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Patiente de 45 ans sous tocilizumab, corticoïdes et anti-inflammatoires

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec la Professeure Corinne Miceli, rhumatologue à Cochin.

Retour d'expérience

DR MALLET : Professeure Miceli, pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre unité ?

PRE CORINNE MICELI : Dans notre unité de rhumatologie, l’épidémie de COVID nous a imposé de faire des modifications dans l’accueil des patients. Les choses ont été adaptées progressivement et rapidement.

Les patients en rhumatologie ont pour beaucoup un rhumatisme inflammatoire chronique avec potentiellement des immunosuppresseurs. Nous avons donc jugé inutile de faire venir à l’hôpital des patients très stables dans leur rhumatisme inflammatoire pour une consultation suivie.

En premier lieu, nous avons appelé tous les patients qui avaient des rendez-vous programmés pour les remplacer par des consultations téléphoniques ou des téléconsultations. Dans la majorité des cas de patients stables, c’était tout à fait faisable sans que ce soit délétère pour eux. 

Pour éviter d’exposer les patients, la deuxième opération a été d’annuler les hôpitaux de jour pour des bilans. Ce ne sont pas des patients qui venaient pour des traitements programmés comme des biothérapies en perfusion, mais pour des bilans diagnostic. 

Cela dit, il faut voir au cas par cas, car certains viennent pour un bilan mais peuvent également être en pleine poussée de rhumatisme inflammatoire très douloureux. Auquel cas nous ne pouvons pas les empêcher de venir à l’hôpital.

Pour ces patients qui ont un rhumatisme inflammatoire en poussée, nous sommes toujours rassurants en ce sens que l’unité de rhumatologie n’est pas un secteur où les patients COVID+ sont hospitalisés.

DR MALLET : Donc vous êtes COVID-free ? 

PRE CORINNE MICELI : C’est ça. Cela dit, nous avons notre façon de raisonner et les patients la leur car ils annulent parfois d’eux-mêmes leur hospitalisation en disant qu’ils ne veulent pas venir à l’hôpital.

Voulant anticiper la potentielle vague de COVID dont tout le monde à conscience, il nous a été demandé de libérer une salle d’hospitalisation pour accueillir des patients COVID négatifs de médecine interne et pneumologie, afin qu’ils puissent accueillir des COVID+.

Cette salle est disponible et contient 12 lits disponibles pour accueillir des patients de leurs services. 

Nous avons aussi un secteur d’hospitalisation traditionnelle pour les patients qui nécessitent d’être hospitalisés pour des infections qui ne sont pas du COVID, car il y en a bien d’autres. Sur ce secteur, les choses ont été maintenues à l’identique. 

DR MALLET : Cela a donc clairement impacté tout votre fonctionnement mais nous voyons que vous vous êtes parfaitement adaptés. En quoi cette crise a personnellement modifié votre activité ?  

PRE CORINNE MICELI : Tout d’abord, ce qui a le plus changé est l’inquiétude des patients. Beaucoup d’entre eux sont sous immunosuppresseurs, corticoïdes et sous anti-inflammatoires. 

Nous avons donc eu une avalanche d’appels et de mails de patients nous questionnant sur la façon de gérer leurs traitements. C’est un afflux de nécessité d’informations qui nous a beaucoup impacté. 

Nous avons eu des questions spécifiques aussi. En voici un exemple typique, frais de ce matin. Un patient avec la maladie de Crohn m’appelle. Il est sous Stelara, d’ustekinumab, et ne prend pas d’anti-inflammatoires ou de corticoïdes. 

Son médecin généraliste est parti en retraite. Il tousse sans fièvre mais avec l’impression d’avoir du mal à respirer. Naturellement, je lui ai répondu que la médecine ne se fait pas par téléphone et qu’il doit trouver un médecin remplaçant, à qui il donnera mes coordonnées. Ainsi, ce médecin va vérifier l’auscultation et la saturation et voir si une hospitalisation est nécessaire ou non. 

Le médecin généraliste qu’il a trouvé dans la foulée m’a rappelé 30 minutes plus tard en me disant que ce patient allait très bien avec une saturation normale et une auscultation parfaitement claire. Le patient reste donc en confinement à domicile avec les précautions usuelles et un suivi des manifestations cliniques. 

C’est un exemple très frais de questions qui nous sont posées et de nos situations quotidiennes.  

DR MALLET :Exemple tout à fait caractéristique de votre collaboration hôpital-ville, base sur laquelle nous avons lancé Radio Cochin.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Voici maintenant la question d’un médecin à Chevilly-Larue dans le Val-de-Marne. 

