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Patient de 86 ans Alzheimer en EHPAD à risque de Covid

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Olivier Hanon, Chef du Service de Gériatrie de l’hôpital Broca.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Hanon, je suis médecin généraliste dans le 13ème  arrondissement de Paris et j'interviens dans un EHPAD. 

Je suis appelé pour un homme de 86 ans qui a de la fièvre et qui tousse. Il est connu pour avoir une maladie d'Alzheimer. Il a un GIR 3. 

Que dois-je faire pour ce patient ? Dois-je l'envoyer directement aux urgences de son secteur ? 

Mais surtout que dois-je faire pour les autres patients autour de lui qui sont évidemment à risque de contagiosité ?

Réponse et discussion

PR OLIVIER HANON : La problématique dans les EHPAD est effectivement très importante parce que c'est un lieu où il y a un risque majeur de contagion entre les patients une fois que le virus est entré. 

À partir du moment où deux patients sont détectés COVID, l’EHPAD passe en état de contact. Cela signifie que tous les patients doivent être confinés dans leur chambre, que le personnel doit avoir un masque de protection et qu’il faut essayer par exemple d’arrêter les repas tous ensemble. Confinement et repas en chambre pour tous les patients. 

Ce patient est à haut risque d’avoir un COVID donc il va être confiné dans sa chambre et le personnel mettra un masque. Par ailleurs, le meilleur moyen de protection est le double-masquage : un masque pour le patient et un masque pour le soignant quand il intervient. 

Ensuite, il va falloir aider le collègue médecin généraliste. Dois-je garder ce patient ?  Comme c’est un patient qui a une maladie d'Alzheimer et qui a déjà un GIR altéré, y a-t-il un intérêt de l’envoyer à l'hôpital ? 

En effet, il y a déjà une perte d'autonomie pour les GIR entre 3 et 4 et ce patient ne sera donc probablement pas réanimatoire. Malgré tout, il peut peut-être avoir un bénéfice de venir à l'hôpital pour traiter une hydratation ou une hypoxémie qui ne peuvent pas être prise en charge dans l'EHPAD. En effet, ce n'est pas un endroit sanitaire, il n’y a pas forcément d'oxygène ni suffisamment d'infirmiers pour mettre en place une perfusion. 

Il y a donc parfois des décisions difficiles à prendre et c'est pour cela que nous avons mis en place une hotline 24h/24, au sein de l’AP-HP, avec un gériatre dédié. Ainsi, les médecins généralistes ou les médecins coordinateurs de l’EHPAD peuvent avoir un avis gériatrique et voir si le patient peut être réanimatoire ou avoir un bénéfice attendu d’hospitalisation. – Car même si ce n’est pas le cas de notre patient, cela peut être possible pour d’autres patients d’EHPAD.  – 

Si c'est oui, ils pourront voir avec le médecin de la hotline à quel SAU l’adresser en fonction de la filière. Ensuite le médecin pourra prendre le patient en service de gériatrie pour ne pas qu’il reste aux urgences. Nous avons essayé de mettre en place cette filière sur Paris, avec l'AP-HP. Mais par ailleurs, sur le plan territorial, chaque EHPAD est en relation avec un hôpital. 

Ce service de hotline est encore peu connu puisque nous l’avons démarré il y a une semaine. C’est une vraie aide pour discuter du patient, de sa prise en charge. Mais aussi pour savoir quels traitements administrer sur place et pour savoir si j’envoie le patient au SAU ou non. 

Si c’est nécessaire, le gériatre de la hotline met ensuite en place le parcours pour que le patient passe par des urgences et que, s'il est effectivement diagnostiqué positif, il puisse être pris en service vite gériatrique pour ensuite repartir à l'EHPAD quand il aura passé les 10/14 jours.

DR MALLET : Donc, pour récapituler, il y a une toute nouvelle hotline disponible pour les médecins généralistes et collègues de ville qui font de la gériatrie, en EHPAD ou ailleurs. 

