À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Benoît Doumenc, Chef du service des urgences de Cochin.
DR MALLET : Professeur Doumenc, on sait que vous êtes un grand sportif et que vous attendiez la vague. Comment s’est passée cette vague de COVID-19 à Cochin ?
Que pensez-vous de cette crise sanitaire maintenant que vous êtes dessus ?
PR BENOIT DOUMENC : En effet, c'est une véritable crise sanitaire que nous sommes en train de vivre et que nous risquons de vivre encore pendant quelques semaines.
Toutefois, contrairement à nos collègues du Grand Est, nous n’avons pas eu, en tout cas sur Cochin, affaire à cette grande vague annoncée. Nous avons plutôt été confrontés à un afflux régulier de patients en nombre quasiment identique tous les jours, qui présentaient des syndromes respiratoires.
Ces patients suspects de COVID ont représenté quasiment 4/5e de nos consultations au niveau du service d'accueil des urgences. Cela représente une grande proportion mais tout de même moins de 50 % de notre activité habituelle en termes de passages. Habituellement, nous sommes plutôt aux alentours de 180 consultations par jour. Là, nous sommes aux alentours de 80 à 90 passages quotidiens.
Nous avons évité la vague aussi certainement d’abord parce que le confinement avait déjà débuté depuis plusieurs jours sur la région parisienne et sur l'ensemble du territoire. Ensuite, parce que nous nous sommes inspirés des expériences de nos collègues à l'étranger et du Grand Est.
C'est pour cette raison que l'hôpital s'est mis très rapidement en ordre de marche avec une déprogrammation massive et très précoce des patients conventionnels. Cela a permis de libérer des personnels, paramédicaux surtout, et de monter très rapidement en puissance en termes de lits de soins critiques.
Car l'enjeu majeur de cette crise sanitaire ce sont les soins critiques et non les services d'accueil d'urgence comme on pourrait le croire.
DR MALLET : Donc d’après votre expérience sur ce mois de crise sanitaire, quel pourcentage de malades vont directement en soins critiques sur les 80 à 100 patients que vous avez eu par jour ces trois dernières semaines ?
PR BENOIT DOUMENC : Nous nous sommes rendu compte qu’à partir du moment où nous hospitalisions un patient dans un lit M.C.O. (Médicaux Chirurgicaux Obstétriques), donc classique, il avait un pourcentage de chance ou plutôt de malchance non négligeable d’avoir recours à des soins continus voire de la réanimation pendant tout son parcours hospitalier.
En effet, près de 25 à 30 % des patients hospitalisés pour du COVID avaient à un moment besoin d'avoir recours à une aide respiratoire plus importante que simplement des lunettes d’oxygène et donc de passer dans des services de soins intensifs.
Sinon, nous sommes parfaitement dans les chiffres annoncés. En effet, l'infection par le COVID est dans sa très grande majorité une infection bénigne, qui donnera potentiellement quelques jours de fièvre ou de syndrome grippal avant un retour à l'état normal.
Dans environ 15% des cas, cela peut s'aggraver.
Cela dit, nous avons été surpris de voir que les complications nécessitant une hospitalisation chez nos patients arrivaient toujours aux alentours de la même période : entre J8 et J10 des premiers symptômes.
Nous avons aussi été frappés par le fait que des patients s'aggravent excessivement rapidement sur le plan respiratoire, en seulement quelques heures.
Enfin, nous avons été surpris que la population de patients extrêmement graves sur le plan clinique et pourtant relativement jeunes, n’ait pas la présentation que nous pouvons retrouver habituellement dans le cas d’un choc septique, d’un pneumocoque ou d'autres pathologies infectieuses.
DR MALLET : Un mode de présentation spécifique ?
PR BENOIT DOUMENC : Oui, ils ont une présentation qui est assez caractéristique.
Nous avions des patients qui sur le plan respiratoire étaient très inquiétants avec une fréquence respiratoire très élevée, une saturation à 90% sous 15 litres d'oxygène, parfois marbrée. Mais qui pour autant ne présentaient pas de troubles de la vigilance et étaient conscients de la gravité de leur état.
Ce qui nous a rendu les choses un peu plus compliquées dans leur prise en charge au quotidien.
DR MALLET : D'accord, donc, ils n’étaient pas hypercapniques sur la gazométrie ?
PR BENOIT DOUMENC : Chez les patients que nous avons pu voir aux urgences pour leur faire des gaz du sang, la majorité avait une capnie normale, voire subnormale.
Quand nous notions une aggravation clinique, c’est-à-dire des capnies qui commençaient à se majorer sans pour autant s’avérer très pathologiques, les patients concernés ont dû être intubés avec l'aide de nos collègues réanimateurs. Toutefois, cela n’a été le cas que pour un très faible échantillon de patients et il n’y a donc aucune valeur statistique à en retirer.
DR MALLET : Il s’agit donc vraiment d’hypoxémies très profondes.
PR BENOIT DOUMENC : Tout à fait.
DR MALLET : Avez-vous fait aux urgences des expériences sur la pression positive au masque ?
PR BENOIT DOUMENC : Aux urgences nous nous sommes d'abord essentiellement cantonnés à de l'oxygène à haute concentration. Nous ne faisions pas les ventilations non-invasives. La stratégie locale a ensuite été de passer très vite les patients dont il fallait obligatoirement augmenter le débit d'oxygène dans les services de soins continus, voire de réanimation.
