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Patient de 50 porteur du VIH sous trithérapie antirétrovirale

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.  

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Jean-Paul Viard, Chef de l’unité d’Immuno-infectiologie à l’Hôtel-Dieu.

Retour d'expérience

DR MALLET : Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre unité et en quoi cette situation de crise a modifié vos activités ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Bonjour Vincent. Nous avons à l'Hôtel-Dieu une grosse plateforme ambulatoire de suivis de personnes qui ont une infection par le virus de l'immunodéficience acquise.  

Nous suivons également quelques patients qui ont des co-infections VIH et des hépatites et nous avons quelques patients mono-infectés par les virus des hépatites.  

C’est une médecine essentiellement ambulatoire, devenue très standardisée avec des patients qui reçoivent des traitements le plus souvent efficaces. Cependant, ces patients restent à haut risque de comorbidités, de complications à long terme, des iatrogénies – car ces médicaments ne sont pas tous anodins, loin de là – et à haut risque d'interactions médicamenteuses.  

Ce sont des patients que nous voyons habituellement deux fois par an et auxquels nous sommes assez attentifs avec des dépistages cardiovasculaires ou d'anomalies métaboliques ainsi que des dépistages de défaillances d'organes chroniques comme les insuffisances rénales, les maladies chroniques du foie ou l'ostéoporose, par exemple.  

En configuration normale, ce sont des pathologies que l'on prend en charge de façon assez standardisée, avec des consultations qui sont bien réglées.  

Les patients un peu anciens en âge, en histoire de pathologies ou en longueur de traitement, font l'objet d'une attention particulière. Nous les recevons souvent en hôpital de jour pour faire des bilans un peu plus complets sur les plans cardiovasculaire, métabolique, osseux.  

Tout cela nous permet aujourd'hui d’avoir des profils actifs de patients dont la médiane d'âge est d’une cinquantaine d'années mais qui se portent plutôt bien. Ils sont souvent quand même polymédicamentés, surtout pour les plus anciens d'entre eux, mais leur espérance de vie rejoint celle de la population générale.  

Les circonstances actuelles nous handicapent quand même un peu, parce que malgré tout, ce sont des patients qui vieillissent. Le prix de l'efficacité des traitements antirétroviraux est que la moyenne d’âge augmente. Actuellement c'est une cinquantaine d'années mais nous avons des patients qui ont plus de 60 ans (un gros tiers), plus de 70 ans voire plus de 80 ans. Nous savons qu’ils font partie des personnes à risque de faire des formes graves de COVID-19, tout comme les patients polymédicamentés ou ayant des comorbidités cardiovasculaires ou métaboliques.  

C’est pourquoi, comme beaucoup de nos collègues dans d'autres spécialités gérant des cas de pathologies chroniques, nous avons décidé de faire un maximum de consultations à distance : soit des téléconsultations, soit des consultations téléphoniques.  

Pendant quelques semaines, cela va pouvoir se faire de façon assez facile et fluide car ce que nous voulons ce sont des résultats biologiques. Les patients que nous connaissons bien et qui nous communiquent des résultats biologiques de bonne qualité, avec de bons CD4, une charge virale bien contrôlée et des paramètres biologiques standards, sont tout à fait adaptés à une consultation à distance.  

Nous leur ferons parvenir les ordonnances pour le traitement, pour les prochains examens et nous leur donnons rendez-vous dans six mois environ. Pour ces patients-là, cela ne pose donc pas de problème.  

DR MALLET : Pour vous, les patients VIH sont-ils à risque de formes graves ? Cela ne ressort pas tout à fait dans la littérature. 

PR JEAN-PAUL VIARD : Pour l'instant, je pense qu'il y a trop peu de statistiques et que personne n'a eu le temps de vérifier cela.  

Mais premièrement, nous avons des patients qui sont comorbides. Ils vont d’emblée entrer dans la catégorie des personnes à risque.  

Deuxièmement, ils ont un risque éventuellement lié à leur déficit immunitaire qui aura été plus ou moins corrigé au fil du temps par le traitement antirétroviral.  

Troisièmement, le risque sera lié au traitement antirétroviral qui peut poser des problèmes d'interactions médicamenteuses. 

DR MALLET : D’accord. Comment organisez-vous vos équipes par rapport à ce que vous faisiez avant ?  

Outre la téléconsultation, les infirmières sont-elles redéployées sur le service des urgences pour tester les gens ?  

