Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.
Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Étienne Larger, Chef du Service de Diabétologie de l’hôpital Cochin.
DR MALLET : Professeur Larger, je suis médecin généraliste à Montfermeil en Seine-Saint-Denis et je vois un patient de 72 ans qui tousse et qui a de la fièvre depuis 4 jours. Il est suivi pour un diabète de type 2 sous insuline. Il a une insuffisance rénale chronique avec un débit autour de 47 ml/min pour 1,73 m.
Je suspecte une infection par le COVID-19. J’ai entendu dire que les patients graves, ceux avec des comorbidités à diabète notamment, sont à risque d’infection grave par le COVID. Que me conseillez-vous ?
PR ETIENNE LARGER : Des études épidémiologiques montrent d’une manière générale que la mortalité des patients diabétiques de type 2 traités par insuline est plus élevée que la mortalité des patients diabétiques qui ne reçoivent pas d’insuline.
Attention, il ne faut cependant pas se tromper d’interprétation. L’insuline n’est pas un facteur, ce sont simplement les patients diabétiques de type 2 liés à l’insuline qui sont en général beaucoup plus fragiles que les autres.
Le patient que vous avez en charge actuellement est insuffisant rénal, ce qui multiplie les facteurs de risque et d’évolution néfaste dans une situation dangereuse. Ce patient va être exposé à deux risques.
Le premier est celui de l’infection elle-même dans un contexte d’hyperglycémie qui risque d’être non contrôlée.
Le deuxième, pour ce patient insuffisant rénal, est le risque de déshydratation et d’évolution rapide vers une insuffisance rénale aiguë et vers un coma hyperosmolaire favorisé par l’hyperglycémie, la fièvre et par des apports hydriques insuffisants et la poursuite de diurétiques.
DR MALLET : Il faut donc vraiment le surveiller de très près. Aujourd’hui, quand je vais à son chevet, il n’a pas de signes respiratoires inquiétants mais il faut que je sois extrêmement prudent. Ce sont ces patients qui peuvent potentiellement s’aggraver.
Vous avez donc la notion que les patients avec un diabète infectés par le coronavirus sont plus graves quand ils sont sous insuline ?
PR ETIENNE LARGER : Non ! Nous mais nous savons grâce aux travaux chinois que les patients diabétiques sont des patients avec un double-risque, : un risque plus élevé d’évoluer vers une forme sévère, et à l’intérieur des formes sévères un risque plus élevé de pronostic fatal.
Nous n’avons pas d’indication sur les patients traités par insuline particulièrement. Ce que je voulais dire, c’est que l’insuline marque des patients à très haut risque puisqu’en général ce sont des patients qui ont des comorbidités et souvent des antécédents cardiovasculaires, de multiples complications. Chez votre patient en particulier, c’est une insuffisance rénale qui marque le pronostic.
DR MALLET : Je dois donc être prudent. Le deuxième point est de surveiller le diabète car il est à haut risque de décompensation.
PR ETIENNE LARGER : La question qui se pose en particulier chez ce patient âgé est de savoir quel est son degré d’autonomie dans la gestion de son diabète.
Nous avons vu beaucoup de patients rester extrêmement passifs en voyant des glycémies qui montent dans le contexte de l’infection, mais aussi très passifs dans l’ajustement des doses d’insuline.
Ce sont souvent des patients qui ont eu une éducation minimale leur permettant d’être autonome pour la gestion des injections d’insuline et pour la mesure des glycémies mais qui n’ont pas reçu les enseignements leur permettant d’ajuster rapidement les doses d’insuline dans une situation critique.
Je crois que ce sont des patients qu’il faut voir très souvent, quasiment quotidiennement. Pour se soucier en effet de leurs relevés de glycémies et prendre des signaux rapides pour l’augmentation des doses d’insuline ou même la complexification du schéma d’insuline.
Nous trouvons souvent des patients qui ont une seule injection d’insuline retard une fois par jour. Parfois, l’augmentation ne suffit pas et il faut rajouter des injections.