Je vois une femme de 45 ans avec une polyarthrite rhumatoïde. Elle a de la fièvre et une anosmie depuis 48h. Je suspecte une infection à COVID parce que j’ai entendu des associations entre infection à COVID et anosmie, agueusie. Comme elle a également de la fièvre, j’y pense. 

Cette patiente est traitée pour sa polyarthrite rhumatoïde par 10 mg de prednisone, des AINS, et elle reçoit une biothérapie de tocilizumab en sous cutanée à raison d’une injection toutes les semaines. 

Je suis inquiet de l’association COVID-19 et immunosuppresseurs. Que me conseillez-vous ?

Réponse et discussion

PRE CORINNE MICELI : Très bonne question, c’est un cas qui nous est très fréquemment proposé. Comme vous le savez, le tocilizumab est une biothérapie qui bloque l’IL 6 et qui a pu être proposée – est en cours d’évaluation – dans les formes sévères de COVID avec atteinte pulmonaire. Car ce traitement peut bloquer la déferlante cytokinique provoquée.

Pour la plupart des médecins le réflexe est d’arrêter un immunosuppresseur dans un contexte infectieux, COVID ou non. Mais comme nous avons entendu que le tocilizumab pouvait être utile, nous nous reposons la question. 

Cependant, l’attitude doit être la même : il faut l’arrêter pour laisser au patient la capacité de faire sa réponse immunitaire naturelle. Si son évolution devient plus sévère et qu’il faut réintroduire du tocilizumab, ce ne sera pas à nous de prendre la décision. Ce sera à un centre spécialisé en réanimation ou en pneumologie.

Quand vous avez donc ce patient devant vous, il faut clairement arrêter le tocilizumab comme n’importe quel immunosuppresseur.

Concernant les corticoïdes, 10 mg est souvent une dose faible pour nos rhumatismes inflammatoires. Cependant, c’est souvent une faible dose utilisée sur le long court. Il n’est donc pas question d’arrêter un corticoïde chez un patient qui le prend depuis plusieurs mois ou semaines. 

En revanche, il faut arrêter les anti-inflammatoires. Les médias l’ont beaucoup dit et les patients sont désormais informés. Ils ont d’ailleurs peur de les prendre. S’il le patient les a continués, il faut les arrêter comme nous le ferions devant un phlegmon de la main ou une pneumopathie. 

En effet, les anti-inflammatoires gênent la réponse immune, le recrutement de macrophages sur le site de l’inflammation et sont donc délétères devant toute infection. 

L’attitude face à une suspicion de COVID pour ce patient mais aussi de manière générale, est donc de garder les corticoïdes car ils sont à faibles doses et que nous ne voulons pas d’insuffisance surrénalienne, mais d’arrêter les anti-inflammatoires et les immunosuppresseurs. 

DR MALLET : C’est très clair. J’arrête ou décale les injections de tocilizumab, j’arrête les AINS et je laisse les corticoïdes à doses surrénaliennes pour éviter une insuffisance surrénale.

Et si ce patient avait pris 40 mg de Cortancyl (prednisone), qu’aurait-on fait ? 

PRE CORINNE MICELI : Dans une phase de suspicion de COVID, s’il évolue vers une forme plus sévère, la question de réduire les doses est à discuter avec nos collègues. En général, il est rare que nous soyons obligés de garder des doses si élevées. 

Nous pouvons donc tout à fait de réduire autour de 20/15 mg, au cas par cas. 

DR MALLET : Nous levons donc le pied sur les immunosuppresseurs. 

PRE CORINNE MICELI : Oui tout à fait.

Message de fin

DR MALLET : Merci, c’est très clair. Avez-vous un dernier message à faire passer ?  

PRE CORINNE MICELI : Bien se souvenir que l’attitude devant cette infection et toutes les autres est toujours la même : arrêter les anti-inflammatoires et les immunosuppresseurs.

Il ne faut pas s’en inquiéter car la plupart des immunosuppresseurs utilisés dans rhumatismes inflammatoires ont un effet rémanent. Ce n’est donc pas parce que vous allez arrêter l’injection d’un anti-TNF, d’ustekinumab ou de tocilizumab, que le patient va être en rechute le lendemain. Il faut être souple et contracté vis à vis de cela. 

Il y a un effet rémanent de ces biothérapies, il faut donc les arrêter devant toute suspicion d’élément infectieux. C’est une attitude simple et très importante. 