Comment faites-vous de ce point de vue-là ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : L'hôpital dans sa globalité a été un peu réorienté en termes d'activité puisque nous avons mis en place une grosse structure de dépistage pour le personnel de santé et aussi les fonctionnaires importants au fonctionnement de l'État (les fonctionnaires de police, la justice, etc.). 

Beaucoup de nos activités sont donc désormais tournées vers ce gros centre de dépistage qui a pris la place des urgences. Nos infirmières, nos aides-soignantes, nos secrétaires et nous-mêmes y allons pour organiser les prises de rendez-vous de prélèvements, les prélèvements, le rendu des résultats. Et cela mobilise beaucoup de monde.  

Avec nos secrétariats, nous prévenons au jour le jour les patients que leurs consultations seront faites par téléphone. Nous nous assurons que les examens biologiques seront disponibles et que nous les aurons reçus le jour de la consultation.  

Nous essayons de garder, dans la mesure du possible, les jours et horaires des rendez-vous, mais au téléphone au lieu d’être en présentiel.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Très bien. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Nogent-sur-Marne. 

Je vois un patient de 50 ans qui vit avec le VIH depuis très longtemps. Ce monsieur est venu me voir parce qu’il a de la fièvre et des symptômes respiratoires depuis trois jours. Il prend une trithérapie antirétrovirale et le VIH ne lui a jamais vraiment posé de problème.  

Que dois-je faire en pleine épidémie de COVID ?

Réponse et discussion

PR JEAN-PAUL VIARD : On va dire que le COVID va donner une lumière un peu plus crue sur un raisonnement qui, dans ces cas-là, doit toujours être le même à mon avis.  

Le patient porteur du VIH doit être considéré comme n'importe quel autre patient, si on a la conviction que son infection par le VIH est bien contrôlée. 

Que signifie une infection par le VIH bien contrôlée ? Cela veut dire une charge virale indétectable grâce au traitement antirétroviral et une restauration immunitaire de bonne qualité, c'est-à-dire, pour rester schématique, des cellules CD4 au-dessus de 200/mm3. 

Une personne qui a restauré son immunité, a un contrôle de l'infection par le VIH depuis longtemps, doit donc être considérée comme n'importe qui d'autre.  

Nous allons presque faire abstraction de la notion de l'infection par le VIH. Nous allons prendre en compte son âge, toutes les comorbidités qu’il peut avoir, mais nous n’allons pas forcément paniquer davantage à l'infection par le VIH si ses paramètres immuno-virologiques sont corrects.  

DR MALLET : Donc au-dessus de 250 CD4 je fais comme pour tout le monde ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Voilà. Mais il faut avoir cette notion. Si l’on ne connaît pas le patient et que l’on n’a aucune notion de ce qu’il s'est passé, il faut essayer de le questionner. 

Normalement, les patients « bien éduqués » à leur pathologie, doivent pouvoir répondre : « Oui, mon médecin m'a toujours dit que ma charge virale était indétectable, que mes CD4 étaient normaux » et cela retire déjà une grosse difficulté.  

Car à l'inverse, si l'infection par le VIH n'est pas bien contrôlée, si l’on sent un contexte d'observance thérapeutique qui n’est pas correct, une forte suspicion ou même une certitude que le déficit immunitaire est réel, alors on bascule dans une toute autre médecine.   

Bien sûr qu’il y a le COVID en ce moment, et qu’il peut y avoir d'autres infections virales dans la communauté. Bien sûr que cela peut être une infection communautaire. Mais cela peut aussi être une infection opportuniste ! À ce moment-là, on change complètement de façon de voir les choses.  

En d'autres termes, si le patient n'est pas stabilisé et qu'il a un déficit immunitaire suspecté ou avéré, le moindre signe d'alerte peut être le début d'une infection opportuniste qui, dans le contexte actuel, ne devrait certainement pas être ratée. Parce que ce serait une catastrophe. 

Et puis, oubliez les diagnostics différentiels, c’est toujours un piège dans cette épidémie.  

DR MALLET : Oui, bien sûr. Alors quels sont les critères de sévérité chez ce patient ? 

 S'il avait moins de 200 CD4 ? S’il avait 100 CD4 par exemple ? Comment aurais-je réfléchi alors qu’il a l’air de prendre son traitement, d’être bien contrôlé mais pas parfaitement immuno-restauré ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Dans ce cas, il faut vraiment le considérer comme plus à risque que quelqu'un d'autre, même si cela n'apparaît pas encore dans les statistiques. Sans doute parce que la représentation de ces patients dans les épidémies qui ont précédé la nôtre n'était pas forcément très importante.  

