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Homme de 50 ans avec fièvre et signes respiratoires

INTRODUCTION

Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.

Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Luc Mouthon, Chef du Service de Médecine Interne de Cochin.

Retour d'expérience

DR MALLET : Pouvez-vous nous expliquer la situation de votre service ?

PR LUC MOUTHON : Notre service de médecine interne comporte 82 lits dont 54 lits d’hospitalisation non programmés. C’est un service actuellement en pleine mutation depuis que nous avons accueilli le premier patient COVID+ il y a maintenant 11 jours.

Vendredi dernier, nous avons sanctuarisé une aile de 18 lits à la prise en charge de ces patients. Avant-hier, nous avons été amenés à sanctuariser une deuxième salle de 18 lits et ce matin, une troisième salle de 14 lits.

Nous avons donc maintenant 50 lits dédiés à la prise en charge des patients COVID+ avec actuellement 30 patients pris en charge dans notre service sur l’ensemble de ces 50 lits.

DR MALLET : Aujourd’hui vous avez donc 30 patients sur 50 lits disponibles ?

PR LUC MOUTHON : Exactement.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Très bien. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste dans le 5ème arrondissement de Paris.

Je suis appelé pour un homme de 50 ans avec de la fièvre à 39 et des signes respiratoires depuis 6 ou 7 jours. Il n’a pas de pathologie associée. Il a des douleurs dans les muscles et une fréquence respiratoire élevée à 30/minute. Il est sportif et fait 1 à 2 fois par semaine de la course à pied. 

Comment dois-je gérer ce patient ?

Réponse et discussion

PR LUC MOUTHON : C’est un cas très pratique et instructif. Nous savons que ce virus ne touche pas que des gens âgés et parmi les personnes qui présentent des signes respiratoires (en particulier des signes de mauvaise tolérance), il y a des sujets jeunes.

Nous pouvons considérer que ce patient de 50 ans qui est environ au 7ème jour d’évolution de cette potentielle infection à COVID, qui est fébrile à 39 et qui a une fréquence respiratoire très élevée est à risque de développer une insuffisance respiratoire. 

Il est donc très important de prendre une saturation au doigt pour avoir une idée d’une éventuelle baisse de cette saturation artérielle en oxygène. C’est typiquement le patient qu’il est vraiment nécessaire d’adresser aux urgences.

Je voudrais faire passer deux messages par rapport à cela. D’une part, si l’infection débute avec de la fièvre à 39 ou 40, des maux de tête, et éventuellement des myalgies et une grande fatigue, les signes respiratoires peuvent être exacerbés aux alentours de J7 ou J8.

Il y a volontiers une aggravation des signes respiratoires dans un « deuxième temps ». Dès lors, au moindre signe de désaturation ou de mauvaise tolérance respiratoire, il ne faut pas louper le coche et directement adresser le patient aux urgences.

DR MALLET : La fièvre à 39 n’est donc pas forcément la cause d’une fréquence respiratoire à 30/minute. par ailleurs, si nous ne pouvons pas prendre la saturation, il faut l’adresser pour qu’elle puisse être prise.

PR LUC MOUTHON : Voilà. Il peut bien sûr y avoir un autre agent infectieux en cause car d’autres causes provoquent une polypnée. Cependant, dans le contexte actuel, si ce patient à une infection à COVID, il y a un risque qu’il soit en train d’exacerber ou d’aggraver son atteinte respiratoire.

DR MALLET : D’accord, parce qu’il est à J7 ou J8. Lors de l’auscultation pulmonaire, ces patients crépitent-ils ?

PR LUC MOUTHON : Ils crépitent volontiers. Il n’y a pas de règles absolues mais comme devant toute pneumonie, il faut bien penser à ausculter tous les champs pulmonaires : les zones postérieures, axillaires et les champs pulmonaires antérieurs.

Il y a volontiers des anomalies auscultatoires et des crépitants bilatéraux ou éventuellement même diffus. La normalité d’une auscultation n’exclut pas la possibilité d’une pneumopathie infectieuse même si l’auscultation sera le plus souvent anormale.

DR MALLET : C’est très clair, merci.

PR LUC MOUTHON : Le deuxième message que je voulais faire passer est le risque d’une dégradation brutale s’il n’y a pas de prise en charge dès lors que cette polypnée s’est installée. Nous avons observé cela chez un certain nombre de patients.

Cependant, je ne dis pas que c’était grave chez tout le monde puisque nous avons bien vu que 98% des patients récupèrent et survivent à tout cela.

Il y a une minorité de patients qui vont faire une forme plus sévère et qui vont développer des signes respiratoires. Pour ces signes, il est très important de savoir qu’ils peuvent s’aggraver en quelques heures.

Il est donc très important d’adresser ce patient aux urgences afin qu’il puisse être observé. S’il a une désaturation, nous pourrons lui mettre de l’oxygène et lui faire un scanner thoracique en coupe fine.