Aujourd’hui, il n’est pas si simple de trouver des infirmières pour seconder ces patients mais il faut quand même prendre quotidiennement de leurs nouvelles pour savoir où ils en sont dans le contrôle des glycémies.
DR MALLET : Je retourne donc le voir demain et je l’appelle tous les jours pour vérifier ses glycémies.
PR ETIENNE LARGER : Oui. Il faut aussi garder une grande vigilance sur les risques de déshydratation par la fièvre et par l’hyperglycémie elle-même. Il faut être attentif à l’évolution du poids et de la pression artérielle du patient.
Ce sont des patients qui prennent souvent des diurétiques. Or si le poids ou la pression artérielle chute, il faut arrêter ou diminuer transitoirement ces diurétiques.
Ce qui n’est pas sans problème non plus car ce sont souvent des patients insuffisants cardiaques donc nous pouvons être confrontés à des décisions compliquées.
Mais aujourd’hui, il faut penser en premier au risque d’un coma hyperosmolaire par déshydratation massive.
DR MALLET : Surtout qu’il a de la fièvre.
PR ETIENNE LARGER : En effet.
DR MALLET : Voulez-vous insister sur un message en particulier ?
PR ETIENNE LARGER : Ce patient est à risque de décompensation à la fois du diabète, de l’insuffisance rénale et de ses comorbidités. Il est donc vraiment important d’avoir un accompagnement très rapproché pour l’aider à prendre en charge cette phase critique.
En effet, tout ceux-ci sont des facteurs de risque d’évolution vers une forme sévère du COVID. Et nous savons aujourd’hui qu’un patient de 72 ans avec une insuffisance rénale et une évolution sévère du COVID marque un risque majeur d’évolution vers une forme fatale de la maladie.
DR MALLET : Je récapitule : le surveiller de très près, ne pas forcément l’envoyer tout de suite aux urgences s’il a l’air de gérer, mais rester très prudent.
PR ETIENNE LARGER : Oui. Il faut s’assurer que la surveillance des glycémies et des différents paramètres d’hydratation pourra être effectué à la maison par le patient lui-même ou son entourage.
DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous recontacterons. Bon courage !
À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Étienne Larger, Chef du Service de Diabétologie de l’hôpital Cochin.
DR MALLET : Professeur Larger, je suis médecin généraliste à Montfermeil en Seine-Saint-Denis et je vois un patient de 72 ans qui tousse et qui a de la fièvre depuis 4 jours. Il est suivi pour un diabète de type 2 sous insuline. Il a une insuffisance rénale chronique avec un débit autour de 47 ml/min pour 1,73 m.
Je suspecte une infection par le COVID-19. J’ai entendu dire que les patients graves, ceux avec des comorbidités à diabète notamment, sont à risque d’infection grave par le COVID. Que me conseillez-vous ?
PR ETIENNE LARGER : Des études épidémiologiques montrent d’une manière générale que la mortalité des patients diabétiques de type 2 traités par insuline est plus élevée que la mortalité des patients diabétiques qui ne reçoivent pas d’insuline.
Attention, il ne faut cependant pas se tromper d’interprétation. L’insuline n’est pas un facteur, ce sont simplement les patients diabétiques de type 2 liés à l’insuline qui sont en général beaucoup plus fragiles que les autres.
Le patient que vous avez en charge actuellement est insuffisant rénal, ce qui multiplie les facteurs de risque et d’évolution néfaste dans une situation dangereuse. Ce patient va être exposé à deux risques.
Le premier est celui de l’infection elle-même dans un contexte d’hyperglycémie qui risque d’être non contrôlée.
Le deuxième, pour ce patient insuffisant rénal, est le risque de déshydratation et d’évolution rapide vers une insuffisance rénale aiguë et vers un coma hyperosmolaire favorisé par l’hyperglycémie, la fièvre et par des apports hydriques insuffisants et la poursuite de diurétiques.
DR MALLET : Il faut donc vraiment le surveiller de très près. Aujourd’hui, quand je vais à son chevet, il n’a pas de signes respiratoires inquiétants mais il faut que je sois extrêmement prudent. Ce sont ces patients qui peuvent potentiellement s’aggraver.