Par exemple, au début de l'épidémie, dès qu'ils avaient besoin de plus de 5 litres d'oxygène, nous passions les patients en soins continus où d'autres mécanismes de ventilation pouvaient être proposés, jusqu'à l'intubation et la ventilation mécanique.
Dans cette période critique en termes d'accessibilité aux lits de soins critiques, nous avons aussi commencé à développer d'autres techniques de ventilation comme le T.Flow. Il semble être une alternative à un apport d'oxygène à des débits relativement importants pour des patients qui ne relèveraient pas d'une intubation et d'une ventilation mécanique.
En ce qui concerne le T.Flow, cela posait la question de l'accessibilité au matériel parce qu'il fallait le commander.
DR MALLET : C'est très intéressant d'avoir des retours d'expériences.
Par ailleurs, les patients qui viennent aux urgences aujourd'hui sont-ils plus graves qu'avant ?
PR BENOIT DOUMENC : Encore une fois, le système parisien est un système très particulier. Les patients graves au domicile sont pris en charge par le SAMU une unité mobile d'hospitalisation qui va les envoyer directement en réanimation. Beaucoup de ces patients très graves n'arriveront donc pas spontanément aux urgences.
Depuis quelques jours, nous notons en tout cas moins de patients très graves qui arrivent aux urgences de Cochin ou bien – ce que nous pouvions craindre – des personnes (très) âgées, qui vivent seules à leur domicile ou en EHPAD et qui se sont aggravées brutalement. Des patients âgés qui avaient certainement tenu le plus longtemps possible au domicile mais qui arrivent désormais à l'hôpital.
DR MALLET : Oui en effet, nous en avons parlé avec le Professeur Hanon il y a quelques jours.
DR MALLET : Voici la question d’un médecin à Cugnaux, dans la Haute-Garonne qui écoute Radio Cochin.
Je vois un patient qui fait de l'apnée du sommeil et qui a une insuffisance rénale chronique. Ce monsieur travaille chez Airbus Industrie et a un syndrome respiratoire depuis à peu près huit jours. Je lui ai fait un arrêt de travail.
Il est fatigué avec un pouls à 98-100 par minute, une pression artérielle à 15,8. Je pense qu'il a fait le COVID-19 mais ce qui me gêne le plus chez ce patient qui fait de l’apnée du sommeil, c’est qu’il a une dyspnée au moindre effort.
Il n'a pas tant de fièvre, il a une hémodynamie qui est conservée mais il est vraiment très essoufflé.
Qu'est-ce que vous me conseillez ? À votre connaissance, les patients avec une absence rénale chronique sont-ils plus à risque de COVID sévères ?
PR BENOIT DOUMENC : Ce cas clinique est très représentatif de ce que nous voyons au quotidien et des pièges dans lesquels il faut essayer de ne pas tomber. En effet, dans l’ambiance actuelle nous imaginons que tout patient dyspnéique et un peu fébrile a le COVID.
Mais il faut faire attention. Aux vues de ce que vous racontez, en effet une des premières hypothèses, peut être que ce patient soit COVID+. Toutefois, je crois que typiquement, si le patient se présentait au service des urgences, je le prélèverais pour confirmer – non pas me fier juste à une impression – grâce à la réalisation d’une PCR. Si elle est positive, cela nous permettra en effet de dire qu'on est au moins dans une ambiance COVID.
Si celle-ci est négative ou faussement négative – si réalisées de façon trop précoce ou trop tardive à plus de J10 de l'évolution des symptômes par exemple.
Ensuite, si nous avons le moindre doute, il faut aller chercher les autres diagnostics différentiels de dyspnée. Votre patient a évidemment deux pathologies qu'il faut éliminer : la pathologie thromboembolique et la décompensation possiblement cardiaque. Ce patient n’a certes pas l'air d'avoir de pathologies cardiaques connues, mais il est insuffisant rénal chronique avec un syndrome d'apnée du sommeil et a donc quand même de lourds antécédents.
Pour ce patient, je crois qu'il y a une vraie indication à faire des explorations complémentaires. D'autant plus que nous avons pu mettre en évidence assez fréquemment des pathologies thromboemboliques en chez des patients atteints du COVID-19 qui étaient hospitalisés. Est-ce lié au COVID-19 ou à l'hospitalisation ? Je pense qu'il est beaucoup trop tôt pour le dire. Il y a des études qui vont être mises en place afin de l'expliquer.
En tout état de cause, nous avons vu à plusieurs reprises sur des scanners finalement injectés – je rappelle que pour le diagnostic de COVID-19 nous pouvons faire un scanner thoracique sans injection – nous trouvons des embolies pulmonaires qui peuvent être distales, certes, mais aussi proximales avec un retentissement beaucoup plus important. J'aurais tendance à aller chercher cela chez ce patient.
DR MALLET : D'accord.
Ce monsieur qui a une hémodynamie stable, mais des comorbidités, doit donc aller aux urgences. Il a des comorbidités respiratoires, une insuffisance rénale chronique et de la fièvre. Il est donc à risque de COVID-19 sévère et doit donc être évalué dans un milieu hospitalier.
Vous conseillez de faire une PCR, un scanner et de ne pas hésiter à l'injecter si son insuffisance rénale le permet afin de rechercher une pathologie thromboembolique ou une embolie pulmonaire proximale.