Dans ce contexte, il y a deux possibilités. Soit l’évolution est très préoccupante et le patient ira en soins intensifs, soit l’évolution est plutôt rassurante mais nécessite de l’oxygénothérapie auquel cas le patient sera hospitalisé dans un secteur de médecine.

DR MALLET : C’est très clair. Nous avons déjà rendez-vous avec la Professeure Revel pour parler du scanner.

Je note donc l’importance de savoir identifier les patients pour qui il ne faut pas tromper, quand bien même ils seraient au milieu d’une foule de patients asymptomatiques ou avec évolution positive.

Chez ce monsieur (pourtant dynamique) qui crépite et a de la fièvre, les signes que je retiens sont donc l’essoufflement et la difficulté à respirer à partir du 7ème jour.

PR LUC MOUTHON : Aux urgences, le patient aura un écouvillonnage nasopharyngé pour faire une PCR pour la grippe et le virus COVID-19 avec un délai de récupération.

Nous n’attendrons pas forcément le résultat pour le prendre en charge en fonction de la sévérité de son état car d’autres agents infectieux peuvent donner une détresse respiratoire. Toutefois, dans le contexte de l’épidémie il faudra prioriser cette hypothèse d’infection à COVID-19.

DR MALLET : Dans l’hypothèse où ce patient n’avait pas cette tachypnée, s’il était à moins de 20/minute, aurions-nous pu seulement le traiter de manière symptomatique et le réévaluer ?  Que me conseillez-vous ?

PR LUC MOUTHON : Nous avons à faire à un sujet jeune, sportif et tout à fait autonome. Nous pouvons donc très bien le surveiller. Il faut lui expliquer qu’il peut prendre du paracétamol pour lutter contre la fièvre et lui dire que si des signes respiratoires apparaissent ou que son état se dégrade, il doit nous recontacter. 

Au pire, il peut appeler le 15 s’il est dans un état très aigu de détresse respiratoire. Cela dit, en ville, la majorité des patients vont être pris en charge sans aller à l’hôpital.

Message de fin

DR MALLET : C’est très clair. Voulez-vous ajouter quelque chose ?

PR LUC MOUTHON : D’abord, je voudrais rappeler qu’il faut être vigilant sur cette période du 7ème au 9ème jour. Ensuite, je voudrais dire que l’hôpital Cochin est armé pour accueillir les patients. 

La structure de notre hôpital a changé ainsi que les circuits de patients aux urgences et nous sommes désormais parés pour faire face à cette épidémie et prendre en charge des patients pour les deux mois à venir.

DR MALLET : Merci beaucoup Professeur, nous ne manquerons pas de vous rappeler.

PR LUC MOUTHON : Merci à vous.

Retranscription complète
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Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.

Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Luc Mouthon, Chef du Service de Médecine Interne de Cochin.

DR MALLET : Pouvez-vous nous expliquer la situation de votre service ?

PR LUC MOUTHON : Notre service de médecine interne comporte 82 lits dont 54 lits d’hospitalisation non programmés. C’est un service actuellement en pleine mutation depuis que nous avons accueilli le premier patient COVID+ il y a maintenant 11 jours.

Vendredi dernier, nous avons sanctuarisé une aile de 18 lits à la prise en charge de ces patients. Avant-hier, nous avons été amenés à sanctuariser une deuxième salle de 18 lits et ce matin, une troisième salle de 14 lits.

Nous avons donc maintenant 50 lits dédiés à la prise en charge des patients COVID+ avec actuellement 30 patients pris en charge dans notre service sur l’ensemble de ces 50 lits.

DR MALLET : Aujourd’hui vous avez donc 30 patients sur 50 lits disponibles ?

PR LUC MOUTHON : Exactement.

DR MALLET : Très bien. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste dans le 5ème arrondissement de Paris.

Je suis appelé pour un homme de 50 ans avec de la fièvre à 39 et des signes respiratoires depuis 6 ou 7 jours. Il n’a pas de pathologie associée. Il a des douleurs dans les muscles et une fréquence respiratoire élevée à 30/minute. Il est sportif et fait 1 à 2 fois par semaine de la course à pied. 

Comment dois-je gérer ce patient ?

PR LUC MOUTHON : C’est un cas très pratique et instructif. Nous savons que ce virus ne touche pas que des gens âgés et parmi les personnes qui présentent des signes respiratoires (en particulier des signes de mauvaise tolérance), il y a des sujets jeunes.

Nous pouvons considérer que ce patient de 50 ans qui est environ au 7ème jour d’évolution de cette potentielle infection à COVID, qui est fébrile à 39 et qui a une fréquence respiratoire très élevée est à risque de développer une insuffisance respiratoire. 

Il est donc très important de prendre une saturation au doigt pour avoir une idée d’une éventuelle baisse de cette saturation artérielle en oxygène. C’est typiquement le patient qu’il est vraiment nécessaire d’adresser aux urgences.

Je voudrais faire passer deux messages par rapport à cela. D’une part, si l’infection débute avec de la fièvre à 39 ou 40, des maux de tête, et éventuellement des myalgies et une grande fatigue, les signes respiratoires peuvent être exacerbés aux alentours de J7 ou J8.