En tout cas, un déficit immunitaire ne peut pas être négligé dans un cas comme celui-là. Est-ce que cela va nécessiter, par exemple, une hospitalisation d'emblée ? Probablement pas. Mais je crois que cela va être listé dans les facteurs de risque qui peuvent alerter fortement.  

DR MALLET : Donc il faut rester clinique, surveiller la fréquence respiratoire du patient et la saturation si possible. On surveille ce patient en le rappelant et en étant sûr que globalement les choses n’aillent pas dans le mauvais sens si l’on suspecte une infection par le coronavirus. 

PR JEAN-PAUL VIARD : Oui, absolument.  

DR MALLET : Je ne démarre donc pas particulièrement d'antibactérien parce que ce patient vit avec le VIH ?

 PR JEAN-PAUL VIARD : Non. S’il a un déficit immunitaire avec des CD4 inférieurs à 200, il doit être sous triméthoprime-sulfaméthoxazole. S'il ne l’est pas, alors il faudrait l’y mettre mais à titre de prévention. Toutefois, il ne faut pas tomber dans le piège qui est de dire que l’infection par VIH nécessite une attitude thérapeutique exotique ou particulière.  

Il y a des choses simples et cadrées : c'est la prophylaxie en dessous de 200 CD4 par le triméthoprime-sulfaméthoxazole. Sinon, c'est comme on l'a dit, une dichotomie. 

Dans le cas d’un déficit immunitaire avéré : se méfier de l'infection opportuniste et porter une attention toute particulière. Dans celui d’un déficit immunitaire corrigé : avoir une attitude qui rejoint celle que l’on aurait en population générale.

Message de fin

DR MALLET : Merci beaucoup pour ce message très clair. Un dernier message pour ce cas clinique ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Les patients doivent pouvoir dire si leur infection est bien contrôlée.  

DR MALLET : Merci beaucoup, cela va nous permettre de réfléchir. Nous vous souhaitons bon courage. Nous avons bien compris que vous étiez en première ligne pour aider à dépister les personnes qui permettent de faire fonctionner encore la société en ces temps de confinement.  

Je vous souhaite bon courage à vous et vos équipes et nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour prendre la température.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.  

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Jean-Paul Viard, Chef de l’unité d’Immuno-infectiologie à l’Hôtel-Dieu.  

DR MALLET : Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre unité et en quoi cette situation de crise a modifié vos activités ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Bonjour Vincent. Nous avons à l'Hôtel-Dieu une grosse plateforme ambulatoire de suivis de personnes qui ont une infection par le virus de l'immunodéficience acquise.  

Nous suivons également quelques patients qui ont des co-infections VIH et des hépatites et nous avons quelques patients mono-infectés par les virus des hépatites.  

C’est une médecine essentiellement ambulatoire, devenue très standardisée avec des patients qui reçoivent des traitements le plus souvent efficaces. Cependant, ces patients restent à haut risque de comorbidités, de complications à long terme, des iatrogénies – car ces médicaments ne sont pas tous anodins, loin de là – et à haut risque d'interactions médicamenteuses.  

Ce sont des patients que nous voyons habituellement deux fois par an et auxquels nous sommes assez attentifs avec des dépistages cardiovasculaires ou d'anomalies métaboliques ainsi que des dépistages de défaillances d'organes chroniques comme les insuffisances rénales, les maladies chroniques du foie ou l'ostéoporose, par exemple.  

En configuration normale, ce sont des pathologies que l'on prend en charge de façon assez standardisée, avec des consultations qui sont bien réglées.  

Les patients un peu anciens en âge, en histoire de pathologies ou en longueur de traitement, font l'objet d'une attention particulière. Nous les recevons souvent en hôpital de jour pour faire des bilans un peu plus complets sur les plans cardiovasculaire, métabolique, osseux.  

Tout cela nous permet aujourd'hui d’avoir des profils actifs de patients dont la médiane d'âge est d’une cinquantaine d'années mais qui se portent plutôt bien. Ils sont souvent quand même polymédicamentés, surtout pour les plus anciens d'entre eux, mais leur espérance de vie rejoint celle de la population générale.  