PR BENOIT DOUMENC : Exactement. Si le scanner ne peut pas être réalisé du fait de l'insuffisance rénale, il est possible de passer par le Doppler, la réalisation de d-dimères, qui aura une valeur pour suspecter cette pathologie thromboembolique, même s'ils pourront être augmentés dans d'autres conditions.
Si c'était le cas, il faudrait au moins faire un doppler veineux des membres inférieurs.
En tout cas ce patient doit très clairement aller dans une structure qui est capable de faire un diagnostic. Il ne doit pas quitter l’hôpital sans diagnostic formel.
DR MALLET : D’accord, pour éliminer les complications.
Vous qui avez l'habitude, vous seuillez à combien pour les d-dimères pour éliminer l’embolie pulmonaire ?
PR BENOIT DOUMENC : Encore une fois, nous n’avons pas encore de recommandations bien spécifiques. Pour un patient lambda qui a moins de 50 ans, lorsque les d-dimères sont supérieures à 500, ils ont une valeur prédictive positive importante qui nécessite d’être fins dans les explorations.
Ensuite, on multiplie par rapport à l'âge. À 60 ans cela fera 600. Si le patient est lambda, ni suspect, ni COVID+.
Chez les patients pour lesquels le diagnostic de COVID a été posé par une PCR ou par des images scanographiques très évocatrices, il semblerait des valeurs bien plus élevées de d-dimères, approchant les 4000, pourraient faire suspecter une pathologie thromboembolique. En tout cas, pour l'instant, nous n’avons pas de deadline qui nous permet de dire que c’est à ce seuil-là.
DR MALLET : D'accord très bien.
PR BENOIT DOUMENC : Dans la littérature il existe des associations – dont nous ne connaissons pas encore bien le mécanisme – entre COVID-19 et maladies veineuses thromboemboliques.
Les patients fragiles avec des comorbidités doivent être évalués. Donc pour ce patient, typiquement, sans dire qu'il y a une association particulière entre insuffisance rénale chronique et COVID sévère, sa présence de comorbidités fait qu’il doit aller à l'hôpital.
Je ne me pose pas de question. Ils lui feront les examens et il sortira à l'hôpital avec un diagnostic et un traitement.
DR MALLET : Je suis parfaitement d'accord. Votre message pour ce cas clinique ?
PR BENOIT DOUMENC : Attention. Encore une fois le COVID-19 est la pathologie principale sur notre territoire mais n'oublions pas les diagnostics différentiels qui, eux aussi, peuvent tuer le patient malheureusement.
DR MALLET : Merci beaucoup, c'est très intéressant.
Je rebondis cependant sur les d-dimères. J’ai reçu l'appel d’un médecin généraliste dans le 5ème.
J’ai un patient de 70 ans sans comorbidités qui a fait un syndrome fébrile il y plus de 3 semaines et qui reste très fatigué. Il est sportif et fait encore sa course à pied. Cependant, j'ai prélevé un bilan sanguin qui montre encore une hyperleucocytose.
Je l’avais mis sous Augmentin il y a une dizaine de jours. Il garde sa fièvre et l’hyperleucocytose. J'ai donc fait des d- dimères et ils sont à 7000.
Le patient va bien, continue à boire son café, à circuler et à regarder son ordinateur. Je ne sais donc pas comment interpréter ce résultat et je regrette presque d’avoir fait ce test car je suis bloqué.
J’ai appelé mes collègues à l'hôpital qui m'ont dit de rajouter un macrolide à l’Augmentin – alors que cela fait 10 jours qu’il est sous Augmentin – parce qu’il garde cette fièvre.
Que me conseillez-vous de faire ?
PR BENOIT DOUMENC : Je reviens sur ce que je vous disais tout à l’heure. Ce patient est possiblement COVID+ donc s’il y a une absence d'amélioration, voire une aggravation de son état physique, nous avons quand même une biologie. Je ne parle pas de l’hyperleucocytose qui n'a pas de valeur à ce niveau-là.
DR MALLET : Il est très inflammatoire, il a 150 de CRP.
PR BENOIT DOUMENC : Oui, tout à fait. Nous le voyons dans ces pathologies de COVID.
Si c’est un patient qui ne s’améliore pas sur le plan respiratoire ou s'il y a une aggravation il doit, à mon sens, y avoir une imagerie. Un scanner thoracique avec injection, un angioscanner, pour éliminer l’embolie pulmonaire et pour voir ensuite s’il y a un foyer de pneumopathie qui n’avait pas été entendu à l'auscultation.
Je rappelle que chez les patients COVID+ ou suspects de COVID+, nous ne faisons pas de scanner thoracique sans injection pour faire le diagnostic. Quand nous voyons un patient à plusieurs jours d’évolution qui ne s'améliore pas sur le plan respiratoire – voire qui devient plus oxygéno-requérant – il est indispensable d'aller chercher une pathologie thromboembolique. D'où l'intérêt de faire un scanner thoracique avec injection.
DR MALLET : Pour vous, cette ligne de d-dimères est donc cliniquement significative.
PR BENOIT DOUMENC : Oui mais encore une fois, je pense que c'est après cet épisode de crise sanitaire qu’il y aura bon nombre d’études qui permettront de définir le seuil exact à partir duquel il faut véritablement évoquer l'embolie pulmonaire.
DR MALLET : Merci pour ces conseils.
Je suis généraliste à Puteaux et je profite de Radio Cochin pour demander des conseils à la personne qui a organisé les urgences de l’hôpital Cochin.
