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Patient de 64 ans BPCO sévère sous corticoïdes et bêta-2-mimétiques en aérosol

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Nicolas Roche, pneumologue à Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Roche, je suis médecin généraliste à Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor et j’écoute Radio Cochin, initiative pour laquelle je vous félicite.

J’ai été appelé par un de mes patients qui a 64 ans. Je le suis de longue date pour une BPCO sévère. Il est sous oxygénothérapie à domicile de longue durée. Il prend des corticoïdes inhalés et des bêta-2-mimétiques en aérosol.

En tant qu’expert, considérez-vous que ce patient soit à risque ? 

Doit-il arrêter les aérosols pour éviter la nébulisation de COVID dans la maison pour protéger sa famille ? 

J’ai entendu parler des corticoïdes et de leurs interactions avec l’infection à COVID. Doit-il les arrêter en sachant que ce sont des corticoïdes inhalés ?

Réponse et discussion

PR NICOLAS ROCHE : Premièrement, concernant le risque encouru par ce patient, nous n’avons pas encore énormément de données à ce sujet. Cela dit, nous n’avons pas l’impression que les patients atteints de maladies respiratoires chroniques et les BPCO en particulier, soient spécialement à risque d’attraper le COVID-19. 

En revanche, quand ils ont l’infection par le COVID, ils sont désormais à risque d’évolution défavorable. Leur maladie est donc plutôt un facteur de risque de gravité si une infection survient, qu’un facteur de risque de survenue de l’infection. 

Nous savons que les BPCO sont surreprésentés parmi les malades à pronostics défavorables mais ils ne sont pas surreprésentés sur l’ensemble de la population COVID. 

Deuxièmement, concernant la corticothérapie inhalée, nous savons que certains anti-inflammatoires, les AINS par voie systémique, pourraient être liés à des formes graves d’infections à COVID. Cependant, il n’a jamais été démontré dans les diverses études publiées tous les jours que les corticoïdes inhalés exposent à un risque similaire. 

Ce que nous savons en revanche, c’est que chez les malades qui ont des bonnes indications de corticoïdes inhalés, le fait de les arrêter va essentiellement exposer le malade à un risque d’exacerbation. 

Nous partons du principe que le médicament a été donné à bon escient et qu’il ne faut donc pas l’arrêter. C’est important et notamment pour les asthmatiques, car pour eux la corticoïde inhalée a complètement changé le pronostic. 

Il ne faut donc pas l’arrêter et bien le préciser aux patients qui parfois, sans en parler spontanément, l’arrêtent de leur côté. Il faut dire de ne pas arrêter leur traitement de fond, quel qu’il soit.

Enfin, concernant la nébulisation, il faut se rappeler que le principe de nébulisation est de faire un l’aérosol. Le nébuliseur va aérosoliser ce qui sort. Donc si le malade a des sécrétions respiratoires sortant du nez où il y a notamment une forte concentration de COVID comme c’est le cas chez les malades infectés, le nébuliseur peut potentiellement le répandre dans la pièce. En effet, ce ne sont pas des circuits fermés et il faut donc être très précautionneux.

À l’hôpital, nous privilégions l’utilisation d’un aérosol doseur avec une chambre d’inhalation. Si nous prenons un bêta-2-mimétique courte durée d’action et que nous mettons 4 doses dans la chambre d’inhalation toutes les 10 minutes, nous obtiendrons exactement l’effet d’un aérosol utilisé dans l’urgence. 

Pour un malade qui a 2 ou 3 aérosols par jour sur du long court, nous lui faisons entre 2 et 4 doses 3 fois par jour dans une chambre d’inhalation. Cela devrait faire le même effet. 

DR MALLET : D’accord, c’est pareil.

PR NICOLAS ROCHE : Oui et c’est important. Si certains malades ont des systèmes à poudre de bêta-2-mimétique courte durée d’action, ils peuvent aussi utiliser ces moyens. Je pense donc que c’est mieux de faire ça. 

Mais si le malade ne peut pas faire autrement qu’utiliser son aérosol car il est incapable d’utiliser les dispositifs portables, nous sommes plus embêtés. 

Il vaut mieux alors qu’il n’y ait personne dans la pièce pendant qu’il fait son aérosol et que celle-ci soit bien aérée ensuite. Si possible, il faut qu’il reste seul dans la pièce pendant 3h après l’aérosol, puisque nous savons que le virus, quand il est aérosolisé, peut rester 3h dans l’air.