Comment trouver comment ce numéro de téléphone ?

PR OLIVIER HANON : C'est ce que nous appelons la filière gériatrique territoriale. Chaque EHPAD a normalement le numéro de sa filière. Nous avions mis en place des numéros de téléphone par lesquels les médecins pouvaient déjà appeler un gériatre hors crise sanitaire. C’est donc cette même ligne qui est redistribuée avec une liste de médecins d’astreinte. 

DR MALLET : C’est très clair. Vous parliez des mesures d'hygiène et d’isolement à appliquer (confinement dans la chambre, lavage des mains systématique et masque pour le soignant). 

Mais quand les patients sont un peu altérés, ne sortent-ils pas de la chambre pour se promener ? 

PR OLIVIER HANON : Alors c'est surtout au début de la phase de la maladie que ces patients déambulent. Au bout de quelques jours, ils ont de la fièvre et sont fatigués donc nous avons moins de problèmes de déambulation par la suite. 

C’est donc au début, quand ils sont encore contagieux, que c'est plus compliqué de les garder en chambre. Sans faire de la contention, bien sûr, il faut essayer de les laisser un certain temps en chambre avec un masque. Pour certains cela fonctionne bien, mais d’autres nécessitent parfois plus de surveillance et cela peut s’avérer compliqué. 

C’est donc parfois une raison pour appeler la hotline et l'envoyer dans un secteur dédié COVID à l'hôpital, où il sera surveillé. Nous avons mis en place un système de protection avec des plaques pour les empêcher de sortir du service. Il y a des entrées et sorties bien déterminées donc nous surveillons que les patients déambulants ne se baladent pas dans tout l'hôpital.

DR MALLET : Les visites sont-elles donc terminées dans toutes les unités ?

PR OLIVIER HANON : Oui mais c’est le cas dans tous les EHPAD. C’est l’une des recommandations et c’est même obligatoire maintenant. Ce serait une façon trop importante de transmettre le virus à l’échelle de l’EHPAD. 

DR MALLET : Et pour les autres patients ? 

PR OLIVIER HANON : Les autres patients restent dans leur chambre, comme tout le monde. Plus d’activités ensemble, de déjeuners ensemble. Tout le monde est confiné.

DR MALLET : D’accord. Avez-vous un système de communication pour les patients avec des iPad ?

PR OLIVIER HANON : Oui. Avec l'aide des neuropsychologues de Broca, nous avons mis en place un système pour continuer la communication avec les familles grâce à des iPad. 

En général, nous prévoyons un horaire de rendez-vous d'abord avec le médecin qui donne des renseignements médicaux. Ensuite, la neuropsychologue prend la main pour que la famille puisse voir son parent.  

Heureusement, dans un bon nombre de cas, les patients vont plutôt bien, même si fatigués. La neuropsychologue peut aussi leur proposer un soutien psychologique si besoin.

Message de fin

DR MALLET : Très bien, merci beaucoup. Je récapitule.

Dans un premier temps, dès qu’un patient à haut risque d'infection par le COVID est identifié : double masquage et isolement de tous les patients de cet EHPAD pour éviter la dissémination de l'infection.

PR OLIVIER HANON : Dans un second temps, avoir recours à cette hotline qui, j'espère, va aider au parcours du patient dans un grand nombre de cas. 

DR MALLET : Oui, elle pourra m'orienter et m'aider pour savoir si je dois l'adresser aux urgences.

PR OLIVIER HANON : Un dernier conseil : ne pas donner de thérapeutiques, pas d’AINS, pas d’hydroxyzine.  Il y a un certain nombre de renseignements pratiques que nous pouvons donner au médecin. 

DR MALLET : C'est une très bonne chose. Merci beaucoup pour ces efforts et bon courage à votre équipe et à tous les volontaires qui sont venus vous aider en première ligne.

