Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.
Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Benoît Doumenc, Chef du service des urgences de Cochin.
DR MALLET : Pouvez-vous nous expliquer quelle est la situation dans votre service ?
PR BENOIT DOUMENC : La situation est similaire à celle de la plupart des SAU de France et plus particulièrement ceux de l’AP.
Nous sommes organisés en deux secteurs : le « secteur viral » qui accueille les patients suspects ou COVID+ et le secteur d’accueil propre qui accueille les patients présentant d’autres pathologies que le COVID et pour lesquels il est indispensable de mettre en place toute une série de soins habituels.
Nous avons également des équipes qui sont bien différenciées. L’une s’occupe des patients suspects ou COVID+ et l’autre des patients autres.
Nous bénéficions également d’un renfort d’autres personnels de l’hôpital qui, du fait de la réorganisation de cet hôpital – nous sommes en plan blanc donc toutes les activités programmées ont été interrompues – viennent renforcer aussi bien les urgences que les secteurs d’hospitalisation des patients COVID+.
L’hôpital s’est organisé et nous avons sectorisé les lits d’hospitalisation : certains sont désormais dédiés aux patients COVID+ et les autres à la prise en charge des COVID -.
DR MALLET : Très bien. Vous êtes donc prêts pour le pic épidémique. Je me mets à la place de nos collègues qui sont en première ligne et qui sont déjà confrontés à cette épidémie. Sachant que le pic épidémique est attendu dans 10 jours.
DR MALLET : Je vous pose maintenant la question d’un médecin situé près de Cochin.
Je suis un homme de 35 ans qui me demande de venir à domicile car il a de la fièvre depuis 48h et il tousse avec des expectorations.
Que dois-je faire ? L’envoyer aux urgences de votre service ?
PR BENOIT DOUMENC : Non. Il ne faut pas systématiquement envoyer aux urgences. Comme pour tout patient, il faut tout d’abord l’examiner et évaluer les critères de gravité. Ce sont des critères essentiellement cliniques et respiratoires.
En premier lieu, le plus important est la mesure de la fréquence respiratoire. Si elle est en effet élevée ou si elle est associée à des signes de chocs – que nous pouvons cependant retrouver dans toute pathologie infectieuse – cela fera partie des critères d’orientation vers l’hôpital.
A priori, ce patient de 35 ans n’a pas de comorbidités mais est à haut risque d’avoir le COVID. En effet, la plupart des syndromes grippaux peuvent désormais être occasionnés par le COVID.
Toutefois, nous n’avons pas d’indication à traiter ce patient ou l’envoyer uniquement pour un dépistage. La première des choses est donc de l’examiner, de l’évaluer, et en fonction de ses critères respiratoires, de contacter secondairement les services d’urgence pour l’orienter vers nos structures.
DR MALLET : Cet homme est jeune (moins de 60 ans) et a une fréquence respiratoire qui n’est pas élevée. Nous devons la seuiller à combien ?
PR BENOIT DOUMENC : Il doit avoir une fréquence respiratoire habituelle, c’est-à-dire aux alentours de 16-18. Elle doit en tout cas être en dessous de 20 par minute. Cela dit, la fréquence cardiaque sera forcément élevée si le patient est fébrile.
Mais s’il a 30 ans et que sa une fréquence cardiaque est aux alentours de 120 sans signes au niveau de la perfusion périphérique ou sans signes de défaillance, ce n’est pas forcément inquiétant.
DR MALLET : D’accord. Pas de défaillance hémodynamique non plus.
PR BENOIT DOUMENC : Si vous avez la capacité d’avoir la saturation du patient, cela peut être aussi un bon indicateur de dégradation de son état respiratoire indiquant qu’il faudra le suivre.
DR MALLET : À partir de quel seuil ?
PR BENOIT DOUMENC : Je dirais 96%. Je ne peux pas donner une valeur très exacte, mais quelqu’un qui n’a aucun antécédent respiratoire ne devrait pas descendre en dessous de 95%.
DR MALLET : C’est très clair. Que me recommandez-vous comme traitement ?
PR BENOIT DOUMENC : Un traitement symptomatique. Il faut faire baisser sa température et souvent sa mauvaise tolérance. Le traitement recommandé actuellement est le paracétamol, quel que soit son mode d’administration.
Les anti-inflammatoires sont à proscrire. Attention, je précise bien qu’il s’agit de l’introduction d’anti-inflammatoires qui est à proscrire mais pas l’arrêt d’un traitement anti-inflammatoire au long court. Dans ce cas, cela doit se discuter avec le spécialiste ou le médecin qui a initialement instauré ce traitement pour une maladie inflammatoire de type polyarthrite rhumatoïde ou autres, par exemple.
Par ailleurs, dans notre pratique quotidienne, nous ne mettons pas systématiquement d’antibiothérapies probabilistes chez des patients qui n’ont pas clairement de foyers à l’auscultation ou dans le cadre d’une imagerie.
Pour l’instant, je pense qu’il n’y a pas d’urgence à mettre de l’antibiotique, d’autant plus que chez ces patients atteints du COVID, les signes de surinfection immédiate ne sont pas forcément ceux que nous voyons en premier.