Je travaille dans un centre médical de soins. Nous voyons beaucoup de patients avec de la fièvre et des syndromes respiratoires et nous considérons ces patients infectés par le COVID. J'ai compris que nous allions continuer à voir pendant de nombreuses semaines.
Je voudrais bénéficier de votre expérience pour savoir comment organiser le parcours patient dans mon centre médical, sachant que j'ai une infirmière, une secrétaire et une salle d'attente commune pour plusieurs cabinets de consultations. Il est évident que les patients qui toussent vont se contaminer.
Que me conseillez-vous ?
PR BENOIT DOUMENC : Le circuit patient est en effet la clé. La prise en charge de ces patients est extrêmement importante pour éviter qu'ils ne contaminent d'autres personnes qui seraient porteurs de maladies chroniques.
La première chose à faire en médecine de ville est donc de bannir complètement les consultations sans rendez-vous. C’est une obligation tant pour les patients que pour les médecins.
Il faut évidemment que les patients attendent le moins longtemps possible dans une salle d'attente. Si c’est le cas, elle doit être suffisamment grande et adaptée au nombre de personnes à accueillir.
Si des patients sont assis à plusieurs dans cette salle, ils doivent bien respecter la distance de sécurité d’un mètre.
DR MALLET : Comment vous faites dans votre grande salle d’attente de Cochin ?
PR BENOIT DOUMENC : Nous avons fortement recommandé aux patients et à leurs accompagnants de ne pas attendre dans la salle d'attente. D’ailleurs, les visites sont limitées. Ensuite, nous leur demandons de maintenir l'intervalle de plus d'un mètre.
Nous avons neutralisé un certain nombre de fauteuils qu'on ne pouvait pas enlever.
Et puis nous remettons un masque chirurgical à tous les patients qui consultent et qui présentent des signes respiratoires et/ou de la fièvre. Ce sont les recommandations actuelles.
Si les recommandations futures demandent à l'ensemble de la population de se déplacer avec un masque, cela permettra de faciliter cette organisation. Si tout le monde a un masque, cela diminuera certainement le risque de contamination dans ces zones un peu confinées.
DR MALLET : Avez-vous également agit sur la climatisation ? Si ma salle d’attente est climatisée, que dois-je faire ?
PR BENOIT DOUMENC : Pour la salle d’attente, il faut se renseigner véritablement très vite auprès des spécialistes des ventilations, ceux qui ont installé cette ventilation. En tout cas, ne serait-ce que si vous êtes dans un immeuble, et auprès de vos syndics, pour savoir exactement comment ces ventilations fonctionnent afin d'éviter de contaminer d'autres pièces à partir d’un patient qui serait présent dans votre salle d'attente.
À Cochin, nous nous sommes assurés en termes de ventilation et il est parfaitement clair que nous n’avons aucun risque de contamination d'un box à l'autre.
Ces box sont aérés de manière très régulière. Pour vous donner une idée, nous aérons 15 minutes après chaque passage de patient COVID. C’est vrai qu’il est impossible de faire ça dans une salle d'attente avec un passage permanent. Mais en tout cas il faut aérer très régulièrement cette zone d'attente.
DR MALLET : D'accord.
PR BENOIT DOUMENC : Ensuite, il ne faut pas oublier de vous protéger en tant que médecin et protéger vos personnels d'accueil. Il faut diminuer au maximum les différents intervenants.
Il faut que votre secrétaire qui accueille les patients n’ait pas de contact direct avec eux et que les distances de sécurité soient respectées. Nous avons ici la chance d'avoir des personnels d'accueil qui sont derrière des guichets mais c’est une question qui se pose aussi dans les supermarchés…
DR MALLET : Voilà. Nous avons d’ailleurs fait comme le supermarché du coin, nous avons mis une plaque…
PR BENOIT DOUMENC : Cela fonctionne très bien. Afin de rassurer encore plus votre secrétaire, elle peut porter un masque chirurgical et proposer au patient, lorsqu'il rentre dans votre centre, de se laver les mains. Soit avec une solution hydroalcoolique, soit de l'eau et du savon avec des serviettes en papier jetables. Tout cela permettra de diminuer au maximum le risque de contamination.
DR MALLET : Je récapitule : j’espace les chaises de ma salle d'attente, j'ouvre la fenêtre, je mets une protection pour ma secrétaire et je lui donne un masque.
Le patient ne rentre pas en consultation sans rendez-vous.
Quand le patient sort du box de consultation, que dois-je faire pour le décontaminer ensuite ?
PR BENOIT DOUMENC : Procédez à une décontamination avec le produit que vous utilisez habituellement lorsque vous désinfectez votre table d'examen. Il n'y a pas besoin de faire d'autres choses particulières mais il faut le faire entre chaque patient.
L'idéal est de respecter dans le box de consultation une aération d'environ 10 à 15 minutes entre les patients. Cela permettra aussi de faire correctement le lavage des zones entrées en contact avec le patient.
DR MALLET : Parfait. Votre message pour clore ce cas ?
PR BENOIT DOUMENC : Encore une fois, je rappellerais l'importance du circuit patient et l'importance de se protéger en tant que professionnel de la santé.
La chose la plus simple est d’appliquer et respecter les gestes barrières que les médias nous répètent à longueur de journée dans nos structures de prise en charge des patients.
DR MALLET : Et tout ceci jusqu'au jour où nous aurons le vaccin. Merci beaucoup pour vos conseils. Nous vous souhaitons bon courage et vous félicitons pour votre organisation. C’est vraiment passionnant.