Nous vous souhaitons bon courage et merci encore.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Olivier Hanon, Chef du Service de Gériatrie de l’hôpital Broca. 

DR MALLET : Professeur Hanon, je suis médecin généraliste dans le 13ème  arrondissement de Paris et j'interviens dans un EHPAD. 

Je suis appelé pour un homme de 86 ans qui a de la fièvre et qui tousse. Il est connu pour avoir une maladie d'Alzheimer. Il a un GIR 3. 

Que dois-je faire pour ce patient ? Dois-je l'envoyer directement aux urgences de son secteur ? 

Mais surtout que dois-je faire pour les autres patients autour de lui qui sont évidemment à risque de contagiosité ? 

PR OLIVIER HANON : La problématique dans les EHPAD est effectivement très importante parce que c'est un lieu où il y a un risque majeur de contagion entre les patients une fois que le virus est entré. 

À partir du moment où deux patients sont détectés COVID, l’EHPAD passe en état de contact. Cela signifie que tous les patients doivent être confinés dans leur chambre, que le personnel doit avoir un masque de protection et qu’il faut essayer par exemple d’arrêter les repas tous ensemble. Confinement et repas en chambre pour tous les patients. 

Ce patient est à haut risque d’avoir un COVID donc il va être confiné dans sa chambre et le personnel mettra un masque. Par ailleurs, le meilleur moyen de protection est le double-masquage : un masque pour le patient et un masque pour le soignant quand il intervient. 

Ensuite, il va falloir aider le collègue médecin généraliste. Dois-je garder ce patient ?  Comme c’est un patient qui a une maladie d'Alzheimer et qui a déjà un GIR altéré, y a-t-il un intérêt de l’envoyer à l'hôpital ? 

En effet, il y a déjà une perte d'autonomie pour les GIR entre 3 et 4 et ce patient ne sera donc probablement pas réanimatoire. Malgré tout, il peut peut-être avoir un bénéfice de venir à l'hôpital pour traiter une hydratation ou une hypoxémie qui ne peuvent pas être prise en charge dans l'EHPAD. En effet, ce n'est pas un endroit sanitaire, il n’y a pas forcément d'oxygène ni suffisamment d'infirmiers pour mettre en place une perfusion. 

Il y a donc parfois des décisions difficiles à prendre et c'est pour cela que nous avons mis en place une hotline 24h/24, au sein de l’AP-HP, avec un gériatre dédié. Ainsi, les médecins généralistes ou les médecins coordinateurs de l’EHPAD peuvent avoir un avis gériatrique et voir si le patient peut être réanimatoire ou avoir un bénéfice attendu d’hospitalisation. – Car même si ce n’est pas le cas de notre patient, cela peut être possible pour d’autres patients d’EHPAD.  – 

Si c'est oui, ils pourront voir avec le médecin de la hotline à quel SAU l’adresser en fonction de la filière. Ensuite le médecin pourra prendre le patient en service de gériatrie pour ne pas qu’il reste aux urgences. Nous avons essayé de mettre en place cette filière sur Paris, avec l'AP-HP. Mais par ailleurs, sur le plan territorial, chaque EHPAD est en relation avec un hôpital. 

Ce service de hotline est encore peu connu puisque nous l’avons démarré il y a une semaine. C’est une vraie aide pour discuter du patient, de sa prise en charge. Mais aussi pour savoir quels traitements administrer sur place et pour savoir si j’envoie le patient au SAU ou non. 

Si c’est nécessaire, le gériatre de la hotline met ensuite en place le parcours pour que le patient passe par des urgences et que, s'il est effectivement diagnostiqué positif, il puisse être pris en service vite gériatrique pour ensuite repartir à l'EHPAD quand il aura passé les 10/14 jours.

DR MALLET : Donc, pour récapituler, il y a une toute nouvelle hotline disponible pour les médecins généralistes et collègues de ville qui font de la gériatrie, en EHPAD ou ailleurs. 