Aussi, contrairement aux indications habituelles, nous pouvons pour une fois équiper la famille avec des masques FFP2 pour mieux les protéger s’ils rentrent dans la pièce après l’aérosol du patient.

DR MALLET : Il va donc ressortir son vieil aérosol des tiroirs et il va l’utiliser dans sa chambre pour éviter de contaminer les pièces de la maison.

PR NICOLAS ROCHE : Aérosol doseur avec chambre, cela a fait ses preuves. Même si c’est moins pratique et que cela prend plus de temps.

DR MALLET : D’accord. Je récapitule. 

Nous n’arrêtons pas les traitements inhalés, notamment les corticostéroïdes, pour ne pas le déstabiliser et éviter un facteur d’aggravation. 

Il évite de nébuliser le COVID dans toute la pièce pour ses proches. 

Enfin, sur la base de ce que vous savez, la BPCO n’est pas plus un facteur de risque comparativement au diabète par exemple.

PR NICOLAS ROCHE : De risque de l’infection, non. Cependant, s’il attrape le COVID, il fera partie des patients qu’il ne faut pas hésiter à diriger à l’hôpital. Pour un malade sévère comme cela, il faut rester méfiant.

Nous aimons bien les surveiller quelques jours car ils ont quand même le risque d’évoluer dans le mauvais sens. Il faut donc être très vigilant.

Message de fin

DR MALLET : Ok, très bien. Votre message pour ce cas clinique ?

PR NICOLAS ROCHE : Nous avons des patients insuffisants respiratoires qui sont en ville et qui ont besoin d’aide au quotidien : des kinésithérapies, des auxiliaires de vie, des aides diverses. Seuls avec leur insuffisance respiratoire, ce sont des patients très précaires qu’il ne faut pas oublier. 

Mon message est donc le suivant : si vous en connaissez, ne les oubliez pas. Il faut à tout prix essayer de maintenir l’aide à domicile dont ils ont besoin pour, justement, les maintenir à domicile.

DR MALLET : Il est important de garder le contact !

PR NICOLAS ROCHE : Absolument.

 DR MALLET : Merci beaucoup pour votre temps et pour faire passer ces messages très clairs pour nos collègues. Bon courage à vous et vos équipes !

PR NICOLAS ROCHE : Merci.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Nicolas Roche, pneumologue à Cochin. 

DR MALLET : Professeur Roche, je suis médecin généraliste à Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor et j’écoute Radio Cochin, initiative pour laquelle je vous félicite.

J’ai été appelé par un de mes patients qui a 64 ans. Je le suis de longue date pour une BPCO sévère. Il est sous oxygénothérapie à domicile de longue durée. Il prend des corticoïdes inhalés et des bêta-2-mimétiques en aérosol.

En tant qu’expert, considérez-vous que ce patient soit à risque ? 

Doit-il arrêter les aérosols pour éviter la nébulisation de COVID dans la maison pour protéger sa famille ? 

J’ai entendu parler des corticoïdes et de leurs interactions avec l’infection à COVID. Doit-il les arrêter en sachant que ce sont des corticoïdes inhalés ? 

PR NICOLAS ROCHE : Premièrement, concernant le risque encouru par ce patient, nous n’avons pas encore énormément de données à ce sujet. Cela dit, nous n’avons pas l’impression que les patients atteints de maladies respiratoires chroniques et les BPCO en particulier, soient spécialement à risque d’attraper le COVID-19. 

En revanche, quand ils ont l’infection par le COVID, ils sont désormais à risque d’évolution défavorable. Leur maladie est donc plutôt un facteur de risque de gravité si une infection survient, qu’un facteur de risque de survenue de l’infection. 

Nous savons que les BPCO sont surreprésentés parmi les malades à pronostics défavorables mais ils ne sont pas surreprésentés sur l’ensemble de la population COVID. 

Deuxièmement, concernant la corticothérapie inhalée, nous savons que certains anti-inflammatoires, les AINS par voie systémique, pourraient être liés à des formes graves d’infections à COVID. Cependant, il n’a jamais été démontré dans les diverses études publiées tous les jours que les corticoïdes inhalés exposent à un risque similaire. 

Ce que nous savons en revanche, c’est que chez les malades qui ont des bonnes indications de corticoïdes inhalés, le fait de les arrêter va essentiellement exposer le malade à un risque d’exacerbation. 