DR MALLET :Merci beaucoup et bon courage !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec la Professeure Corinne Miceli, rhumatologue à Cochin.  

DR MALLET : Professeure Miceli, pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre unité ?

PRE CORINNE MICELI : Dans notre unité de rhumatologie, l’épidémie de COVID nous a imposé de faire des modifications dans l’accueil des patients. Les choses ont été adaptées progressivement et rapidement.

Les patients en rhumatologie ont pour beaucoup un rhumatisme inflammatoire chronique avec potentiellement des immunosuppresseurs. Nous avons donc jugé inutile de faire venir à l’hôpital des patients très stables dans leur rhumatisme inflammatoire pour une consultation suivie.

En premier lieu, nous avons appelé tous les patients qui avaient des rendez-vous programmés pour les remplacer par des consultations téléphoniques ou des téléconsultations. Dans la majorité des cas de patients stables, c’était tout à fait faisable sans que ce soit délétère pour eux. 

Pour éviter d’exposer les patients, la deuxième opération a été d’annuler les hôpitaux de jour pour des bilans. Ce ne sont pas des patients qui venaient pour des traitements programmés comme des biothérapies en perfusion, mais pour des bilans diagnostic. 

Cela dit, il faut voir au cas par cas, car certains viennent pour un bilan mais peuvent également être en pleine poussée de rhumatisme inflammatoire très douloureux. Auquel cas nous ne pouvons pas les empêcher de venir à l’hôpital.

Pour ces patients qui ont un rhumatisme inflammatoire en poussée, nous sommes toujours rassurants en ce sens que l’unité de rhumatologie n’est pas un secteur où les patients COVID+ sont hospitalisés.

DR MALLET : Donc vous êtes COVID-free ? 

PRE CORINNE MICELI : C’est ça. Cela dit, nous avons notre façon de raisonner et les patients la leur car ils annulent parfois d’eux-mêmes leur hospitalisation en disant qu’ils ne veulent pas venir à l’hôpital.

Voulant anticiper la potentielle vague de COVID dont tout le monde à conscience, il nous a été demandé de libérer une salle d’hospitalisation pour accueillir des patients COVID négatifs de médecine interne et pneumologie, afin qu’ils puissent accueillir des COVID+.

Cette salle est disponible et contient 12 lits disponibles pour accueillir des patients de leurs services. 

Nous avons aussi un secteur d’hospitalisation traditionnelle pour les patients qui nécessitent d’être hospitalisés pour des infections qui ne sont pas du COVID, car il y en a bien d’autres. Sur ce secteur, les choses ont été maintenues à l’identique. 

DR MALLET : Cela a donc clairement impacté tout votre fonctionnement mais nous voyons que vous vous êtes parfaitement adaptés. En quoi cette crise a personnellement modifié votre activité ?  

PRE CORINNE MICELI : Tout d’abord, ce qui a le plus changé est l’inquiétude des patients. Beaucoup d’entre eux sont sous immunosuppresseurs, corticoïdes et sous anti-inflammatoires. 

Nous avons donc eu une avalanche d’appels et de mails de patients nous questionnant sur la façon de gérer leurs traitements. C’est un afflux de nécessité d’informations qui nous a beaucoup impacté. 

Nous avons eu des questions spécifiques aussi. En voici un exemple typique, frais de ce matin. Un patient avec la maladie de Crohn m’appelle. Il est sous Stelara, d’ustekinumab, et ne prend pas d’anti-inflammatoires ou de corticoïdes. 

Son médecin généraliste est parti en retraite. Il tousse sans fièvre mais avec l’impression d’avoir du mal à respirer. Naturellement, je lui ai répondu que la médecine ne se fait pas par téléphone et qu’il doit trouver un médecin remplaçant, à qui il donnera mes coordonnées. Ainsi, ce médecin va vérifier l’auscultation et la saturation et voir si une hospitalisation est nécessaire ou non. 

Le médecin généraliste qu’il a trouvé dans la foulée m’a rappelé 30 minutes plus tard en me disant que ce patient allait très bien avec une saturation normale et une auscultation parfaitement claire. Le patient reste donc en confinement à domicile avec les précautions usuelles et un suivi des manifestations cliniques. 

C’est un exemple très frais de questions qui nous sont posées et de nos situations quotidiennes.  

DR MALLET : Exemple tout à fait caractéristique de votre collaboration hôpital-ville, base sur laquelle nous avons lancé Radio Cochin.

