou non.
Ici, il me semble qu'il n'y a pas de signe de gravité (de la fièvre, des fluides muqueux, des bulles, un décollement) ni de signes de Nikolsky ou de Lyell.
Si ce n’est pas grave, l'indication du médicament n'est pas fondamentale et donc il faut l’arrêter. Il faut garder une attitude simple et pragmatique.
DR MALLET : Pragmatique. Merci beaucoup pour ces conseils. Votre message pour ce cas clinique ?
PR DUPIN : Mon message : ce n'est pas parce qu'on est en période de COVID que tout est COVID. Il faut quand même garder les bons réflexes et se souvenir que les allergies aux antibiotiques sont bien plus fréquentes que les vascularites au COVID.
DR MALLET : Très bien, merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage et nous vous recontacterons si besoin !
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.