À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Benoît Doumenc, Chef du service des urgences de Cochin.
DR MALLET : Professeur Doumenc, on sait que vous êtes un grand sportif et que vous attendiez la vague. Comment s’est passée cette vague de COVID-19 à Cochin ?
Que pensez-vous de cette crise sanitaire maintenant que vous êtes dessus ?
PR BENOIT DOUMENC : En effet, c'est une véritable crise sanitaire que nous sommes en train de vivre et que nous risquons de vivre encore pendant quelques semaines.
Toutefois, contrairement à nos collègues du Grand Est, nous n’avons pas eu, en tout cas sur Cochin, affaire à cette grande vague annoncée. Nous avons plutôt été confrontés à un afflux régulier de patients en nombre quasiment identique tous les jours, qui présentaient des syndromes respiratoires.
Ces patients suspects de COVID ont représenté quasiment 4/5e de nos consultations au niveau du service d'accueil des urgences. Cela représente une grande proportion mais tout de même moins de 50 % de notre activité habituelle en termes de passages. Habituellement, nous sommes plutôt aux alentours de 180 consultations par jour. Là, nous sommes aux alentours de 80 à 90 passages quotidiens.
Nous avons évité la vague aussi certainement d’abord parce que le confinement avait déjà débuté depuis plusieurs jours sur la région parisienne et sur l'ensemble du territoire. Ensuite, parce que nous nous sommes inspirés des expériences de nos collègues à l'étranger et du Grand Est.
C'est pour cette raison que l'hôpital s'est mis très rapidement en ordre de marche avec une déprogrammation massive et très précoce des patients conventionnels. Cela a permis de libérer des personnels, paramédicaux surtout, et de monter très rapidement en puissance en termes de lits de soins critiques.
Car l'enjeu majeur de cette crise sanitaire ce sont les soins critiques et non les services d'accueil d'urgence comme on pourrait le croire.
DR MALLET : Donc d’après votre expérience sur ce mois de crise sanitaire, quel pourcentage de malades vont directement en soins critiques sur les 80 à 100 patients que vous avez eu par jour ces trois dernières semaines ?
PR BENOIT DOUMENC : Nous nous sommes rendu compte qu’à partir du moment où nous hospitalisions un patient dans un lit M.C.O. (Médicaux Chirurgicaux Obstétriques), donc classique, il avait un pourcentage de chance ou plutôt de malchance non négligeable d’avoir recours à des soins continus voire de la réanimation pendant tout son parcours hospitalier.
En effet, près de 25 à 30 % des patients hospitalisés pour du COVID avaient à un moment besoin d'avoir recours à une aide respiratoire plus importante que simplement des lunettes d’oxygène et donc de passer dans des services de soins intensifs.
Sinon, nous sommes parfaitement dans les chiffres annoncés. En effet, l'infection par le COVID est dans sa très grande majorité une infection bénigne, qui donnera potentiellement quelques jours de fièvre ou de syndrome grippal avant un retour à l'état normal.
Dans environ 15% des cas, cela peut s'aggraver.
Cela dit, nous avons été surpris de voir que les complications nécessitant une hospitalisation chez nos patients arrivaient toujours aux alentours de la même période : entre J8 et J10 des premiers symptômes.
Nous avons aussi été frappés par le fait que des patients s'aggravent excessivement rapidement sur le plan respiratoire, en seulement quelques heures.
Enfin, nous avons été surpris que la population de patients extrêmement graves sur le plan clinique et pourtant relativement jeunes, n’ait pas la présentation que nous pouvons retrouver habituellement dans le cas d’un choc septique, d’un pneumocoque ou d'autres pathologies infectieuses.
DR MALLET : Un mode de présentation spécifique ?
PR BENOIT DOUMENC : Oui, ils ont une présentation qui est assez caractéristique.
Nous avions des patients qui sur le plan respiratoire étaient très inquiétants avec une fréquence respiratoire très élevée, une saturation à 90% sous 15 litres d'oxygène, parfois marbrée. Mais qui pour autant ne présentaient pas de troubles de la vigilance et étaient conscients de la gravité de leur état.
Ce qui nous a rendu les choses un peu plus compliquées dans leur prise en charge au quotidien.
DR MALLET : D'accord, donc, ils n’étaient pas hypercapniques sur la gazométrie ?
PR BENOIT DOUMENC : Chez les patients que nous avons pu voir aux urgences pour leur faire des gaz du sang, la majorité avait une capnie normale, voire subnormale.
Quand nous notions une aggravation clinique, c’est-à-dire des capnies qui commençaient à se majorer sans pour autant s’avérer très pathologiques, les patients concernés ont dû être intubés avec l'aide de nos collègues réanimateurs. Toutefois, cela n’a été le cas que pour un très faible échantillon de patients et il n’y a donc aucune valeur statistique à en retirer.
DR MALLET : Il s’agit donc vraiment d’hypoxémies très profondes.
PR BENOIT DOUMENC : Tout à fait.
DR MALLET : Avez-vous fait aux urgences des expériences sur la pression positive au masque ?
PR BENOIT DOUMENC : Aux urgences nous nous sommes d'abord essentiellement cantonnés à de l'oxygène à haute concentration. Nous ne faisions pas les ventilations non-invasives. La stratégie locale a ensuite été de passer très vite les patients dont il fallait obligatoirement augmenter le débit d'oxygène dans les services de soins continus, voire de réanimation.