Les circonstances actuelles nous handicapent quand même un peu, parce que malgré tout, ce sont des patients qui vieillissent. Le prix de l'efficacité des traitements antirétroviraux est que la moyenne d’âge augmente. Actuellement c'est une cinquantaine d'années mais nous avons des patients qui ont plus de 60 ans (un gros tiers), plus de 70 ans voire plus de 80 ans. Nous savons qu’ils font partie des personnes à risque de faire des formes graves de COVID-19, tout comme les patients polymédicamentés ou ayant des comorbidités cardiovasculaires ou métaboliques.  

C’est pourquoi, comme beaucoup de nos collègues dans d'autres spécialités gérant des cas de pathologies chroniques, nous avons décidé de faire un maximum de consultations à distance : soit des téléconsultations, soit des consultations téléphoniques.  

Pendant quelques semaines, cela va pouvoir se faire de façon assez facile et fluide car ce que nous voulons ce sont des résultats biologiques. Les patients que nous connaissons bien et qui nous communiquent des résultats biologiques de bonne qualité, avec de bons CD4, une charge virale bien contrôlée et des paramètres biologiques standards, sont tout à fait adaptés à une consultation à distance.  

Nous leur ferons parvenir les ordonnances pour le traitement, pour les prochains examens et nous leur donnons rendez-vous dans six mois environ. Pour ces patients-là, cela ne pose donc pas de problème.  

DR MALLET : Pour vous, les patients VIH sont-ils à risque de formes graves ? Cela ne ressort pas tout à fait dans la littérature. 

PR JEAN-PAUL VIARD : Pour l'instant, je pense qu'il y a trop peu de statistiques et que personne n'a eu le temps de vérifier cela.  

Mais premièrement, nous avons des patients qui sont comorbides. Ils vont d’emblée entrer dans la catégorie des personnes à risque.  

Deuxièmement, ils ont un risque éventuellement lié à leur déficit immunitaire qui aura été plus ou moins corrigé au fil du temps par le traitement antirétroviral.  

Troisièmement, le risque sera lié au traitement antirétroviral qui peut poser des problèmes d'interactions médicamenteuses. 

DR MALLET : D’accord. Comment organisez-vous vos équipes par rapport à ce que vous faisiez avant ?  

Outre la téléconsultation, les infirmières sont-elles redéployées sur le service des urgences pour tester les gens ?  

Comment faites-vous de ce point de vue-là ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : L'hôpital dans sa globalité a été un peu réorienté en termes d'activité puisque nous avons mis en place une grosse structure de dépistage pour le personnel de santé et aussi les fonctionnaires importants au fonctionnement de l'État (les fonctionnaires de police, la justice, etc.). 

Beaucoup de nos activités sont donc désormais tournées vers ce gros centre de dépistage qui a pris la place des urgences. Nos infirmières, nos aides-soignantes, nos secrétaires et nous-mêmes y allons pour organiser les prises de rendez-vous de prélèvements, les prélèvements, le rendu des résultats. Et cela mobilise beaucoup de monde.  

Avec nos secrétariats, nous prévenons au jour le jour les patients que leurs consultations seront faites par téléphone. Nous nous assurons que les examens biologiques seront disponibles et que nous les aurons reçus le jour de la consultation.  

Nous essayons de garder, dans la mesure du possible, les jours et horaires des rendez-vous, mais au téléphone au lieu d’être en présentiel.  

DR MALLET : Très bien. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Nogent-sur-Marne. 

Je vois un patient de 50 ans qui vit avec le VIH depuis très longtemps. Ce monsieur est venu me voir parce qu’il a de la fièvre et des symptômes respiratoires depuis trois jours. Il prend une trithérapie antirétrovirale et le VIH ne lui a jamais vraiment posé de problème.  

Que dois-je faire en pleine épidémie de COVID ?  

PR JEAN-PAUL VIARD : On va dire que le COVID va donner une lumière un peu plus crue sur un raisonnement qui, dans ces cas-là, doit toujours être le même à mon avis.  

Le patient porteur du VIH doit être considéré comme n'importe quel autre patient, si on a la conviction que son infection par le VIH est bien contrôlée. 

Que signifie une infection par le VIH bien contrôlée ? Cela veut dire une charge virale indétectable grâce au traitement antirétroviral et une restauration immunitaire de bonne qualité, c'est-à-dire, pour rester schématique, des cellules CD4 au-dessus de 200/mm3. 

Une personne qui a restauré son immunité, a un contrôle de l'infection par le VIH depuis longtemps, doit donc être considérée comme n'importe qui d'autre.  