Comment trouver comment ce numéro de téléphone ?

PR OLIVIER HANON : C'est ce que nous appelons la filière gériatrique territoriale. Chaque EHPAD a normalement le numéro de sa filière. Nous avions mis en place des numéros de téléphone par lesquels les médecins pouvaient déjà appeler un gériatre hors crise sanitaire. C’est donc cette même ligne qui est redistribuée avec une liste de médecins d’astreinte. 

DR MALLET : C’est très clair. Vous parliez des mesures d'hygiène et d’isolement à appliquer (confinement dans la chambre, lavage des mains systématique et masque pour le soignant). 

Mais quand les patients sont un peu altérés, ne sortent-ils pas de la chambre pour se promener ? 

PR OLIVIER HANON : Alors c'est surtout au début de la phase de la maladie que ces patients déambulent. Au bout de quelques jours, ils ont de la fièvre et sont fatigués donc nous avons moins de problèmes de déambulation par la suite. 

C’est donc au début, quand ils sont encore contagieux, que c'est plus compliqué de les garder en chambre. Sans faire de la contention, bien sûr, il faut essayer de les laisser un certain temps en chambre avec un masque. Pour certains cela fonctionne bien, mais d’autres nécessitent parfois plus de surveillance et cela peut s’avérer compliqué. 

C’est donc parfois une raison pour appeler la hotline et l'envoyer dans un secteur dédié COVID à l'hôpital, où il sera surveillé. Nous avons mis en place un système de protection avec des plaques pour les empêcher de sortir du service. Il y a des entrées et sorties bien déterminées donc nous surveillons que les patients déambulants ne se baladent pas dans tout l'hôpital.

DR MALLET : Les visites sont-elles donc terminées dans toutes les unités ?

PR OLIVIER HANON : Oui mais c’est le cas dans tous les EHPAD. C’est l’une des recommandations et c’est même obligatoire maintenant. Ce serait une façon trop importante de transmettre le virus à l’échelle de l’EHPAD. 

DR MALLET : Et pour les autres patients ? 

PR OLIVIER HANON : Les autres patients restent dans leur chambre, comme tout le monde. Plus d’activités ensemble, de déjeuners ensemble. Tout le monde est confiné.

DR MALLET : D’accord. Avez-vous un système de communication pour les patients avec des iPad ?

PR OLIVIER HANON : Oui. Avec l'aide des neuropsychologues de Broca, nous avons mis en place un système pour continuer la communication avec les familles grâce à des iPad. 

En général, nous prévoyons un horaire de rendez-vous d'abord avec le médecin qui donne des renseignements médicaux. Ensuite, la neuropsychologue prend la main pour que la famille puisse voir son parent.  

Heureusement, dans un bon nombre de cas, les patients vont plutôt bien, même si fatigués. La neuropsychologue peut aussi leur proposer un soutien psychologique si besoin.

DR MALLET : Très bien, merci beaucoup. Je récapitule.

Dans un premier temps, dès qu’un patient à haut risque d'infection par le COVID est identifié : double masquage et isolement de tous les patients de cet EHPAD pour éviter la dissémination de l'infection.

PR OLIVIER HANON : Dans un second temps, avoir recours à cette hotline qui, j'espère, va aider au parcours du patient dans un grand nombre de cas. 

DR MALLET : Oui, elle pourra m'orienter et m'aider pour savoir si je dois l'adresser aux urgences.

PR OLIVIER HANON : Un dernier conseil : ne pas donner de thérapeutiques, pas d’AINS, pas d’hydroxyzine.  Il y a un certain nombre de renseignements pratiques que nous pouvons donner au médecin. 

DR MALLET : C'est une très bonne chose. Merci beaucoup pour ces efforts et bon courage à votre équipe et à tous les volontaires qui sont venus vous aider en première ligne.

Nous vous souhaitons bon courage et merci encore.

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