Par exemple, au début de l'épidémie, dès qu'ils avaient besoin de plus de 5 litres d'oxygène, nous passions les patients en soins continus où d'autres mécanismes de ventilation pouvaient être proposés, jusqu'à l'intubation et la ventilation mécanique.
Dans cette période critique en termes d'accessibilité aux lits de soins critiques, nous avons aussi commencé à développer d'autres techniques de ventilation comme le T.Flow. Il semble être une alternative à un apport d'oxygène à des débits relativement importants pour des patients qui ne relèveraient pas d'une intubation et d'une ventilation mécanique.
En ce qui concerne le T.Flow, cela posait la question de l'accessibilité au matériel parce qu'il fallait le commander.
DR MALLET : C'est très intéressant d'avoir des retours d'expériences.
Par ailleurs, les patients qui viennent aux urgences aujourd'hui sont-ils plus graves qu'avant ?
PR BENOIT DOUMENC : Encore une fois, le système parisien est un système très particulier. Les patients graves au domicile sont pris en charge par le SAMU une unité mobile d'hospitalisation qui va les envoyer directement en réanimation. Beaucoup de ces patients très graves n'arriveront donc pas spontanément aux urgences.
Depuis quelques jours, nous notons en tout cas moins de patients très graves qui arrivent aux urgences de Cochin ou bien – ce que nous pouvions craindre – des personnes (très) âgées, qui vivent seules à leur domicile ou en EHPAD et qui se sont aggravées brutalement. Des patients âgés qui avaient certainement tenu le plus longtemps possible au domicile mais qui arrivent désormais à l'hôpital.
DR MALLET : Oui en effet, nous en avons parlé avec le Professeur Hanon il y a quelques jours.
Voici la question d’un médecin à Cugnaux, dans la Haute-Garonne qui écoute Radio Cochin.
Je vois un patient qui fait de l'apnée du sommeil et qui a une insuffisance rénale chronique. Ce monsieur travaille chez Airbus Industrie et a un syndrome respiratoire depuis à peu près huit jours. Je lui ai fait un arrêt de travail.
Il est fatigué avec un pouls à 98-100 par minute, une pression artérielle à 15,8. Je pense qu'il a fait le COVID-19 mais ce qui me gêne le plus chez ce patient qui fait de l’apnée du sommeil, c’est qu’il a une dyspnée au moindre effort.
Il n'a pas tant de fièvre, il a une hémodynamie qui est conservée mais il est vraiment très essoufflé.
Qu'est-ce que vous me conseillez ? À votre connaissance, les patients avec une absence rénale chronique sont-ils plus à risque de COVID sévères ?
PR BENOIT DOUMENC : Ce cas clinique est très représentatif de ce que nous voyons au quotidien et des pièges dans lesquels il faut essayer de ne pas tomber. En effet, dans l’ambiance actuelle nous imaginons que tout patient dyspnéique et un peu fébrile a le COVID.
Mais il faut faire attention. Aux vues de ce que vous racontez, en effet une des premières hypothèses, peut être que ce patient soit COVID+. Toutefois, je crois que typiquement, si le patient se présentait au service des urgences, je le prélèverais pour confirmer – non pas me fier juste à une impression – grâce à la réalisation d’une PCR. Si elle est positive, cela nous permettra en effet de dire qu'on est au moins dans une ambiance COVID.
Si celle-ci est négative ou faussement négative – si réalisées de façon trop précoce ou trop tardive à plus de J10 de l'évolution des symptômes par exemple.
Ensuite, si nous avons le moindre doute, il faut aller chercher les autres diagnostics différentiels de dyspnée. Votre patient a évidemment deux pathologies qu'il faut éliminer : la pathologie thromboembolique et la décompensation possiblement cardiaque. Ce patient n’a certes pas l'air d'avoir de pathologies cardiaques connues, mais il est insuffisant rénal chronique avec un syndrome d'apnée du sommeil et a donc quand même de lourds antécédents.
Pour ce patient, je crois qu'il y a une vraie indication à faire des explorations complémentaires. D'autant plus que nous avons pu mettre en évidence assez fréquemment des pathologies thromboemboliques en chez des patients atteints du COVID-19 qui étaient hospitalisés. Est-ce lié au COVID-19 ou à l'hospitalisation ? Je pense qu'il est beaucoup trop tôt pour le dire. Il y a des études qui vont être mises en place afin de l'expliquer.
En tout état de cause, nous avons vu à plusieurs reprises sur des scanners finalement injectés – je rappelle que pour le diagnostic de COVID-19 nous pouvons faire un scanner thoracique sans injection – nous trouvons des embolies pulmonaires qui peuvent être distales, certes, mais aussi proximales avec un retentissement beaucoup plus important. J'aurais tendance à aller chercher cela chez ce patient.
DR MALLET : D'accord.
Ce monsieur qui a une hémodynamie stable, mais des comorbidités, doit donc aller aux urgences. Il a des comorbidités respiratoires, une insuffisance rénale chronique et de la fièvre. Il est donc à risque de COVID-19 sévère et doit donc être évalué dans un milieu hospitalier.
Vous conseillez de faire une PCR, un scanner et de ne pas hésiter à l'injecter si son insuffisance rénale le permet afin de rechercher une pathologie thromboembolique ou une embolie pulmonaire proximale.
PR BENOIT DOUMENC : Exactement. Si le scanner ne peut pas être réalisé du fait de l'insuffisance rénale, il est possible de passer par le Doppler, la réalisation de d-dimères, qui aura une valeur pour suspecter cette pathologie thromboembolique, même s'ils pourront être augmentés dans d'autres conditions.