Nous allons presque faire abstraction de la notion de l'infection par le VIH. Nous allons prendre en compte son âge, toutes les comorbidités qu’il peut avoir, mais nous n’allons pas forcément paniquer davantage à l'infection par le VIH si ses paramètres immuno-virologiques sont corrects.  

DR MALLET : Donc au-dessus de 250 CD4 je fais comme pour tout le monde ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Voilà. Mais il faut avoir cette notion. Si l’on ne connaît pas le patient et que l’on n’a aucune notion de ce qu’il s'est passé, il faut essayer de le questionner. 

Normalement, les patients « bien éduqués » à leur pathologie, doivent pouvoir répondre : « Oui, mon médecin m'a toujours dit que ma charge virale était indétectable, que mes CD4 étaient normaux » et cela retire déjà une grosse difficulté.  

Car à l'inverse, si l'infection par le VIH n'est pas bien contrôlée, si l’on sent un contexte d'observance thérapeutique qui n’est pas correct, une forte suspicion ou même une certitude que le déficit immunitaire est réel, alors on bascule dans une toute autre médecine.   

Bien sûr qu’il y a le COVID en ce moment, et qu’il peut y avoir d'autres infections virales dans la communauté. Bien sûr que cela peut être une infection communautaire. Mais cela peut aussi être une infection opportuniste ! À ce moment-là, on change complètement de façon de voir les choses.  

En d'autres termes, si le patient n'est pas stabilisé et qu'il a un déficit immunitaire suspecté ou avéré, le moindre signe d'alerte peut être le début d'une infection opportuniste qui, dans le contexte actuel, ne devrait certainement pas être ratée. Parce que ce serait une catastrophe. 

Et puis, oubliez les diagnostics différentiels, c’est toujours un piège dans cette épidémie.  

DR MALLET : Oui, bien sûr. Alors quels sont les critères de sévérité chez ce patient ? 

 S'il avait moins de 200 CD4 ? S’il avait 100 CD4 par exemple ? Comment aurais-je réfléchi alors qu’il a l’air de prendre son traitement, d’être bien contrôlé mais pas parfaitement immuno-restauré ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Dans ce cas, il faut vraiment le considérer comme plus à risque que quelqu'un d'autre, même si cela n'apparaît pas encore dans les statistiques. Sans doute parce que la représentation de ces patients dans les épidémies qui ont précédé la nôtre n'était pas forcément très importante.  

En tout cas, un déficit immunitaire ne peut pas être négligé dans un cas comme celui-là. Est-ce que cela va nécessiter, par exemple, une hospitalisation d'emblée ? Probablement pas. Mais je crois que cela va être listé dans les facteurs de risque qui peuvent alerter fortement.  

DR MALLET : Donc il faut rester clinique, surveiller la fréquence respiratoire du patient et la saturation si possible. On surveille ce patient en le rappelant et en étant sûr que globalement les choses n’aillent pas dans le mauvais sens si l’on suspecte une infection par le coronavirus. 

PR JEAN-PAUL VIARD : Oui, absolument.  

DR MALLET : Je ne démarre donc pas particulièrement d'antibactérien parce que ce patient vit avec le VIH ?

 PR JEAN-PAUL VIARD : Non. S’il a un déficit immunitaire avec des CD4 inférieurs à 200, il doit être sous triméthoprime-sulfaméthoxazole. S'il ne l’est pas, alors il faudrait l’y mettre mais à titre de prévention. Toutefois, il ne faut pas tomber dans le piège qui est de dire que l’infection par VIH nécessite une attitude thérapeutique exotique ou particulière.  

Il y a des choses simples et cadrées : c'est la prophylaxie en dessous de 200 CD4 par le triméthoprime-sulfaméthoxazole. Sinon, c'est comme on l'a dit, une dichotomie. 

Dans le cas d’un déficit immunitaire avéré : se méfier de l'infection opportuniste et porter une attention toute particulière. Dans celui d’un déficit immunitaire corrigé : avoir une attitude qui rejoint celle que l’on aurait en population générale.

DR MALLET : Merci beaucoup pour ce message très clair. Un dernier message pour ce cas clinique ? 

PR JEAN-PAUL VIARD : Les patients doivent pouvoir dire si leur infection est bien contrôlée.  

DR MALLET : Merci beaucoup, cela va nous permettre de réfléchir. Nous vous souhaitons bon courage. Nous avons bien compris que vous étiez en première ligne pour aider à dépister les personnes qui permettent de faire fonctionner encore la société en ces temps de confinement.  

Je vous souhaite bon courage à vous et vos équipes et nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour prendre la température.

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