Nous partons du principe que le médicament a été donné à bon escient et qu’il ne faut donc pas l’arrêter. C’est important et notamment pour les asthmatiques, car pour eux la corticoïde inhalée a complètement changé le pronostic. 

Il ne faut donc pas l’arrêter et bien le préciser aux patients qui parfois, sans en parler spontanément, l’arrêtent de leur côté. Il faut dire de ne pas arrêter leur traitement de fond, quel qu’il soit.

Enfin, concernant la nébulisation, il faut se rappeler que le principe de nébulisation est de faire un l’aérosol. Le nébuliseur va aérosoliser ce qui sort. Donc si le malade a des sécrétions respiratoires sortant du nez où il y a notamment une forte concentration de COVID comme c’est le cas chez les malades infectés, le nébuliseur peut potentiellement le répandre dans la pièce. En effet, ce ne sont pas des circuits fermés et il faut donc être très précautionneux.

À l’hôpital, nous privilégions l’utilisation d’un aérosol doseur avec une chambre d’inhalation. Si nous prenons un bêta-2-mimétique courte durée d’action et que nous mettons 4 doses dans la chambre d’inhalation toutes les 10 minutes, nous obtiendrons exactement l’effet d’un aérosol utilisé dans l’urgence. 

Pour un malade qui a 2 ou 3 aérosols par jour sur du long court, nous lui faisons entre 2 et 4 doses 3 fois par jour dans une chambre d’inhalation. Cela devrait faire le même effet. 

DR MALLET : D’accord, c’est pareil.

PR NICOLAS ROCHE : Oui et c’est important. Si certains malades ont des systèmes à poudre de bêta-2-mimétique courte durée d’action, ils peuvent aussi utiliser ces moyens. Je pense donc que c’est mieux de faire ça. 

Mais si le malade ne peut pas faire autrement qu’utiliser son aérosol car il est incapable d’utiliser les dispositifs portables, nous sommes plus embêtés. 

Il vaut mieux alors qu’il n’y ait personne dans la pièce pendant qu’il fait son aérosol et que celle-ci soit bien aérée ensuite. Si possible, il faut qu’il reste seul dans la pièce pendant 3h après l’aérosol, puisque nous savons que le virus, quand il est aérosolisé, peut rester 3h dans l’air.

Aussi, contrairement aux indications habituelles, nous pouvons pour une fois équiper la famille avec des masques FFP2 pour mieux les protéger s’ils rentrent dans la pièce après l’aérosol du patient.

DR MALLET : Il va donc ressortir son vieil aérosol des tiroirs et il va l’utiliser dans sa chambre pour éviter de contaminer les pièces de la maison.

PR NICOLAS ROCHE : Aérosol doseur avec chambre, cela a fait ses preuves. Même si c’est moins pratique et que cela prend plus de temps.

DR MALLET : D’accord. Je récapitule. 

Nous n’arrêtons pas les traitements inhalés, notamment les corticostéroïdes, pour ne pas le déstabiliser et éviter un facteur d’aggravation. 

Il évite de nébuliser le COVID dans toute la pièce pour ses proches. 

Enfin, sur la base de ce que vous savez, la BPCO n’est pas plus un facteur de risque comparativement au diabète par exemple.

PR NICOLAS ROCHE : De risque de l’infection, non. Cependant, s’il attrape le COVID, il fera partie des patients qu’il ne faut pas hésiter à diriger à l’hôpital. Pour un malade sévère comme cela, il faut rester méfiant.

Nous aimons bien les surveiller quelques jours car ils ont quand même le risque d’évoluer dans le mauvais sens. Il faut donc être très vigilant. 

DR MALLET : Ok, très bien. Votre message pour ce cas clinique ?

PR NICOLAS ROCHE : Nous avons des patients insuffisants respiratoires qui sont en ville et qui ont besoin d’aide au quotidien : des kinésithérapies, des auxiliaires de vie, des aides diverses. Seuls avec leur insuffisance respiratoire, ce sont des patients très précaires qu’il ne faut pas oublier. 

Mon message est donc le suivant : si vous en connaissez, ne les oubliez pas. Il faut à tout prix essayer de maintenir l’aide à domicile dont ils ont besoin pour, justement, les maintenir à domicile.

DR MALLET : Il est important de garder le contact !

PR NICOLAS ROCHE : Absolument.

DR MALLET : Merci beaucoup pour votre temps et pour faire passer ces messages très clairs pour nos collègues. Bon courage à vous et vos équipes !

PR NICOLAS ROCHE : Merci.

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