Si c'était le cas, il faudrait au moins faire un doppler veineux des membres inférieurs.
En tout cas ce patient doit très clairement aller dans une structure qui est capable de faire un diagnostic. Il ne doit pas quitter l’hôpital sans diagnostic formel.
DR MALLET : D’accord, pour éliminer les complications.
Vous qui avez l'habitude, vous seuillez à combien pour les d-dimères pour éliminer l’embolie pulmonaire ?
PR BENOIT DOUMENC : Encore une fois, nous n’avons pas encore de recommandations bien spécifiques. Pour un patient lambda qui a moins de 50 ans, lorsque les d-dimères sont supérieures à 500, ils ont une valeur prédictive positive importante qui nécessite d’être fins dans les explorations.
Ensuite, on multiplie par rapport à l'âge. À 60 ans cela fera 600. Si le patient est lambda, ni suspect, ni COVID+.
Chez les patients pour lesquels le diagnostic de COVID a été posé par une PCR ou par des images scanographiques très évocatrices, il semblerait des valeurs bien plus élevées de d-dimères, approchant les 4000, pourraient faire suspecter une pathologie thromboembolique. En tout cas, pour l'instant, nous n’avons pas de deadline qui nous permet de dire que c’est à ce seuil-là.
DR MALLET : D'accord très bien.
PR BENOIT DOUMENC : Dans la littérature il existe des associations – dont nous ne connaissons pas encore bien le mécanisme – entre COVID-19 et maladies veineuses thromboemboliques.
Les patients fragiles avec des comorbidités doivent être évalués. Donc pour ce patient, typiquement, sans dire qu'il y a une association particulière entre insuffisance rénale chronique et COVID sévère, sa présence de comorbidités fait qu’il doit aller à l'hôpital.
Je ne me pose pas de question. Ils lui feront les examens et il sortira à l'hôpital avec un diagnostic et un traitement.
DR MALLET : Je suis parfaitement d'accord. Votre message pour ce cas clinique ?
PR BENOIT DOUMENC : Attention. Encore une fois le COVID-19 est la pathologie principale sur notre territoire mais n'oublions pas les diagnostics différentiels qui, eux aussi, peuvent tuer le patient malheureusement.
DR MALLET : Merci beaucoup, c'est très intéressant.
Je rebondis cependant sur les d-dimères. J’ai reçu l'appel d’un médecin généraliste dans le 5ème.
J’ai un patient de 70 ans sans comorbidités qui a fait un syndrome fébrile il y plus de 3 semaines et qui reste très fatigué. Il est sportif et fait encore sa course à pied. Cependant, j'ai prélevé un bilan sanguin qui montre encore une hyperleucocytose.
Je l’avais mis sous Augmentin il y a une dizaine de jours. Il garde sa fièvre et l’hyperleucocytose. J'ai donc fait des d- dimères et ils sont à 7000.
Le patient va bien, continue à boire son café, à circuler et à regarder son ordinateur. Je ne sais donc pas comment interpréter ce résultat et je regrette presque d’avoir fait ce test car je suis bloqué.
J’ai appelé mes collègues à l'hôpital qui m'ont dit de rajouter un macrolide à l’Augmentin – alors que cela fait 10 jours qu’il est sous Augmentin – parce qu’il garde cette fièvre.
Que me conseillez-vous de faire ?
PR BENOIT DOUMENC : Je reviens sur ce que je vous disais tout à l’heure. Ce patient est possiblement COVID+ donc s’il y a une absence d'amélioration, voire une aggravation de son état physique, nous avons quand même une biologie. Je ne parle pas de l’hyperleucocytose qui n'a pas de valeur à ce niveau-là.
DR MALLET : Il est très inflammatoire, il a 150 de CRP.
PR BENOIT DOUMENC : Oui, tout à fait. Nous le voyons dans ces pathologies de COVID.
Si c’est un patient qui ne s’améliore pas sur le plan respiratoire ou s'il y a une aggravation il doit, à mon sens, y avoir une imagerie. Un scanner thoracique avec injection, un angioscanner, pour éliminer l’embolie pulmonaire et pour voir ensuite s’il y a un foyer de pneumopathie qui n’avait pas été entendu à l'auscultation.
Je rappelle que chez les patients COVID+ ou suspects de COVID+, nous ne faisons pas de scanner thoracique sans injection pour faire le diagnostic. Quand nous voyons un patient à plusieurs jours d’évolution qui ne s'améliore pas sur le plan respiratoire – voire qui devient plus oxygéno-requérant – il est indispensable d'aller chercher une pathologie thromboembolique. D'où l'intérêt de faire un scanner thoracique avec injection.
DR MALLET : Pour vous, cette ligne de d-dimères est donc cliniquement significative.
PR BENOIT DOUMENC : Oui mais encore une fois, je pense que c'est après cet épisode de crise sanitaire qu’il y aura bon nombre d’études qui permettront de définir le seuil exact à partir duquel il faut véritablement évoquer l'embolie pulmonaire.
DR MALLET : Merci pour ces conseils.
Je suis généraliste à Puteaux et je profite de Radio Cochin pour demander des conseils à la personne qui a organisé les urgences de l’hôpital Cochin.