Attention cependant, car si nous parlons beaucoup de COVID, n’oublions pas que des pneumopathies à pneumocoque peuvent aussi toucher n’importe quel type de patient et que des infections bactériennes autres peuvent avoir une présentation similaire à celle du COVID.
Il faut donc faire attention à ne pas penser uniquement COVID, mais penser aussi aux autres maladies infectieuses qui nécessiteront alors peut-être un traitement antiviral.
DR MALLET : Comment dois-je surveiller mon patient ?
PR BENOIT DOUMENC : Il faut le surveiller par des contacts téléphoniques réguliers.
Au niveau hospitalier, nous avons mis en place le circuit COVIDOM qui permet aux patients suspects ou COVID+ consultés dans les services d’urgence d’être surveillés par des contacts téléphoniques répétés afin d’évaluer leur état respiratoire.
La première chose est donc le contact téléphonique et la deuxième est de motiver l’entourage pour qu’ils puissent, au moindre doute, contacter le médecin qui l’a vu au domicile ou le 15.
DR MALLET : Après combien de jours dois-je le recontacter ?
PR BENOIT DOUMENC : Il ne faut pas oublier que nous découvrons encore cette maladie en termes d’évolution et de stratégies cliniques et thérapeutiques. Nous nous rendons cependant compte que les patients se dégradent entre le 6ème et le 7ème jour après le début des premiers signes cliniques.
Nous savons que cette période est très critique et nous avons été très surpris de voir que les patients, lorsqu’ils commencent à être oxygéno-requérants, peuvent s’aggraver très vite en quelques heures.
Il ne faut donc pas hésiter à bien prévenir les patients : s’ils ont l’impression d’être plus essoufflés ou d’avoir une majoration des difficultés respiratoires, il faut directement qu’ils se dirigent vers l’hôpital.
DR MALLET : Que dois-je conseiller aux personnes qui vivent avec ce patient ?
PR BENOIT DOUMENC : D’une part, la majoration des éléments de protection et le respect des procédures barrières. La personne atteinte doit systématiquement porter un masque chirurgical en présence d’autres personnes.
D’autre part évidemment, maintenir le confinement qui est important tant pour éviter l’extension épidémique que pour protéger le voisinage.
Enfin, être vigilant sur les signes dont nous avons parlé tout à l’heure. Si le patient a une majoration de troubles respiratoires ou des difficultés à parler, il faut immédiatement appeler les secours.
DR MALLET : Professeur Doumenc, merci beaucoup pour ces explications. Nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour vous poser de nouvelles questions.
Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.
Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.
Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Benoît Doumenc, Chef du service des urgences de Cochin.
DR MALLET : Pouvez-vous nous expliquer quelle est la situation dans votre service ?
PR BENOIT DOUMENC : La situation est similaire à celle de la plupart des SAU de France et plus particulièrement ceux de l’AP.
Nous sommes organisés en deux secteurs : le « secteur viral » qui accueille les patients suspects ou COVID+ et le secteur d’accueil propre qui accueille les patients présentant d’autres pathologies que le COVID et pour lesquels il est indispensable de mettre en place toute une série de soins habituels.
Nous avons également des équipes qui sont bien différenciées. L’une s’occupe des patients suspects ou COVID+ et l’autre des patients autres.
Nous bénéficions également d’un renfort d’autres personnels de l’hôpital qui, du fait de la réorganisation de cet hôpital – nous sommes en plan blanc donc toutes les activités programmées ont été interrompues – viennent renforcer aussi bien les urgences que les secteurs d’hospitalisation des patients COVID+.
L’hôpital s’est organisé et nous avons sectorisé les lits d’hospitalisation : certains sont désormais dédiés aux patients COVID+ et les autres à la prise en charge des COVID -.
DR MALLET : Très bien. Vous êtes donc prêts pour le pic épidémique. Je me mets à la place de nos collègues qui sont en première ligne et qui sont déjà confrontés à cette épidémie. Sachant que le pic épidémique est attendu dans 10 jours. Je vous pose maintenant la question d’un médecin situé près de Cochin.
Je suis un homme de 35 ans qui me demande de venir à domicile car il a de la fièvre depuis 48h et il tousse avec des expectorations.
Que dois-je faire ? L’envoyer aux urgences de votre service ?
PR BENOIT DOUMENC : Non. Il ne faut pas systématiquement envoyer aux urgences. Comme pour tout patient, il faut tout d’abord l’examiner et évaluer les critères de gravité. Ce sont des critères essentiellement cliniques et respiratoires.
En premier lieu, le plus important est la mesure de la fréquence respiratoire. Si elle est en effet élevée ou si elle est associée à des signes de chocs – que nous pouvons cependant retrouver dans toute pathologie infectieuse – cela fera partie des critères d’orientation vers l’hôpital.
A priori, ce patient de 35 ans n’a pas de comorbidités mais est à haut risque d’avoir le COVID. En effet, la plupart des syndromes grippaux peuvent désormais être occasionnés par le COVID.