Vous avez donc la notion que les patients avec un diabète infectés par le coronavirus sont plus graves quand ils sont sous insuline ?
PR ETIENNE LARGER : Non ! Nous mais nous savons grâce aux travaux chinois que les patients diabétiques sont des patients avec un double-risque, : un risque plus élevé d’évoluer vers une forme sévère, et à l’intérieur des formes sévères un risque plus élevé de pronostic fatal.
Nous n’avons pas d’indication sur les patients traités par insuline particulièrement. Ce que je voulais dire, c’est que l’insuline marque des patients à très haut risque puisqu’en général ce sont des patients qui ont des comorbidités et souvent des antécédents cardiovasculaires, de multiples complications. Chez votre patient en particulier, c’est une insuffisance rénale qui marque le pronostic.
DR MALLET : Je dois donc être prudent. Le deuxième point est de surveiller le diabète car il est à haut risque de décompensation.
PR ETIENNE LARGER : La question qui se pose en particulier chez ce patient âgé est de savoir quel est son degré d’autonomie dans la gestion de son diabète.
Nous avons vu beaucoup de patients rester extrêmement passifs en voyant des glycémies qui montent dans le contexte de l’infection, mais aussi très passifs dans l’ajustement des doses d’insuline.
Ce sont souvent des patients qui ont eu une éducation minimale leur permettant d’être autonome pour la gestion des injections d’insuline et pour la mesure des glycémies mais qui n’ont pas reçu les enseignements leur permettant d’ajuster rapidement les doses d’insuline dans une situation critique.
Je crois que ce sont des patients qu’il faut voir très souvent, quasiment quotidiennement. Pour se soucier en effet de leurs relevés de glycémies et prendre des signaux rapides pour l’augmentation des doses d’insuline ou même la complexification du schéma d’insuline.
Nous trouvons souvent des patients qui ont une seule injection d’insuline retard une fois par jour. Parfois, l’augmentation ne suffit pas et il faut rajouter des injections.
Aujourd’hui, il n’est pas si simple de trouver des infirmières pour seconder ces patients mais il faut quand même prendre quotidiennement de leurs nouvelles pour savoir où ils en sont dans le contrôle des glycémies.
DR MALLET : Je retourne donc le voir demain et je l’appelle tous les jours pour vérifier ses glycémies.
PR ETIENNE LARGER : Oui. Il faut aussi garder une grande vigilance sur les risques de déshydratation par la fièvre et par l’hyperglycémie elle-même. Il faut être attentif à l’évolution du poids et de la pression artérielle du patient.
Ce sont des patients qui prennent souvent des diurétiques. Or si le poids ou la pression artérielle chute, il faut arrêter ou diminuer transitoirement ces diurétiques.
Ce qui n’est pas sans problème non plus car ce sont souvent des patients insuffisants cardiaques donc nous pouvons être confrontés à des décisions compliquées.
Mais aujourd’hui, il faut penser en premier au risque d’un coma hyperosmolaire par déshydratation massive.
DR MALLET : Surtout qu’il a de la fièvre.
PR ETIENNE LARGER : En effet.
DR MALLET : Voulez-vous insister sur un message en particulier ?
PR ETIENNE LARGER : Ce patient est à risque de décompensation à la fois du diabète, de l’insuffisance rénale et de ses comorbidités. Il est donc vraiment important d’avoir un accompagnement très rapproché pour l’aider à prendre en charge cette phase critique.
En effet, tout ceux-ci sont des facteurs de risque d’évolution vers une forme sévère du COVID. Et nous savons aujourd’hui qu’un patient de 72 ans avec une insuffisance rénale et une évolution sévère du COVID marque un risque majeur d’évolution vers une forme fatale de la maladie.
DR MALLET : Je récapitule : le surveiller de très près, ne pas forcément l’envoyer tout de suite aux urgences s’il a l’air de gérer, mais rester très prudent.
PR ETIENNE LARGER : Oui. Il faut s’assurer que la surveillance des glycémies et des différents paramètres d’hydratation pourra être effectué à la maison par le patient lui-même ou son entourage.
DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous recontacterons. Bon courage !
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.