Je travaille dans un centre médical de soins. Nous voyons beaucoup de patients avec de la fièvre et des syndromes respiratoires et nous considérons ces patients infectés par le COVID. J'ai compris que nous allions continuer à voir pendant de nombreuses semaines.
Je voudrais bénéficier de votre expérience pour savoir comment organiser le parcours patient dans mon centre médical, sachant que j'ai une infirmière, une secrétaire et une salle d'attente commune pour plusieurs cabinets de consultations. Il est évident que les patients qui toussent vont se contaminer.
Que me conseillez-vous ?
PR BENOIT DOUMENC : Le circuit patient est en effet la clé. La prise en charge de ces patients est extrêmement importante pour éviter qu'ils ne contaminent d'autres personnes qui seraient porteurs de maladies chroniques.
La première chose à faire en médecine de ville est donc de bannir complètement les consultations sans rendez-vous. C’est une obligation tant pour les patients que pour les médecins.
Il faut évidemment que les patients attendent le moins longtemps possible dans une salle d'attente. Si c’est le cas, elle doit être suffisamment grande et adaptée au nombre de personnes à accueillir.
Si des patients sont assis à plusieurs dans cette salle, ils doivent bien respecter la distance de sécurité d’un mètre.
DR MALLET : Comment vous faites dans votre grande salle d’attente de Cochin ?
PR BENOIT DOUMENC : Nous avons fortement recommandé aux patients et à leurs accompagnants de ne pas attendre dans la salle d'attente. D’ailleurs, les visites sont limitées. Ensuite, nous leur demandons de maintenir l'intervalle de plus d'un mètre.
Nous avons neutralisé un certain nombre de fauteuils qu'on ne pouvait pas enlever.
Et puis nous remettons un masque chirurgical à tous les patients qui consultent et qui présentent des signes respiratoires et/ou de la fièvre. Ce sont les recommandations actuelles.
Si les recommandations futures demandent à l'ensemble de la population de se déplacer avec un masque, cela permettra de faciliter cette organisation. Si tout le monde a un masque, cela diminuera certainement le risque de contamination dans ces zones un peu confinées.
DR MALLET : Avez-vous également agit sur la climatisation ? Si ma salle d’attente est climatisée, que dois-je faire ?
PR BENOIT DOUMENC : Pour la salle d’attente, il faut se renseigner véritablement très vite auprès des spécialistes des ventilations, ceux qui ont installé cette ventilation. En tout cas, ne serait-ce que si vous êtes dans un immeuble, et auprès de vos syndics, pour savoir exactement comment ces ventilations fonctionnent afin d'éviter de contaminer d'autres pièces à partir d’un patient qui serait présent dans votre salle d'attente.
À Cochin, nous nous sommes assurés en termes de ventilation et il est parfaitement clair que nous n’avons aucun risque de contamination d'un box à l'autre.
Ces box sont aérés de manière très régulière. Pour vous donner une idée, nous aérons 15 minutes après chaque passage de patient COVID. C’est vrai qu’il est impossible de faire ça dans une salle d'attente avec un passage permanent. Mais en tout cas il faut aérer très régulièrement cette zone d'attente.
DR MALLET : D'accord.
PR BENOIT DOUMENC : Ensuite, il ne faut pas oublier de vous protéger en tant que médecin et protéger vos personnels d'accueil. Il faut diminuer au maximum les différents intervenants.
Il faut que votre secrétaire qui accueille les patients n’ait pas de contact direct avec eux et que les distances de sécurité soient respectées. Nous avons ici la chance d'avoir des personnels d'accueil qui sont derrière des guichets mais c’est une question qui se pose aussi dans les supermarchés…
DR MALLET : Voilà. Nous avons d’ailleurs fait comme le supermarché du coin, nous avons mis une plaque…
PR BENOIT DOUMENC : Cela fonctionne très bien. Afin de rassurer encore plus votre secrétaire, elle peut porter un masque chirurgical et proposer au patient, lorsqu'il rentre dans votre centre, de se laver les mains. Soit avec une solution hydroalcoolique, soit de l'eau et du savon avec des serviettes en papier jetables. Tout cela permettra de diminuer au maximum le risque de contamination.
DR MALLET : Je récapitule : j’espace les chaises de ma salle d'attente, j'ouvre la fenêtre, je mets une protection pour ma secrétaire et je lui donne un masque.
Le patient ne rentre pas en consultation sans rendez-vous.
Quand le patient sort du box de consultation, que dois-je faire pour le décontaminer ensuite ?
PR BENOIT DOUMENC : Procédez à une décontamination avec le produit que vous utilisez habituellement lorsque vous désinfectez votre table d'examen. Il n'y a pas besoin de faire d'autres choses particulières mais il faut le faire entre chaque patient.
L'idéal est de respecter dans le box de consultation une aération d'environ 10 à 15 minutes entre les patients. Cela permettra aussi de faire correctement le lavage des zones entrées en contact avec le patient.
DR MALLET : Parfait. Votre message pour clore ce cas ?
PR BENOIT DOUMENC : Encore une fois, je rappellerais l'importance du circuit patient et l'importance de se protéger en tant que professionnel de la santé.
La chose la plus simple est d’appliquer et respecter les gestes barrières que les médias nous répètent à longueur de journée dans nos structures de prise en charge des patients.
DR MALLET : Et tout ceci jusqu'au jour où nous aurons le vaccin. Merci beaucoup pour vos conseils. Nous vous souhaitons bon courage et vous félicitons pour votre organisation. C’est vraiment passionnant.
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.