Toutefois, nous n’avons pas d’indication à traiter ce patient ou l’envoyer uniquement pour un dépistage. La première des choses est donc de l’examiner, de l’évaluer, et en fonction de ses critères respiratoires, de contacter secondairement les services d’urgence pour l’orienter vers nos structures.
DR MALLET : Cet homme est jeune (moins de 60 ans) et a une fréquence respiratoire qui n’est pas élevée. Nous devons la seuiller à combien ?
PR BENOIT DOUMENC : Il doit avoir une fréquence respiratoire habituelle, c’est-à-dire aux alentours de 16-18. Elle doit en tout cas être en dessous de 20 par minute. Cela dit, la fréquence cardiaque sera forcément élevée si le patient est fébrile.
Mais s’il a 30 ans et que sa une fréquence cardiaque est aux alentours de 120 sans signes au niveau de la perfusion périphérique ou sans signes de défaillance, ce n’est pas forcément inquiétant.
DR MALLET : D’accord. Pas de défaillance hémodynamique non plus.
PR BENOIT DOUMENC : Si vous avez la capacité d’avoir la saturation du patient, cela peut être aussi un bon indicateur de dégradation de son état respiratoire indiquant qu’il faudra le suivre.
DR MALLET : À partir de quel seuil ?
PR BENOIT DOUMENC : Je dirais 96%. Je ne peux pas donner une valeur très exacte, mais quelqu’un qui n’a aucun antécédent respiratoire ne devrait pas descendre en dessous de 95%.
DR MALLET : C’est très clair. Que me recommandez-vous comme traitement ?
PR BENOIT DOUMENC : Un traitement symptomatique. Il faut faire baisser sa température et souvent sa mauvaise tolérance. Le traitement recommandé actuellement est le paracétamol, quel que soit son mode d’administration.
Les anti-inflammatoires sont à proscrire. Attention, je précise bien qu’il s’agit de l’introduction d’anti-inflammatoires qui est à proscrire mais pas l’arrêt d’un traitement anti-inflammatoire au long court. Dans ce cas, cela doit se discuter avec le spécialiste ou le médecin qui a initialement instauré ce traitement pour une maladie inflammatoire de type polyarthrite rhumatoïde ou autres, par exemple.
Par ailleurs, dans notre pratique quotidienne, nous ne mettons pas systématiquement d’antibiothérapies probabilistes chez des patients qui n’ont pas clairement de foyers à l’auscultation ou dans le cadre d’une imagerie.
Pour l’instant, je pense qu’il n’y a pas d’urgence à mettre de l’antibiotique, d’autant plus que chez ces patients atteints du COVID, les signes de surinfection immédiate ne sont pas forcément ceux que nous voyons en premier.
Attention cependant, car si nous parlons beaucoup de COVID, n’oublions pas que des pneumopathies à pneumocoque peuvent aussi toucher n’importe quel type de patient et que des infections bactériennes autres peuvent avoir une présentation similaire à celle du COVID.
Il faut donc faire attention à ne pas penser uniquement COVID, mais penser aussi aux autres maladies infectieuses qui nécessiteront alors peut-être un traitement antiviral.
DR MALLET : Comment dois-je surveiller mon patient ?
PR BENOIT DOUMENC : Il faut le surveiller par des contacts téléphoniques réguliers.
Au niveau hospitalier, nous avons mis en place le circuit COVIDOM qui permet aux patients suspects ou COVID+ consultés dans les services d’urgence d’être surveillés par des contacts téléphoniques répétés afin d’évaluer leur état respiratoire.
La première chose est donc le contact téléphonique et la deuxième est de motiver l’entourage pour qu’ils puissent, au moindre doute, contacter le médecin qui l’a vu au domicile ou le 15.
DR MALLET : Après combien de jours dois-je le recontacter ?
PR BENOIT DOUMENC : Il ne faut pas oublier que nous découvrons encore cette maladie en termes d’évolution et de stratégies cliniques et thérapeutiques. Nous nous rendons cependant compte que les patients se dégradent entre le 6ème et le 7ème jour après le début des premiers signes cliniques.
Nous savons que cette période est très critique et nous avons été très surpris de voir que les patients, lorsqu’ils commencent à être oxygéno-requérants, peuvent s’aggraver très vite en quelques heures.
Il ne faut donc pas hésiter à bien prévenir les patients : s’ils ont l’impression d’être plus essoufflés ou d’avoir une majoration des difficultés respiratoires, il faut directement qu’ils se dirigent vers l’hôpital.
DR MALLET : Que dois-je conseiller aux personnes qui vivent avec ce patient ?
PR BENOIT DOUMENC : D’une part, la majoration des éléments de protection et le respect des procédures barrières. La personne atteinte doit systématiquement porter un masque chirurgical en présence d’autres personnes.
D’autre part évidemment, maintenir le confinement qui est important tant pour éviter l’extension épidémique que pour protéger le voisinage.
Enfin, être vigilant sur les signes dont nous avons parlé tout à l’heure. Si le patient a une majoration de troubles respiratoires ou des difficultés à parler, il faut immédiatement appeler les secours.
DR MALLET : Professeur Doumenc, merci beaucoup pour ces explications. Nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour vous poser de nouvelles questions.
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.