Voici maintenant la question d’un médecin à Chevilly-Larue dans le Val-de-Marne. 

Je vois une femme de 45 ans avec une polyarthrite rhumatoïde. Elle a de la fièvre et une anosmie depuis 48h. Je suspecte une infection à COVID parce que j’ai entendu des associations entre infection à COVID et anosmie, agueusie. Comme elle a également de la fièvre, j’y pense. 

Cette patiente est traitée pour sa polyarthrite rhumatoïde par 10 mg de prednisone, des AINS, et elle reçoit une biothérapie de tocilizumab en sous cutanée à raison d’une injection toutes les semaines. 

Je suis inquiet de l’association COVID-19 et immunosuppresseurs. Que me conseillez-vous ?  

PRE CORINNE MICELI : Très bonne question, c’est un cas qui nous est très fréquemment proposé. Comme vous le savez, le tocilizumab est une biothérapie qui bloque l’IL 6 et qui a pu être proposée – est en cours d’évaluation – dans les formes sévères de COVID avec atteinte pulmonaire. Car ce traitement peut bloquer la déferlante cytokinique provoquée.

Pour la plupart des médecins le réflexe est d’arrêter un immunosuppresseur dans un contexte infectieux, COVID ou non. Mais comme nous avons entendu que le tocilizumab pouvait être utile, nous nous reposons la question. 

Cependant, l’attitude doit être la même : il faut l’arrêter pour laisser au patient la capacité de faire sa réponse immunitaire naturelle. Si son évolution devient plus sévère et qu’il faut réintroduire du tocilizumab, ce ne sera pas à nous de prendre la décision. Ce sera à un centre spécialisé en réanimation ou en pneumologie.

Quand vous avez donc ce patient devant vous, il faut clairement arrêter le tocilizumab comme n’importe quel immunosuppresseur.

Concernant les corticoïdes, 10 mg est souvent une dose faible pour nos rhumatismes inflammatoires. Cependant, c’est souvent une faible dose utilisée sur le long court. Il n’est donc pas question d’arrêter un corticoïde chez un patient qui le prend depuis plusieurs mois ou semaines. 

En revanche, il faut arrêter les anti-inflammatoires. Les médias l’ont beaucoup dit et les patients sont désormais informés. Ils ont d’ailleurs peur de les prendre. S’il le patient les a continués, il faut les arrêter comme nous le ferions devant un phlegmon de la main ou une pneumopathie. 

En effet, les anti-inflammatoires gênent la réponse immune, le recrutement de macrophages sur le site de l’inflammation et sont donc délétères devant toute infection. 

L’attitude face à une suspicion de COVID pour ce patient mais aussi de manière générale, est donc de garder les corticoïdes car ils sont à faibles doses et que nous ne voulons pas d’insuffisance surrénalienne, mais d’arrêter les anti-inflammatoires et les immunosuppresseurs. 

DR MALLET : C’est très clair. J’arrête ou décale les injections de tocilizumab, j’arrête les AINS et je laisse les corticoïdes à doses surrénaliennes pour éviter une insuffisance surrénale.

Et si ce patient avait pris 40 mg de Cortancyl (prednisone), qu’aurait-on fait ? 

PRE CORINNE MICELI : Dans une phase de suspicion de COVID, s’il évolue vers une forme plus sévère, la question de réduire les doses est à discuter avec nos collègues. En général, il est rare que nous soyons obligés de garder des doses si élevées. 

Nous pouvons donc tout à fait de réduire autour de 20/15 mg, au cas par cas. 

DR MALLET : Nous levons donc le pied sur les immunosuppresseurs. 

PRE CORINNE MICELI : Oui tout à fait. 

DR MALLET : Merci, c’est très clair. Avez-vous un dernier message à faire passer ?  

PRE CORINNE MICELI : Bien se souvenir que l’attitude devant cette infection et toutes les autres est toujours la même : arrêter les anti-inflammatoires et les immunosuppresseurs.

Il ne faut pas s’en inquiéter car la plupart des immunosuppresseurs utilisés dans rhumatismes inflammatoires ont un effet rémanent. Ce n’est donc pas parce que vous allez arrêter l’injection d’un anti-TNF, d’ustekinumab ou de tocilizumab, que le patient va être en rechute le lendemain. Il faut être souple et contracté vis à vis de cela. 

Il y a un effet rémanent de ces biothérapies, il faut donc les arrêter devant toute suspicion d’élément infectieux. C’est une attitude simple et très importante. 

DR MALLET : Merci beaucoup et bon courage !

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