Il y a volontiers une aggravation des signes respiratoires dans un « deuxième temps ». Dès lors, au moindre signe de désaturation ou de mauvaise tolérance respiratoire, il ne faut pas louper le coche et directement adresser le patient aux urgences.

DR MALLET : La fièvre à 39 n’est donc pas forcément la cause d’une fréquence respiratoire à 30/minute. par ailleurs, si nous ne pouvons pas prendre la saturation, il faut l’adresser pour qu’elle puisse être prise.

PR LUC MOUTHON : Voilà. Il peut bien sûr y avoir un autre agent infectieux en cause car d’autres causes provoquent une polypnée. Cependant, dans le contexte actuel, si ce patient à une infection à COVID, il y a un risque qu’il soit en train d’exacerber ou d’aggraver son atteinte respiratoire.

DR MALLET : D’accord, parce qu’il est à J7 ou J8. Lors de l’auscultation pulmonaire, ces patients crépitent-ils ?

PR LUC MOUTHON : Ils crépitent volontiers. Il n’y a pas de règles absolues mais comme devant toute pneumonie, il faut bien penser à ausculter tous les champs pulmonaires : les zones postérieures, axillaires et les champs pulmonaires antérieurs.

Il y a volontiers des anomalies auscultatoires et des crépitants bilatéraux ou éventuellement même diffus. La normalité d’une auscultation n’exclut pas la possibilité d’une pneumopathie infectieuse même si l’auscultation sera le plus souvent anormale.

DR MALLET : C’est très clair, merci.

PR LUC MOUTHON : Le deuxième message que je voulais faire passer est le risque d’une dégradation brutale s’il n’y a pas de prise en charge dès lors que cette polypnée s’est installée. Nous avons observé cela chez un certain nombre de patients.

Cependant, je ne dis pas que c’était grave chez tout le monde puisque nous avons bien vu que 98% des patients récupèrent et survivent à tout cela.

Il y a une minorité de patients qui vont faire une forme plus sévère et qui vont développer des signes respiratoires. Pour ces signes, il est très important de savoir qu’ils peuvent s’aggraver en quelques heures.

Il est donc très important d’adresser ce patient aux urgences afin qu’il puisse être observé. S’il a une désaturation, nous pourrons lui mettre de l’oxygène et lui faire un scanner thoracique en coupe fine.

Dans ce contexte, il y a deux possibilités. Soit l’évolution est très préoccupante et le patient ira en soins intensifs, soit l’évolution est plutôt rassurante mais nécessite de l’oxygénothérapie auquel cas le patient sera hospitalisé dans un secteur de médecine.

DR MALLET : C’est très clair. Nous avons déjà rendez-vous avec la Professeure Revel pour parler du scanner.

Je note donc l’importance de savoir identifier les patients pour qui il ne faut pas tromper, quand bien même ils seraient au milieu d’une foule de patients asymptomatiques ou avec évolution positive.

Chez ce monsieur (pourtant dynamique) qui crépite et a de la fièvre, les signes que je retiens sont donc l’essoufflement et la difficulté à respirer à partir du 7ème jour.

PR LUC MOUTHON : Aux urgences, le patient aura un écouvillonnage nasopharyngé pour faire une PCR pour la grippe et le virus COVID-19 avec un délai de récupération.

Nous n’attendrons pas forcément le résultat pour le prendre en charge en fonction de la sévérité de son état car d’autres agents infectieux peuvent donner une détresse respiratoire. Toutefois, dans le contexte de l’épidémie il faudra prioriser cette hypothèse d’infection à COVID-19.

DR MALLET : Dans l’hypothèse où ce patient n’avait pas cette tachypnée, s’il était à moins de 20/minute, aurions-nous pu seulement le traiter de manière symptomatique et le réévaluer ?  Que me conseillez-vous ?

PR LUC MOUTHON : Nous avons à faire à un sujet jeune, sportif et tout à fait autonome. Nous pouvons donc très bien le surveiller. Il faut lui expliquer qu’il peut prendre du paracétamol pour lutter contre la fièvre et lui dire que si des signes respiratoires apparaissent ou que son état se dégrade, il doit nous recontacter. 

Au pire, il peut appeler le 15 s’il est dans un état très aigu de détresse respiratoire. Cela dit, en ville, la majorité des patients vont être pris en charge sans aller à l’hôpital.

DR MALLET : C’est très clair. Voulez-vous ajouter quelque chose ?

PR LUC MOUTHON : D’abord, je voudrais rappeler qu’il faut être vigilant sur cette période du 7ème au 9ème jour. Ensuite, je voudrais dire que l’hôpital Cochin est armé pour accueillir les patients. 

La structure de notre hôpital a changé ainsi que les circuits de patients aux urgences et nous sommes désormais parés pour faire face à cette épidémie et prendre en charge des patients pour les deux mois à venir.

DR MALLET : Merci beaucoup Professeur, nous ne manquerons pas de vous rappeler.

PR LUC MOUTHON : Merci à vous.

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